Le beau n'est-il que l'objet d'une perception ?
Extrait du document
«
• Définitions des termes.
• Beau : concept normatif fondamental de l'esthétique et s'appliquant au jugement d'appréciation sur les
choses ou les êtres provoquant le sentiment esthétique.
• N'est-il que : noter bien la formule restrictive.
• Objet (latin objectum, de objicere, jeter devant) : ce qui constitue la base d'une expérience possible ;
- ce qui se présente à quelque fonction de connaissance, intellectuelle ou sensible ;
- « ce qui est pensé ou représenté, en tant qu'on le distingue de l'acte par lequel il est pensé » (Dictionnaire
Lalande) ;
• Perception : c'est le terme important de l'intitulé.
Fonction par laquelle l'esprit se forme une représentation
des objets extérieurs ; représentation des choses situées dans l'espace à travers de simples impressions
sensibles.
• Le sens du sujet est le suivant : l'objet du jugement esthétique, ce qui provoque une émotion esthétique,
se présente-t-il seulement à la fonction par laquelle l'esprit se forme une représentation des réalités
extérieures ?
I.
Introduction.
•
Il est bien certain que l'intitulé de sujet tel qu'il se présente à nous nous invite à naviguer dans une
certaine direction.
En effet, la formule « n'est-il que » suppose a priori que nous pouvons et devons
questionner le sujet pour dépasser un premier niveau d'analyse concernant le Beau.
Mais quelle est l'acception
de cette notion de Beau et que désigne-t-elle ? Nous n'allons pas ici fournir une définition stable et définitive.
En effet, il s'agira pour nous de dégager cette dernière au terme d'un itinéraire.
Néanmoins, en première
approximation, nous verrons dans le beau le concept normatif fondamental de l'esthétique s'appliquant au
jugement d'appréciation sur les choses ou les êtres qui provoquent le sentiment esthétique.
On nous interroge
ici pour savoir si ce concept normatif représente seulement -« n'est-il que » - la base d'une expérience
correspondant à la fonction par laquelle l'esprit se représente des objets extérieurs - « l'objet d'une perception
» -.
En d'autres termes, le concept normatif de Beau se donne-t-il à nous à travers une représentation
sensible et ne peut-il apparaître que sous cette forme ?
•
Le Beau est-il réalité empirique ou idée ? Tel est le problème soulevé par la question.
Après tout, on
parle souvent de l'idée de Beau.
Le problème est bien de savoir si la notion de Beau idéal conserve pour nous
une signification fondamentale.
A.
Le Beau, objet de la seule perception sensible.
Le beau est, tout d'abord, ce qui s'offre à ma vue et à mes sens, cet ensemble de formes et d'apparences
phénoménales ; il désigne en première approche l'objet d'une perception harmonieuse : ce concept normatif
fondamental de l'esthétique, cette notion d'une perfection et d'une harmonie souveraine détenant une
puissance normative ne sont-ils pas, en effet, constitutifs de mon expérience sensible ? Le Beau paraît
appartenir aux objets de la vue ou de l'ouïe.
Ainsi, devant un visage qui me semble manifester « le Beau », la
norme esthétique idéale, je saisis par les sens, par la représentation externe, une certaine harmonie qui me
frappe, un certain lien entre la couleur, le teint, les traits, etc.
Il semble que le Beau inhérent à un visage soit
un pur objet des sens, de la représentation sensible des objets extérieurs.
La régularité, l'harmonie d'une face
humaine paraissent données empiriquement, sensiblement.
Si nous définissons la perception comme la
construction sensible de l'objet, opérant au moyen de jugements - nous savons, en effet, que la perception
est construite, à la différence de la sensation -, nous dirons alors que le concept normatif esthétique se
donne à moi à travers cette représentation des choses externes.
Toute analyse de l'appréciation esthétique,
que cette dernière porte sur un objet du monde sensible (visage, corps, etc.) ou sur une oeuvre d'art
(tableau, etc.), semblerait ainsi renvoyer à un fondamental élément perceptif.
Nous avons donné plus haut
l'exemple du visage qualifié de beau, mais nous pourrions aussi songer à un tableau, à une toile : ne s'agit-il
pas, avant tout, de regarder les résultats des coups de pinceau, le vernis posé sur les couleurs, etc.
? Le
Beau désigne, dans cette perspective, une relation fondamentale à un sujet percevant.
Il suppose une chose
réelle, existant indépendamment de nous, donnée à une certaine conscience saisissant la juste proportion des
parties au sein d'une harmonie globale.
Bien plus, il semble que le Beau perde toute signification en dehors de
cette relation d'un sujet percevant à une matière sensible : il se ramènerait, en définitive, à l'agrément de nos
sens appréhendant un objet en conformité harmonieuse avec eux.
« Le Beau, c'est une belle jeune fille »
déclare le sophiste Hippias à Socrate, dans le dialogue Hippias majeur ; convenance sensible, harmonie
empirique, n'est-ce pas ce qui est constitutif du Beau comme réalité sensible individuelle ?
Mais cette description nous laisse insatisfaits.
Elle relève d'une approche éminemment réaliste.
La saisie du
beau ne pourrait s'effectuer que par rapport à des objets externes et réels, elle serait liée à la représentation
de l'existence d'une chose.
Voici qui pose problème comme nous allons le voir.
D'autre part, quand
j'appréhende le Beau, est-il bien vrai que mon expérience soit rigoureusement perceptive, qu'il n'y ait pas en
elle autre chose, par exemple l'effervescence d'une émotion ? Ainsi faire du beau l'objet d'une perception
sensible semble, pour une double raison, poser problème.
Le beau ne relève-t-il pas d'une autre description et
d'une autre analyse ?.
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