Le bonheur est-il dans la maîtrise ?
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Problème : En fonction de notre analyse thématique, nous montrons que le problème de l'énoncé peut se ramener à la question de savoir si la maîtrise peut, ou non, être considérée comme une condition nécessaire (cas de la maîtrise-moyen) et/ou suffisante (cas de la maîtrise-fin) de la défintion du bonheur. Afin d'y répondre, puisque nous limitons notre développement à l'acception réflexive de la notion de maîtrise comme maîtrise de soi, notre réflexion prend pour appui unique les éthiques antiques, car c'est en elle certainement qu'a été pensé à son terme la relation du bonheur à la maîtrise réflexive du sujet : en effet, ces éthiques sont quasiment uniment des eudémonismes.
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Incipit : Depuis l'injonction cartésienne à devenir comme maîtres et possesseurs de la nature, les progrès de la technique constamment
accroissent l'emprisme de l'homme sur son environnement.
Sa maîtrise semble n'avoir plus de limites, si tant est qu'elle n'en ait jamais
eu.
Et comme on le sait, la finalité des progrès de la science, notamment en ce qui concerne la génétique et les nanotechnologies, mais
également l'argiculture, etc., font reposer la légitimité de l'illimation de leurs entreprises sur le bonheur escompté à terme pour le plus
grand nombre.
Le bonheur serait-il donc vraiment dans la maîtrise ?
Thèmes : C larifions donc le sujet en l'analysant selon deux de ses principales notions, implicitement constitutive (pour la seconde du
moins).
(i) La maîtrise : la notion de maîtrise se caractérise par sa transitivité : on maîtrise quelque chose, la nature, la pensée, etc.,
ou quelqu'un.
Bien qu'ayant entamé notre propos sur le constat de l'emprise technique de l'homme sur son environnement extérieur, et
donc penser la maîtrise comme maîtrise d'un quelque chose objet, il est important, dans le cadre d'une réflexion philosophique, de
d'abord en passer par une réflexion sur la maîtrise du sujet humain.
Or, comme il est difficilement acceptable de penser que le bonheur
consiste dans la maîtrise d'autrui (qu'elle soit physique ou psychique), notre développement interrogera uniquement la maîtrise
réflexive du sujet par lui-même, sujet devenant dès lors l'objet de l'exercice de sa propre maîtrise.
(ii) Etre-dans : ce qui est implicite
dans l'emploi de cette formulation par l'énoncé est son aspect définitionnel.
En effet, se demander telle chose est dans une autre peut
se concevoir comme se demander si telle chose appartient à la définition de l'autre au titre de l'une de ses propriété.
Ainsi, dans le cas
de la relation de la maîtrise (propriété, ou caractéristique) au bonheur (notion à définir), être-dans peut signifier d'une part que la
maîtrise entre dans la définition du bonheur sous le rapport d'un moyen à sa finalité (la maîtrise est le moyen du bonheur, la condition
de la possibilité : la maîtrise est ici une caractérisation partielle d e la définition du bonheur), mais d'autre part également que le
bonheur consiste entièrement dans l'exercice de la maîtrise (ici, la notion de maîtrise épuise intégralement la définition du bonheur, elle
est la fin même du bonheur).
Problème : En fonction de notre analyse thématique, nous montrons que le problème de l'énoncé peut se ramener à la question de
savoir si la maîtrise peut, ou non, être considérée comme une condition nécessaire (cas de la maîtrise-moyen) et/ou suffisante (cas de
la maîtrise-fin) de la défintion du bonheur.
Afin d'y répondre, puisque nous limitons notre développement à l'acception réflexive de la
notion de maîtrise comme maîtrise de soi, notre réflexion prend pour appui unique les éthiques antiques, car c'est en elle certainement
qu'a été pensé à son terme la relation du bonheur à la maîtrise réflexive du sujet : en effet, ces éthiques sont quasiment uniment des
eudémonismes.
*
I.
La maîtrise des passions
Dans le cadre de l'épicurisme hellinique, mais également romain (Lucrèce, De la nature des choses ), l'éthique appartient à l'ordre des
valeurs.
Ce qui dans les valeurs pratiques est le plus élévé est évidemment le bonheur, et l'idéal en est celui des dieux bienheureux.
Le
bonheur de dieux consiste, pour les épicuriens, en la tranquillité de l'âme (l'ataraxie).
Et celle-ci se conçoit comme l'absence de
tourments.
Et comme les tourments de l'homme , peines physiques et psychiques, lui proviennent de son ignorance et du déréglement
de ses passions, c'est dans la maîtrise de ces dernières facultés que doit résider le moyen d'atteindre le bonheur.
Par la connaissance
véritable du principe des choses, par la maîtrise de soi-même comme sujet connaissant et comme sujet affectif (sujet des passions), le
bonheur s'obtient.
Le sujet doit apprendre que toutes ses souffrances n'ont pour causes que l'égarement de son comportement, et pour
origine les erreurs de sa connaissance (craindre les dieux, vouloir la richesse, recherche le plaisir comme fin en soi, avoir peur de la
mort…).
Et tel est le rôle du quadruple remède des épicuriens (tétrapharmakon) qui doit guérir l'âme de son impuissance au bonheur
par défaut de maîtrise de soi, de connaissance (de soi) et de ses passions.
C'est donc par la maîtrise que le sujet peut se soustraire à
la souffrance de son âme et de son corps.
La philosophie se conçoit comme une thérapeutique, un médecine de l'âme comme déjà le
dit Platon.
Et c'est par elle, c'est-à-dire par la maîtrise, que non seulement s'obtient le bonheur (maîtrise-moyen), mais en elle
également qu'il réside (maîtrise-fin).
Elle entre dans sa définition à titre de condition nécessaire et suffisante.
C eci est à rapprocher de
la vertu d'excellence de l'âme chez Aristote ( Ethique à Nicomaque ) qui, devenant à elle-même sa propre finalité dans la contemplation
(théorique) du Bien, accède au bonheur parfait.
II.
La maîtrise de la volonté
Contemporains des épicuriens, les stoïciens développent également une éthique de type eudémoniste, c'est-à-dire ayant le bonheur
pour principe et pour finalité comme valeur ultime de l'existence humaine.
Les dieux ne sont plus ici le modèle premier du bonheur,
mais plutôt le sage.
Le sage stoïcien, outre le fait qu'il constitue un idéal quasi inatteignable parce que surhumain, se caractérise par la
maîtrise de sa volonté.
Maîtriser sa volonté est ne pas vouloir plus que ce que l'on peut.
Or ceci est un héritage direct des adages
delphiques : rien de trop, et connais-toi toi-même.
Se connaître soi-même pour se savoir comme être limité évite la présomption de
celui qui se croirait divin.
La sagesse stoïcienne consiste donc dans la limitation de sa propre volonté par le savoir de la finitude de son
propre pouvoir.
Il faut distinguer ce qui dépend de nous et de notre volonté comme sujets de l'agir, de ce qui n'en dépend pas (Marc
Aurèle, Pensées).
Ainsi, par la maîtrise de sa volonté, le sujet peut atteindre la sérennité dans le détachement des aléas propres aux
existences mortelles.
La maîtrise est ici le moyen du bonheur.
Elle entre dans sa définition à titre de condition nécessaire.
*
Conclusions
-
-
Dans le cadre propre aux eudémonismes antiques, le bonheur réside (ou est) dans la maîtrise, si ce n'est en tant que
finalité suffisante (épicurisme), du moins comme moyen nécessaire (stoïcisme).
Le bonheur est donc définissable par la maîtrise.
Ce qui n'implique en aucun cas que cela en soit l'unique définition possible et légitime.
C es éthiques se spécifient par leur
caractère épistémologique : connaissance du vrai et agir du bien sont indissociables.
Les eudémonismes antiques sont
majoritairement des éthiques cognitives et intellectuelles.
Il est possible d'élaborer une morale eudémonisme sans faire référence à aucune théorie de la connaissance, mais en
se fondant uniquement sur l'observation du comportement et des instincts humains.
La maîtrise comme facteur du bonheur
conduit à considérer ce dernier sur un mode collectif qu'il s'agit d'optimiser (le plus grand bonheur du plus grand nombre).
Ce
cadre est celui de l'utilitarisme anglo-saxon du 19 e siècle (Bentham, Mill).
Et dans celui-ci, la maîtrise est proprement de l'ordre
techniques (politiques publiques, etc.)..
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