Le bonheur est-il dans l'inconscient ?
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Le bonheur est-il dans l'inconscient?
Comment définir le bonheur? Peut-on seulement en donner une définition objective, comme s'il s'agissait d'une
expérience qui s'apparentée à quelque chose de commun pour tout homme? En d'autres termes, il s'agit de se
demander s'il y a un bonheur similaire pour tous, ou s'il s'agit là d'une expérience personnelle irréductible à tout
traduction dans l'ordre du discours, une expérience que chacun fait à sa manière et qui mène à considérer qu'il y a
plutôt des bonheurs.
On peut cependant se demander si ce bonheur est un état, une émotion diffuse et globale que
nous ressentons.
Dans ce cas, nous prenons le risque de réduire le bonheur à quelque chose qui relève au fond du
registre de la passion, de ce qui est subit.
Le bonheur n'est-il pas plus qu'une simple émotion? Il est possible de se
rendre compte que ce sont bien souvent nos projets, la mise en oeuvre de ce que nous avons planifier, préparer,
soit une démarche pleinement active qui nous mène à nous sentir heureux.
Si donc le bonheur est un état, cet état
n'est que le résultat d'une action que nous menons, et à travers laquelle nous nous projetons dans un futur plus ou
moins distant.
Il y a donc, au coeur même du bonheur, l'idée d'une action personnelle qui suppose, en amont, que
nous jouissions d'une certaine liberté.
Peut-être est-ce là la différence avec l'animal qui, s'il éprouve une certaine
joie à la vue d'une gamelle, reste dans ce qui est de l'ordre de la simple émotion, et non d'une démarche active qui
se vise elle-même en quelque sorte, se contente de sa dynamique.
Car le bonheur n'est humain que parce qu'il ne se
nourrit d'aucun résultat, mais qu'il s'apparente plus à une quête qui jamais, au fond, ne s'achève véritablement, un
élan dans lequel nous nous insérons activement, et non une satisfaction passagère qui se termine dans ce qu'elle
consomme.
En ce sens, l'idée d'inconscient contrevient à cette perspective puisque par définition, l'inconscient c'est
ce dont nous ne sommes pas conscient, ce qui se joue de nous et nous trompe malgré nous.
Cette instance vise à
dissoudre notre autonomie, cet élan conscient et libre dans lequel se joue notre bonheur.
En effet, pouvons-nous
encore générer une démarche active lorsqu'une part de nous-mêmes nous leste irrémédiablement vers la passivité,
vers ce que nous subissons sans en comprendre la cause?
I.
L'eudemonia aristotélicien et l'illusion freudienne
Dans De l'Ame, Aristote part de cet appétit qui traverse tout notre être et qui
se traduit sous la forme de volonté (boulesis) lorsqu'il est rationnel et
raisonnable, ou encore sous la forme du désir (epithumia) lorsqu'il est de
l'ordre de l'impulsion spontanée et non réfléchie.
Cette vision est
intéressante, puisqu'elle suppose au fond qu'il s'agit de la même force, du
même élan qui est l'oeuvre dans les activités nobles de la connaissance et
dans l'exercice de la raison, que dans les instincts les plus éphémères et
insignifiants.
Il y a en somme une unité de l'appétitif, qui se diffracte comme
un rayon de lumière à travers les différentes instances de l'âme humaine.
Cependant, pour Aristote, un être ne trouve son bonheur qu'en exerçant
quelque chose qui soit propre à son essence: il s'agit d'agir, pour le Stagirite,
conformément à sa nature, sous peine de passer à côté de son être, et même
plus généralement de la vie.
C'est la conformité à la fonction préfixée par
notre essence qui nous permet d'être réellement dans un état de bonheur.
Cette conformité à son essence, les grecs l'appellent l'entéléchie.
Ainsi, le
tigre ne trouvera pas son bonheur dans les spectacles et numéros de cirque
puisque cette fonction n'a pas été pré-tablie par son essence de tigre: en
d'autres termes, un tigre de cirque ne tigre pas si l'on puit dire.
Or, pour connaître l'essence de l'homme, il s'agit de répondre à la question
ontologique: to ti esti, soit qu'est-ce que?...
C'est ainsi que l'on saisit que ce
qui définit l'homme en propre, ce qui fait qu'il est un homme et non une autruche ou un dindon, c'est cette faculté
dont il est le seul à disposer dans la biosphère, à savoir le logos, i.e la raison.
C'est donc dans la connaissance
rationnelle, ou encore dans l'activité raisonnable, que l'home exhause pleinement son être.
C'est là l'entéléchie
humaine, soit le mode d'être actif par lequelle il réalise à la perfection sa nature.
C'est ainsi que l'on saisit que pour
le Stagirite, la morale, puisqu'elle est elle une conduite rationnelle de sa personne, promet l'homme au bonheur.
Même si nous commettons des erreurs, nous trouvons par cette voie l'accomplissement bienheureux de notre être,
puisque ce qui compte n'est pas tant les résultats de notre démarche, que cette démarche elle-même qui ne jouit
que de son propre élan.
Or, l'inconscient n'est précisément pas tant source d'erreur que d'illusion.
Il faut ici revenir au Malaise dans la
civilisation, où Freud nous rappelle la distinction entre erreur et illusion.
Dans la première, nous sommes victime
d'une erreur qu'il est possible d'imputer à nos calculs, nos prévisions, qui ont échoué.
Dans la deuxième, nous nous
trompons nous-mêmes, nous sommes en cela partie prenante dans la duperie.
Cela suppose que nous soyons à la
fois celui qui trompe et celui qui est victime de cette tromperie, soit qu'une part de nous puisse se jouer de nousmêmes à notre insue.
Cette part qui nous fait sombrer dans l'erreur, c'est le ça, soit l'inconscient, qui tend à réaliser
une pulsion à notre insue, pendant que notre conscience (notre moi) en est la victime aveugle.
Dans l'illusion, le
principe de réalité se dissout, soit ce qui fait la teneur du réel, sa résistance et tout à la fois sa vérité brute, i.e ce
qui fait qu'il ne peut être parfaitement conforme à notre souhait, est totalement supplanter par le principe de plaisir,
soit cette impulsion inconsciente qui ne s'occupe que de sa satisfaction unique sans s'attarder sur ce qui est
susceptible de la freiner, voir même de la stopper.
Laisser libre cours à l'inconscient, c'est donc, contre Aristote,
consacrer notre être à des désirs sans bornes, sourd face à la réalité, mais dont le destin est de finir par heurter.
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