Le chemin de l'enfer est pavé de bonnes intentions ?
Extrait du document
«
L'idée exprimée par ce proverbe est tout simplement qu'on peut mal se conduire et très mal se conduire (mériter
l'Enfer) en croyant cependant bien agir.
L'acte peut être mauvais alors que l'intention est bonne.
Cette opinion
semble paradoxale.
En effet toute la signification d'un acte n'est-elle pas dans son intention ? N'est-ce pas la bonne
intention qui fait l'acte moralement valable et la mauvaise intention qui rend l'acte répréhensible ?
A première vue, donc, nous sommes tentés de rejeter l'idée du proverbe et de ne juger les actes qu'à partir de leur
intention.
C'est le point de vue de la morale traditionnelle.
Selon saint Thomas, celui qui obéit à une conscience
morale erronée n'est pas coupable.
Il est sincère, il croit agir pour le bien et cela suffit à le justifier.
Kant reprend ce
thème traditionnel de la scolastique avec une vigueur particulière.
Pour lui, ce qui fait la valeur de l'acte ce n'est
pas sa conformité tout extérieure à la loi morale, c'est sa « forme », c'est-à-dire l'intention qui préside à l'acte,
l'esprit dans lequel il est accompli.
Un acte peut être extérieurement et en quelque sorte accidentellement forme au
devoir tout en étant radicalement immoral.
Thénardier ranime un blessé évanoui sur le champ de bataille.
Son acte
est cependant odieux car il ne l'a ranimé qu'en secouant son gilet pour dérober sa montre.
Au rebours, l'infirmier qui,
croyant donner à un malade un médicament lui fait avaler un poison — qu'un autre a déposé sur sa table de nuit —
agit moralement, malgré le résultat déplorable dont il n'est pas responsable.
Pour Kant donc, ce n'est jamais le
contenu matériel de l'acte qui doit déterminer le jugement moral.
Marqué par le protestantisme piétiste, Kant
introduit en quelque sorte dans son éthique, en la laïcisant, l'idée que les « oeuvres » ne comptent pas sans la « foi
».
Tout à l'opposé d'une morale matérialiste des oeuvres, du résultat, Kant prône une éthique mystique où seule
compte l'intention secrète des âmes.
Ainsi, « ce qui fait que la bonne volonté est telle, ce ne sont pas ses oeuvres
ou ses succès ».
Il n'y a que l'intention qui compte et alors même que la bonne intention « dans son plus grand
effort n'aboutirait à rien, elle n'en brillerait pas moins ainsi qu'un joyau de son éclat propre, comme quelque chose
qui porte en soi sa valeur tout entière ».
Seule la bonne volonté, cad la volonté d'agir conformément aux prescriptions du devoir moral, vaut absolument.
Certes les talents de l'esprit comme l'intelligence, le jugement, la vivacité d'esprit, ainsi que les qualités de
tempérament comme le courage, la persévérance, l'esprit de décision, sont, sans aucun doute, des choses bonnes
en elles-mêmes.
Le courage, par exemple, ne peut-il pas être mis au service du crime ? Il faut donc conclure qu'elles
ne sont bonnes qu'autant qu'elles sont les instruments d'une bonne volonté.
Ces capacités sont en outre des dons
de la nature ou du hasard.
Il en résulte que si la morale kantienne exige que je mette en oeuvre tous les moyens
dont je dispose pour faire mon devoir, elle ne fait pas de la réussite de mon entreprise une condition de la moralité
de mon action.
Autrement dit, l'absence de résultat ne peut rien retrancher à la valeur morale de l'action, pas plus
que la réussite ne peut y ajouter quelque chose.
Une action faite par devoir tire sa valeur morale, non du but qu'elle
doit atteindre, mais de la maxime d'après laquelle elle est décidée.
L'action accomplie par devoir a toute sa valeur en
elle-même, se distinguant par là de toute action intéressée, qui fait du résultat son seul but.
Elle n'a pas non plus à se soucier des résultats qui dépendent des capacités de l'agent et de circonstances
contingentes..
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