Le désir est-il l'ennemi de lui-même ?
Extrait du document
«
Analyse du sujet :
Il convient dans ce sujet de bien définir ce qu'est le désir.
Le désir est toujours le désir d'un manque, il est le
témoin d'un bien que nous ne possédons pas et dont l'absence est une souffrance.
Mais quand le désir se
trouve satisfait, cette satisfaction n'est que momentanée.
L'homme ne demeure pas longtemps dans cet état
de satisfaction.
A peine un désir se trouve-t-il satisfait qu'un autre désir naît en lui et prend sa place et ceci
indéfiniment.
C'est pourquoi Epictète écrivait que, pour parvenir au bonheur, il fallait annihiler le désir.
Le désir nous porte vers l'action, comme le besoin ou l'appétit, il initie un mouvement de celui qui l'éprouve, il a
donc une dimension vitale.
Mais il se différencie du simple appétit par la conscience qui l'accompagne.
Spinoza
écrit dans l'Ethique : « le désir est l'appétit accompagné de la conscience de lui-même.
».
Nous avons
conscience de notre désir, c'est-à-dire que nous nous en détachons, nous ne sommes pas pur désir, mais sans
lui nous n'entreprendrions peut-être rien.
De cela s'ensuit une ambivalence sur le désir.
D'un côté il est une
folie qui n'aboutit à rien, de l'autre il est une puissance d'action, un moteur essentiel dont l'homme ne peut
faire l'économie.
La philosophie dès son origine a perçu cette ambivalence du désir.
Il y aurait donc peut-être une distinction à faire entre un désir qui est une promesse toujours déçue et une
autre sorte de désir qui serait pris dans un mouvement de satisfaction incessant.
Se demander si le désir est l'ennemi de lui-même nous porte à nous interroger : en quel sens le désir pourrait-il
tenir ce rôle que l'on aurait tendance à assigner à la raison ? La raison en effet, est souvent opposée au désir
dans une conception morale traditionnelle : accomplir un acte moral, c'est ne pas céder au désir.
Or le désir ne
peut en aucun cas jouer le rôle d'une instance qui s'auto-limite, s'il est l'ennemi de lui-même, c'est en un tout
autre sens.
Il faudra au long du sujet tenter de livrer une interprétation de cette formule.
Problématisation :
Nous pouvons suite aux deux considérations sur le désir, l'une qui marque sa nécessité et l'autre sa
perversité, formuler deux hypothèses quant à l'interprétation de la formule « le désir est l'ennemi de lui-même ».
Tout d'abord, le désir est l'ennemi de lui-même en tant qu'il ne parvient jamais à la fin qu'il propose.
Mais, dans ce
sens, ne faudrait-il pas mieux dire que le désir est l'ennemi de ce qu'il promet et non pas du désir proprement dit.
Deuxièmement, si le désir doit avoir un frein, une limite, celle-ci est-elle exempte de tout désir ? En insistant sur la
distinction entre désir comme appétit et désir comme idéal moral, désir du bien, du vrai, on pourrait concevoir deux
types de désir viscéralement ennemis l'un de l'autre et en tension constante.
1.Le désir est une folie et est ennemi du bonheur qu'il promet.
a)
b)
c)
d)
Le désir comme nous l'avons déjà remarqué plus haut est un manque qui par sa nature ne
peut être comblé.
Le désir constitue un élément fondamental de la nature humaine et de sa conduite.
On pourrait se représenter la vie de l'homme comme une succession de désirs et donc de manques
avec quelques satisfactions momentanées.
Une telle image correspond bien sans doute à l'homme
d'aujourd'hui, à ce qu'on appelle la société de consommation.
A peine acquière-t-on un bien, qu'un
autre, meilleur, nous donne l'envie d'en changer et en comparaison duquel ce bien acquis ne peut que
décevoir.
Par ailleurs, la croissance économique tient sur le surgissement incessant de désirs
nouveaux, qu'aurions-nous besoin de consommer si nos désirs pouvaient être satisfaits ?
Mais cette nature du désir est sans doute encore plus visible dans ces désirs qui prennent
pour objet quelque chose d'inatteignable.
Quoi de plus exemplaire en effet que le désir d'être le roi de
la Terre, désir que l'on peut qualifier d'enfantin mais qui, pour peu que l'on y regarde de plus près, ne
nous quitte réellement jamais.
Le désir est vain, il ne peut aboutir, l'état que l'on s'imagine comme son
horizon est une chimère qu'il ne faut même pas souhaiter atteindre.
Soit la fin est inatteignable et
n'est qu'une visée asymptotique (on s'approche mais on ne l'atteint jamais), soit une fois qu'on
l'atteint la conservation de l'état de satisfaction s'évanouit aussitôt.
Pascal écrit que l'homme ne
souhaite pas la prise mais la chasse.
Ainsi, le désir est ennemi de lui-même au sens où il est l'ennemi de ce qu'il promet.
Bien sûr, il
y a des désirs rationnels, des désirs atteignables mais ceux-ci ne conviennent pas pour analyser le
désir en tant que tel, car ce sont des désirs faibles.
Il faut distinguer le désir d'acquérir tel ou tel
objet du désir d'acquérir en général qui peut capter toute une vie.
Enfin, on peut noter qu'éprouver du désir pour quelque chose nous empêche de l'obtenir car il
perturbe nos facultés.
Sous le désir nous perdons nos moyens, mais aussi l'impatience de le satisfaire
nous fait prendre de mauvais choix.
Par exemple, pourquoi Napoléon a-t-il entrepris la campagne de
Russie ? Le désir de conquête risque de nous aveugler, de nous empêcher de le satisfaire.
Le désir ne
souffre pas l'attente pourtant nécessaire à sa réussite.
2.Le désir se nourrit de lui-même.
a)
Néanmoins, en restant dans ce registre on peut se demander si le désir puisqu'il ne peut, de
part sa nature, être satisfait, ne se nourrit pas de lui-même.
Si la fin du désir en effet était dans son
but, à savoir la satisfaction, alors une fois celle-ci atteinte, il s'évanouirait aussitôt.
Mais en réalité,
nous avons vu que la satisfaction du désir n'entraînait pas la fin de son règne.
Le caractère vain du
désir ne fait pas donc du désir l'ennemi de lui-même, mais au contraire sa propre alimentation.
S'il est.
»
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