Le conflit est il au fondement de tout rapport avec autrui ?
Extrait du document
«
Se demander si les rapports avec les autres sont nécessairement de l'ordre du conflit peut surprendre.
Que la
circonstance soit possible, cela s'admet.
Qu'elle soit nécessaire, cela semble excessif: la vie avec les autres n'est
pas un perpétuel affrontement.
Quel est dès lors le sens d'une telle question ? Peut-être faut-il chercher du côté du
concept d'autrui, thème sous-jacent à quoi se rattachent "l'autre" ou "les autres".
Ainsi verrons-nous que si la
relation à autrui se révèle nécessairement conflictuelle, les rapports avec les autres ne sauraient se réduire à cette
seule modalité.
1.
Nécessité du conflit dans la relation à autrui.
Autrui : un glissement de sens marque l'histoire de ce mot.
• Usuellement, il s'emploie de manière restrictive, dans des phrases telles que: "on ne doit pas nuire à autrui".
Ici le
statut d'autrui n'est pas celui d'un sujet au sens plein du terme.
• Aujourd'hui autrui est parvenu à la dignité de sujet, désignant bel et bien l'autre que moi, « le moi qui n'est pas moi
» (Sartre).
Ainsi la présence d'autrui ne saurait se confondre avec celle d'un simple objet : « originellement, l'Autre
est le Non-moi-non-objet » dit Sartre.
Comme tel, il s'oppose donc d'emblée à moi, il m'exclut, il est ma négation.
• L'expérience de la « honte » décrite par Sartre précise en quoi le conflit est nécessaire, inévitable : si je ne suis
moi que par autrui, ma relation fondamentale à autrui par le regard est vécue comme destituante et aliénante, car
les yeux qui se posent sur moi me réduisent à l'état d'objet.
SARTRE: Je viens de faire un geste maladroit ou vulgaire : ce geste colle à
moi, je ne le juge ni ne le blâme, je le vis simplement, je le réalise sur le mode
du pour-soi.
Mais voici tout à coup que je lève la tête : quelqu'un était là et
m'a vu.
Je réalise tout à coup toute la vulgarité de mon geste et j'ai honte.
Il
est certain que ma honte n'est pas réflexive, car la présence d'autrui à ma
conscience, fût-ce à la manière d'un catalyseur, est incompatible avec
l'attitude réflexive : dans le champ de ma réflexion je ne puis jamais
rencontrer que la conscience qui est mienne.
Or autrui est le médiateur
indispensable entre moi et moi-même : j'ai honte de moi tel que j'apparais à
autrui.
Et, par l'apparition même d'autrui, je suis mis en mesure de porter un
jugement sur moi-même comme sur un objet, car c'est comme objet que
j'apparais à autrui.
Mais pourtant cet objet apparu à autrui, ce n'est pas une vaine image dans
l'esprit d'un autre.
Cette image en effet serait entièrement imputable à autrui
et ne saurait me « toucher Je pourrais ressentir de l'agacement, de la colère
en face d'elle, comme devant un mauvais portrait de moi, qui me prête une
laideur ou une bassesse d'expression que je n'ai pas ; mais je ne saurais être
atteint jusqu'aux moelles : la honte est, par nature, reconnaissance.
Je
reconnais que je suis comme autrui me voit.
Avez-vous compris l'essentiel ?
1 Est-ce par la réflexion que je découvre autrui ?
2 Que m'apporte au juste la présence de l'autre ?
3 Quelle menace peut présenter la présence d'autrui pour moi ?
Réponses:
1 - Non, la présence d'autrui ne peut provenir d'une réflexion, celle-ci ne me mettant en relation qu'avec ma propre
conscience.
2 - La possibilité de me connaître moi-même, de me prendre pour objet de ma conscience.
3 - L'autre peut certes me donner à voir ce que je suis réellement, mais il peut aussi me méconnaître, m'enfermer
dans une fausse image qu'il se fait de moi.
2.
Relativité du conflit dans les rapports avec les autres.
• Le conflit n'est pas le seul mode de relation au monde le regard des autres peut aussi m'être infiniment précieux s'il
exprime la sympathie ou l'amour.
Je ne suis pas qu'une cible dans l'oeil d'autrui.
• Le visage de l'autre n'a-t-il pas pour Lévinas un sens hybride : à la fois incitation au conflit, à la violence, car le
plus dénué, le plus exposé en l'homme, mais aussi ordre de paix, mise en respect du meurtrier possible ? « Tu ne
tueras point est la première parole du visage » dit Lévinas.
Pour Lévinas, l'éthique est la « voie royale vers l'absolument autre » (Préface).
En effet, le désir d'infini n'est pas un.
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