Le bonheur est-il dans le futur ?
Extrait du document
«
Introduction :
Le bonheur peut se définir comme un état complet et durable de satisfaction.
Cependant, ce bonheur ne
semble pas aller de soi.
On ne peut pas dire que nous soyons heureux constamment.
Il semble alors que le bonheur
soit un but à atteindre, le but d'une vie ou d'une recherche permanente.
Dans ce cas, le bonheur se place
essentiellement dans le futur en tant qu'il est à venir.
Pourtant à force de supposer un bonheur futur ne risque-t-on
pas de passer à côté de notre bonheur à cause de notre exigence ? En effet peut-être que le bonheur peut se
définir comme la simple jouissance de l'instant présent dans le simple fait d'être au monde.
Dans ce cas, la capacité
d'oublier le reste du monde et de se recentrer sur soi serait le vrai bonheur à la fois présent et inactuel.
Si le bonheur en tant que quête se comprend dans le futur (1ère partie), cette exigence risque de nous
faire passer à côté d'un bonheur présent et accessible (2nd partie) résidant essentiellement dans la capacité
d'apprécier l'instant et le présent sans passé ni futur (3ème partie).
I – Le bonheur comme prospective et difficulté
a) Alain dans Propos sur le bonheur nous dit : « Si le bonheur est l'objet d'une recherche, c'est qu'il ne va pas de
soi.
Plutôt que de se désespérer des malheurs qui nous assaillent, il faut se rappeler que le bonheur se veut et se
fait ».
Il est essentiel de voir que le bonheur est un objet du futur qui se veut et se fait, c'est-à-dire qu'il est l'effet
d'un effort qui ne se situe donc pas dans l'immédiateté du présent mais se gagne et se mérite.
Le bonheur est une
quête et c'est bien pour cela qu'il ne va pas de soi, c'est-à-dire qu'il n'est pas un simple fait, un simple donné.
Tout
homme n'est pas heureux ; il nous appartient de produire notre bonheur et le trouver.
b) Toutefois, la difficulté de faire du bonheur un objet futur c'est justement que l'on peut ne pas le définir
entièrement d'avance étant donné qu'il est un état de satisfaction complet.
On peut envisager ce qu'il sera mais en
aucun cas on ne peut dire ce qu'il sera et c'est bien tout le problème que se pose Spinoza dans son Traité de la
réforme de l'entendement : « L'expérience m'avait appris que toutes les occurrences les plus fréquentes de la vie
ordinaire sont vaines et futiles ; je voyais qu'aucune des choses, qui étaient pour moi cause ou objet de crainte, ne
contient rien en soi de bon ni de mauvais, si ce n'est à proportion du mouvement qu'elle excite dans l'âme : je
résolus enfin de chercher s'il existait quelque objet qui fût un bien véritable, capable de se communiquer, et par quoi
l'âme, renonçant à tout autre, pût être affectée uniquement, un bien dont la découverte et la possession eussent
pour fruit une éternité de joie continue et souveraine.
Je résolus, dis-je, enfin : au premier regard, en effet, il
semblait inconsidéré, pour une chose encore incertaine, d'en vouloir perdre une certaine ; je voyais bien quels
avantages se tirent de l'honneur et de la richesse, et qu'il me faudrait en abandonner la poursuite, si je voulais
m'appliquer sérieusement à quelque entreprise nouvelle : en cas que la félicité suprême y fût contenue, je devais
donc renoncer à la posséder ; en cas au contraire qu'elle n'y fût pas contenue, un attachement exclusif à ces
avantages me la faisait perdre également.
Mon âme s'inquiétait donc de savoir s'il était possible par rencontre
d'instituer une vie nouvelle, ou du moins d'acquérir une certitude touchant cette institution, sans changer l'ordre
ancien ni la conduite ordinaire de ma vie.
Je le tentai souvent en vain.
Les occurrences les plus fréquentes dans la
vie, celles que les hommes, ainsi qu'il ressort de toutes leurs œuvres, prisent comme étant le souverain bien, se
ramènent en effet à trois objets : richesse, honneur, plaisir des sens.
Or chacun d'eux distrait l'esprit de toute
pensée relative à un autre bien : dans le plaisir l'âme est suspendue comme si elle eût trouvé un bien où se reposer
; elle est donc au plus haut point empêchée de penser à un autre bien ; après la jouissance d'autre part vient une
extrême tristesse qui, si elle ne suspend pas la pensée, la trouble et l'émousse.
La poursuite de l'honneur et de la
richesse n'absorbe pas moins l'esprit ; celle de la richesse, surtout quand on la recherche pour elle-même, parce
qu'alors on lui donne rang de souverain bien ; quant à l'honneur, il absorbe l'esprit d'une façon bien plus exclusive
encore, parce qu'on ne manque jamais de le considérer comme une chose bonne par elle-même, et comme une fin
dernière à laquelle se rapportent toutes les actions.
» Ce bonheur qui devrait constituer une « éternité de joie » se
conçoit donc comme une affection de l'âme.
Ici nous ne sommes dans une théorie des passions ou des affects
comme ce sera le cas dans l'Ethique mais ce bonheur en tant que joie correspond effectivement à un mouvement de
l'âme : une excitation.
Le Souverain se définit comme le seul bien véritable c'est-à-dire digne d'être recherché, de
se mettre en peine de l'acquérir et seul source d'un véritable bonheur et non d'une jouissance illusoire ou passagère.
C'est pourquoi il est éternel : infini dans le temps.
Cependant, dès l'abord, la recherche de ce Souverain bien se
comprend comme renoncement à tous autres objets.
si le Souverain bien est cause unique du bonheur cela signifie
qu'il faut alors se détourner des sources de satisfaction habituelles dans la mesure où elles ne sont pas le bien
véritable.
Il faudrait donc y renoncer afin de se consacrer pleinement à la recherche du Souverain bien.
Cependant,
ne connaissant pas à l'avance ce qu'est le Souverain bien, rien n'indique que la richesse ou les honneurs ne fassent
pas partis de ce bonheur suprême en tant que partie d'un tout qui les subsument.
En ce sens, en ce détournant de
la recherche de l'honneur et des richesses on se détournerait alors nécessaire de l'accession au Souverain.
Mais si
l'on continue à les rechercher et qu'ils ne sont des parties du Souverain bien alors par voie de conséquence on
échouerait nécessairement à l'obtention de ce dernier.
c) Et c'est bien parce que notre bonheur se situe dans le futur et qu'il est incertain que l'on peut comprendre cette
phrase des Pensées de Pascal : « il faut travailler à l'incertain ».
Si Pascal la comprend dans un sens religieux en
tant qu'il définit le bonheur dans un au-delà terrestre dans le monde divin du paradis, il n'en reste pas moins que
cette définition du bonheur est bien plonger dans une perceptive future.
L'aspect temporel est particulièrement
important dans la mesure où il s'agit de travailler, c'est-à-dire de gagner par l'effort et ici l'ascétisme et la privation
les clés d'un bonheur futur.
C'est bien ce sens que l'on peut parler d'un bonheur en perspective et en prospective.
Le bonheur se gagne et se mérite.
Il ne se situe pas dans l'instant présent et il est toujours devant nous.
Cependant, à force de repousser toujours plus loin le bonheur et la satisfaction n'est-ce pas fuir ou échapper à.
»
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