Le bonheur nous manque parce que nous le désirons. Qu'en pensez-vous ?
Extrait du document
«
Tout homme espère le bonheur et le manque.
« Tout homme, dit Pascal, espère être heureux, y compris celui qui va se pendre.
» Fuir la souffrance, le malheur, n'est-ce pas, encore,
rechercher le bonheur? Or c'est précisément parce que nous ne vivons jamais, mais que nous espérons vivre, que nous nous disposons
toujours à être heureux, qu'il est inévitable que nous ne le soyons jamais.
Si nous recherchons le bonheur, c'est parce qu'il nous manque
et pourquoi nous manque-t-il, sinon parce que nous le désirons et que le désir est manque? Comme le souligne Platon dans Le Banquet,
c'est « ce qu'on n'a pas, ce qu'on n'est pas, ce dont on manque » qu'on désire.
« Avoir ce que l'on désire » ne saurait être la formule du
bonheur, car si on ne peut désirer que ce qu'on a pas, il est évident qu'on ne peut jamais avoir ce qu'on désire.
Si bien qu'on n'est jamais
heureux.
Tantôt nous désirons ce que nous n'avons pas et nous souffrons, tantôt nous avons ce que dès lors nous ne désirons plus,
puisque le désir est manque.
Combien je serais heureux si...
Mais le « si » réalisé, nous découvrons que le bonheur n'est pas là.
Et nous
désirons encore.
D'où la fameuse phrase de Schopenhauer : « la vie oscille, comme un pendule, de
gauche à droite, entre la souffrance et l'ennui ».
La vie oscille, comme une
pendule, de droite à
gauche, de la souffrance à
l'ennui.
(Le monde comme
volonté
et
comme
représentation)
Cette phrase résume ce qu'on appelle le
"pessimisme"
de
Schopenhauer.
La
souffrance est notre condition.
Tout (y
compris nous) est agi par une volonté mais
une volonté aveugle et sans but.
Mais
vouloir procède d'un manque et donc d'une
douleur morale.
Mais quand la volonté vient
à manquer d'objet, alors nous sombrons
dans l'ennui.
Le bonheur au présent dans le jeu de la peine et du plaisir.
L'accès au bonheur ne passe-t-il pas cependant par la recherche d'une satisfaction de ses désirs?
Épicure répond que la satisfaction du désir est un bien, mais qu'il faut ne viser que les désirs naturels
au bien-être du corps et de l'âme et ce seulement pour éviter la souffrance.
Le bonheur n'est pas le
fruit de la luxure.
Soit, mais la vision du sage qui se contente d'un morceau de fromage et d'un verre
d'eau fraîche ne saurait nous satisfaire.
C'est le jeu de la peine et du plaisir qui est la vie même.
Le
plaisir s'éprouve donc dans l'acte même de changer d'état.
Sentir sa vie, éprouver une jouissance, ne sont rien d'autre que se sentir
continuellement poussé à sortir de l'état présent, ce qui doit amener chaque fois le retour de la douleur.
Proposer donc l'absence de
douleur ou ataraxie comme idéal, c'est oublier que la douleur est l'aiguillon de l'activité.
Sans elle, la vie viendrait à s'éteindre.
Le sage
qui ne se trouble jamais a installé la mort dans sa vie.
Le bonheur ne saurait donc résider dans l'absence totale de douleur ni dans une
complète satisfaction des désirs.
Le bonheur se vit au quotidien, ce qui n'exclut pas la capacité de se projeter vers l'avenir.
Ataraxie : substantif formé de "a" privatif et d'un dérivé de "taraxis", action d'agiter, de troubler.
L'ataraxie est l'absence d'agitation, la
paix de l'âme, la tranquillité d'esprit - un état psychologique recherché par la majorité des philosophes grecs de l'époque tardive.
« Ce qu'on n'a pas, ce qu'on n'est pas, ce dont on manque, voilà les objets du désir et de l'amour.
» Platon, Le Banquet, ive s.
av.
J.-C.
« L'inquiétude [...] qu'un homme ressent en lui-même par l'absence d'une chose qui lui donnerait du plaisir si elle était présente, c'est
ce qu'on nomme désir.
» Leibniz, Nouveaux Essais sur l'entendement humain, 1765 (posth.)
Le désir correspond à un état de tension, qui ne cesse qu'avec la possession de l'objet désiré.
Or, qui dit tension dit agitation, trouble,
absence de repos.
C'est précisément ainsi que se définit l'inquiétude (ou la non-quiétude).
« Le désir est manque d'être, il est hanté en son être le plus intime par l'être dont il est désir.
» Sartre, L'Être et le Néant, 1943.
« Le désir fleurit, la possession flétrit toutes les choses.
» Proust, Les Plaisirs et les Jours, 1896.
Tant qu'on désire, on « embellit » l'être désiré, en lui prêtant des qualités qu'éventuellement il n'a pas ; dès qu'on s'installe dans la
possession, j on « enlaidit » au contraire l'être qu'on a jadis désiré, jusqu'à ne plus voir ce qu'il y a de beau en lui.
« Le bien que nous n'avons pu atteindre encore nous paraît supérieur à tout le reste; à peine est-il à nous, c'est pour en désirer un
nouveau et c'est ainsi que la même soif de la vie nous tient en haleine jusqu'au bout.
» Lucrèce, De la Nature, der s.
av.
J.-C.
« Pour trouver des charmes dans la jouissance, il faut que le désir soit irrité par des obstacles [...I.
Jouir sans interruption, c'est ne jouir
de rien.
» Holbach (d'», Le Système de la nature, 1770..
»
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