Le beau est-il toujours bizarre ?
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Problématique
Bien souvent lorsque le Beau nous paraît "bizarre", il semble que nous ne puissions pas le comprendre, le saisir, lui
donner du sens: si le beau est bizarre est-ce parce qu'il n'a pas de sens? Dans quelle mesure le beau qui est
souvent synonyme d'harmonie, de rigueur, de régularité, de canons peut-il soudain nous apparaître comme "bizarre"?
Le bizarre n'est-ce pas ce qui nous choque? N'est-il pas un excés de sens, un trop plein de sens? Quelles réactions
adopter à l'égard de ce qui ne délivre pas son sens tout de suite?
Introduction.
Le terme beau peut s'entendre en deux sens légèrement différents : un sens large (et quelque peu
impropre), où il désigne toutes les valeurs esthétiques en général, et un sens strict.
I.
Le beau et l'équilibre.
Au sens strict, le beau semble être à l'opposé du bizarre.
Il consiste en effet « dans l'équilibre parfait de toutes nos
facultés en même temps que dans la plénitude d'une réussite technique dont les moyens sont assez simples pour ne
plus se laisser apercevoir ».
C'est le beau ainsi compris qui est à la base du classicisme, lequel est « stabilité,
sécurité, brève minute de possession des formes » entre les tâtonnements de « l'âge expérimental » et la
décadence de « l'âge du raffinement » et de « l'âge du baroque » (FociLLoN, La vie des formes, p.
25).
II.
Le beau et le bizarre.
Mais, si l'on prend le terme au sens large, l'opinion de BAUDELAIRE apparaît beaucoup plus soutenable et beaucoup
plus profonde.
Le beau équilibré est l'aboutissant des recherches de « l'âge expérimental ».
Or, à cette période de «
l'âge expérimental », on constate des tâtonnements qui sont encore loin de la rectitude classique et qui souvent
frisent le bizarre.
C'est ainsi, comme le remarque H.
FOCILLON, que, dans l'art musulman dont les combinaisons
géométriques semblent cependant « engendrées par un raisonnement mathématique », « une sorte de fièvre presse
et multiplie les figures; un étrange génie de complication enchevêtre, replie, décompose et recompose leur
labyrinthe ».
De même, dans la sculpture romane, « la forme abstraite sert de tige et de support à une image
chimérique de la vie animale et de la vie humaine, où le monstre, toujours enchaîné à une définition architecturale et
ornementale, renaît sans cesse sous des apparences inédites...
Il se dédouble, s'enlace autour de lui-même, se
dévore » (Ouv.
cité, p.
12).
Même dans l'art le plus classique, il y a, nous dit le même auteur, une sorte de «
sorcellerie manuelle qui ne saurait se comparer à rien d'autre ».
A plus forte raison, dans l'art baroque, les formes
vivent pour elles-mêmes, « elles se répandent sans frein, elles prolifèrent comme un monstre végétal ».
Que dire des
formes d'art ou de littérature comme le surréalisme, où se réalise « l'interpénétration du rêve, de la veille, de la
poésie et de la folie » (F.
ALQUIÉ)? Ici, ce n'est plus la perfection des formes; c'est l'évasion vers l'imaginaire,
l'insolite, le fantastique, qui devient le but visé : le bizarre devient alors le domaine privilégié du beau.
Conclusion.
Dans tous les cas, l'artiste est un visionnaire qui substitue à la perception commune et utilitaire des
choses, un monde bien différent, un monde de rêve, en dehors du réel, et où le bizarre est à sa place..
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