Le bonheur mène-t-il à l'égoïsme ?
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Définition des termes du sujet:
EGO / ÉGOÏSME / ÉGOTISME (n.
m.) Mot latin signifiant moi.
1.
— Est employé depuis la célèbre formule de
DESCARTES (ego cogito : je pense) pour désigner le moi comme sujet : cf., chez HUSSERL, l'expression ego
transcendantal.
2.
— Égoïsme a) Mot utilisé par WoLFF et KANT pour désigner un certain type d'idéalisme SYN.
solipsisme.
b) Mot créé par les jansénistes de PORT-ROYAL pour désigner la disposition de l'individu à rechercher
exclusivement ses intérêts personnels opposé à altruisme, pitié ; pour SCHOPENHAUER, l'égoïsme est l'un des deux
principes de la vie morale.
3.
— Égocentrisme : tendance à rapporter tout au moi.
4.
— Égotisme : a) Terme
employé par STENDHAL pour désigner l'étude détaillée que fait un écrivain de sa propre personnalité.
b) Culture de
l'individualité (souvent péj.).
BONHEUR: De bon et heur (terme dérivé du latin augurium, présage, chance).
État de complète satisfaction de
tous les penchants humains.
• Le bonheur se distingue du plaisir et de la joie, qui sont des émotions éphémères et toujours liées à un objet
particulier.
• Dans les morales eudémonistes, le bonheur est la fin de l'action humaine.
Pour Kant, en revanche, c'est
le respect de la loi morale qui doit orienter la volonté, et non la recherche du bonheur.
Car cette recherche est
toujours déjà intéressée, égoïste donc contraire à la morale.
i tout le monde recherche le bonheur, chacun se fait du bonheur une représentation particulière : un tel visera la
gloire, un autre la tranquillité d'une vie de famille...
Faire du bonheur le but de son existence, n'est-ce pas se
soucier avant tout de soi-même, attention égoïste et moralement condamnable à ce titre? La volonté d'être heureux
est pourtant le secret d'une certaine générosité.
1.
Généralité ou singularité du bonheur?
• Le bonheur, si on le comprend comme tranquillité, peut impliquer la peur d'autrui.
On peut craindre que les autres
portent un oeil critique sur ce qu'on appelle bonheur, qu'ils rient de son étroitesse : autrui n'est-il pas, par définition,
celui qui n'a pas les mêmes aspirations que moi? Se soucier du jugement d'autrui en ces questions reviendrait alors,
suivant l'expression de Rousseau, à «vivre hors de soi-même », dans la confusion entre un état socialement valorisé
et un état qui nous serait véritablement satisfaisant.
• On connaît l'expression : « il a pourtant tout pour être heureux », à partir de laquelle on doit admettre que cet
état tant recherché ne peut consister en la possession de tout ce qui est supposé apporter le bonheur, mais en
quelque chose de singulier, indéfinissable, peut-être irrémédiablement propre à chacun.
Comment rechercher le
bonheur sans commencer avant toute chose par se soucier de soi-même? Le sentiment du bonheur n'est-il pas la
découverte de soi, de ce qui importe vraiment? Il faudrait, pour être heureux, avoir la force de « ne pas céder sur
son désir» (suivant l'expression du psychanalyste Jacques Lacan.)
11.
L'éthique du souci de soi
• Le « souci de soi » était au coeur de l'éthique des philosophes grecs.
Aristote déclare, dans l'Éthique à Nicomaque
(IX, 8), que «l'homme vertueux a le devoir de s'aimer lui-même », entendant
par là le souci de sa valeur personnelle et de ce qu'il y a de meilleur en lui.
Le
contraire serait l'oubli de soi, quand on néglige de cultiver ses capacités.
Dans ce dernier cas, tout ce que l'on peut s'attribuer est de valeur inférieure
: richesses, honneurs, plaisirs du corps; alors que celui qui accomplit une
action généreuse s'attribue ce qu'il y a de meilleur : une vertu, la générosité.
L'égoïsme ne serait condamnable que quand il s'agit d'aimer sa mauvaise part.
• Si le bonheur signifie l'accord avec soi-même, cet accord doit s'accomplir
sous la direction de la meilleure partie de nous-mêmes, qui pour Aristote était
l'intellect.
Michel Foucault conçoit le souci de soi suivant une visée
esthétique, comme s'il s'agissait d'être l'artiste de soi-même, de faire de sa
propre vie une oeuvre d'art.
Ne cesse jamais de « sculpter ta propre statue »,
écrivait Plotin, dans son traité sur Le Beau (Ennéades, I, 6, § 9)..
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