Le culturalisme
Extrait du document
«
Il y a peu à craindre pour la civilisation de la part des hommes cultivés et
des travailleurs intellectuels.
Les mobiles d'ordre religieux commandant
un comportement culturel seraient chez eux remplacés sans bruit par
d'autres mobiles d'ordre temporel ; de plus, ils sont, pour la plupart, euxmêmes porteurs de la culture.
Mais il en va autrement de la grande foule
des illettrés, des opprimés, qui ont de bonnes raisons d'être des ennemis
de la civilisation.
Tant qu'ils n'apprennent pas que l'on ne croit plus en
Dieu, tout va bien.
Mais ils l'apprennent, infailliblement, même si cet écrit
n'est pas publié.
Et ils sont prêts à admettre les résultats de la réflexion
scientifique, sans qu'en échange se soit produite en eux l'évolution que le
penser scientifique a en l'esprit humain.
Le danger n'existe-t-il pas alors
que ces foules, dans leur hostilité contre la culture, n'attaquent le point
faible qu'ils ont découvert en leur despote ? Il n'était pas permis de tuer
son prochain pour la seule raison que le bon Dieu avait défendu et devait
venger durement le meurtre en cette vie ou dans l'autre ; on apprend
maintenant qu'il n'y a pas de bon Dieu, qu'on n'a pas à redouter sa
vengeance ; alors, on tue son prochain sans aucun scrupule et l'on n'en
peut être empêché que par la force temporelle.
Ainsi, ou bien il faut
contenir par la force ces foules redoutables et soigneusement les priver
de toute occasion d'éveil intellectuel, ou bien il faut réviser de fond en
comble les rapports de la civilisation à la religion.
FREUD.
1 - Freud expose une théorie un peu pessimiste sur l'histoire des hommes.
Car, après avoir, pendant près de cinquante
ans, exploré l'inconscient des individus malades, puis après avoir guéri beaucoup d'entre eux, il s'interroge sur les
hommes et sur les civilisations qu'ils ont inventées.
Or, la pensée de Freud reste sévère.
Car il ne voit que deux stades.
D'une part Dieu, et une série d'interdictions, dont
celle du meurtre.
Et, en face d'autre part, la science qui subvertit la notion de Dieu, mais ne peut remplacer son
pouvoir.
Que feront donc les hommes ?
2 - Freud et le problème de Dieu
• Le sens commun reconnaît bien la difficulté de penser Dieu et nous avons tous à l'esprit les remarques les plus
pertinentes et les plus humoristiques à ce sujet.
Le vieux philosophe Xenophon s'amusait à constater que : « Les
Éthiopiens font leurs Dieux noirs et avec le nez camus, les Thraces disent que les leurs ont les yeux bleus et les
cheveux rouges...
».
Montesquieu et Voltaire persiflent : « Si Dieu nous a faits à son image, nous le lui avons bien
rendu ».
Mais au-delà de ces citations ] nous sommes face à un système, celui que les hommes acceptent ou se
constituent pour répondre à leurs problèmes.
Feuerbach déplore notre mémoire défaillante.
Qu'importe, l'homme a créé
Dieu parce qu'il veut une explication tripartite, se fondant sur la liberté, la raison et l'amour.
Il importe peu que cela
soit cohérent, pourvu que le système accueille les hommes et maintienne le statut.
• Or, toutes les religions s'équilibrent en ce rôle de justice.
Car elles condamnent le meurtre et le taxent de châtiment
épouvantable.
Les sociétés sont donc viables, puisque la loi de la vie est posée comme loi fondamentale, et que sa
garantie se situe dans l'au-delà.
Or, et Freud le souligne, quand les hommes ont appris à ne plus y croire, ils n'ont pas
appris à penser en fonction de cette responsabilité.
3 - Freud et la responsabilité de la science
La disparition de Dieu et des interdits moraux qui s'y rattachent oblige les hommes de science à réfléchir aux nouveaux
problèmes de la civilisation.
Freud constate l'évidence des dangers puisque les foules ignorent les raisons qui ont
permises ce changement de conception.
Car si Dieu, le despote, a été détrôné, tous les codes qui s'établissaient en
son nom se détruisent par le fait même.
Nous revenons donc à un statut antérieur, celui de la lutte pour la vie, où le meilleur gagne, mais dans les conditions
de meilleure disparition biologique.
Donc, la société se voit confrontée au problème :
• Soit elle organise la force pour dissuader ceux qui ont oublié, ou négligé, les devoirs naturels envers le prochain.
Donc la société prend conscience des dangers « des foules redoutables » et elle veille à leur interdire toute réflexion.
Elle fixe le statut à reproduire et n'explique rien pour le justifier.
• Soit elle repense de fond en comble tous les rapports qui régissent l'homme face à la religion.
Peut-on imposer aux
foules des règles sans
les expliquer, ou bien peut-on imaginer qu'on conduira les foules à comprendre les raisons qui justifièrent l'abandon du
recours à Dieu ?
Freud insiste sur l'évolution de la société.
Elle peut néantiser et supprimer des idéologies et des religions.
Mais que
devient alors le statut de la civilisation des vivants ? Qui le dirige ?.
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