Le beau dépend-il du goût de chacun ?
Extrait du document
«
Lorsqu'il s'agit du beau et de l'art, l'opinion oscille souvent entre deux attitudes contradictoires.
Tantôt on
souligne la relativité des jugements qui s'y rapportent, celle des « goûts et des couleurs «, en s'en remettant à la
subjectivité de chacun.
Tantôt, au contraire, on se rapporte à un étalon ou à une mesure objective, qui se
trouverait dans la connaissance des experts ou des artistes officiels, pour décider de ce qui est beau ou non,
artistique ou pas.
Cette hésitation fait ressortir les ambiguïtés liées au thème de la reconnaissance, au problème de savoir comment
on peut reconnaître la beauté et l'art – en particulier la question de savoir s'ils entretiennent un quelconque rapport
avec la raison.
Selon Kant, la réponse est négative : le beau plaît universellement, même s'il s'agit d'une universalité de droit, et
non de fait.
Si je juge une oeuvre belle alors que mon voisin la trouve laide, la première chose que je tenterai de
faire, c'est de le convaincre .
C'est ce qui différencie le beau de l'agréable : l'agréable est affaire de l'agréable et
dépend du caprice de chacun, alors que le beau exige l'universalité.
Le beau peut être universel parce qu'il fait jouer des facultés.
qui sont communes à tous les sujets : le sentiment
que j'éprouve devant la belle oeuvre peut, en droit, être partagé par tous.
Le beau dépend-il du goût de chacun ?
Des goûts et des couleurs...
Le beau est ce qui plaît.
Mais le plaisir relève du sentiment, il est donc subjectif.
Or, si l'appréciation du beau
dépend de la sensibilité de chacun, le jugement de goût (« c'est beau ») n'est- il pas irréductiblement relatif (« Des
goûts et des couleurs, on ne discute pas ») ? Cependant, il semble exister un consensus objectif autour de ce qu'on
nomme les « grandes oeuvres ».
Et certains artistes ne deviennent-ils pas des « classiques », traversant les siècles
autant que les civilisations ?
Un plaisir subjectif qui se veut objectif
De plus, chacun éprouve le besoin de faire partager sa propre évaluation ? Quand nous disons : « C'est beau »,
nous formulons un jugement qui se veut objectif et nous affirmons a priori que ce qui nous plaît devrait provoquer la
même satisfaction chez tous.
Peut-on justifier ce paradoxe ? La beauté, qui ne semble ni objective (elle est
subjective : variable selon les sujets, belle pour les uns et pas pour les autres), ni absolue (elle est relative :
fonction d'un certain point de vue), a-t-elle pourtant une forme d'universalité ? N'est-elle pas communicable ?
La réponse de Kant
Bien que subjectif, le beau est universalisable
" Le beau est ce qui est représenté sans concept comme objet d'une satisfaction universelle.
" Kant, Critique de la
faculté de juger (1790), I, § 6.
Problématique
Pourquoi la beauté, qui n'est ni objective, ni absolue, possède-t-elle pourtant une forme d'universalité ?
Explication
Un plaisir désintéressé
La satisfaction est désintéressée, ce qui signifie que nous ne pouvons l'éprouver que si nous sommes dans un
certain état d'esprit par rapport à l'objet.
Kant ne veut pas dire que la beauté ne nous intéresse pas, que nous
sommes indifférents mais que le plaisir esthétique naît lorsque nous n'avons pas le souci de l'utilité (celui qui va en
mer dans le seul but de pêcher, qui porte sur elle un regard de technicien, n'éprouvera pas de plaisir esthétique), de
l'agréable ( celui qui porte un regard lubrique sur un Nu, éprouve une satisfaction charnelle qui est d'un autre ordre
que la satisfaction esthétique), du bien ( celui qui apprécie une œuvre engagée en raison de son caractère moral,
éprouve une satisfaction morale qui n'est pas esthétique).
Le beau n'est ni l'agréable ni le Bien.
Certes une
satisfaction peut être morale et esthétique, les deux ne s'excluent pas mais en tant qu'esthétique, elle n'est pas
morale.
A l'encontre de Platon, Boileau, Hegel, Kant affirme que le beau n'est pas le vrai.
Mais il n'est pas non
plus le pur sensible puisque le beau ne se réduit pas à l'agréable bien que satisfaction esthétique et sensuelle ne
s'excluent pas.
Et de cela Hume ne peut rendre compte.
De même qu'une œuvre d'art immorale peut être belle, de
même, peut l'être une œuvre désagréable, qui nous déchire et bouleverse.
Et inversement, une musique agréable
(par les sonorités, le passé qu'elle évoque) n'est pas belle pour autant bien que nous ayons tendance à confondre
beauté et agrément.
Par conséquent, le plaisir esthétique est le seul plaisir libre.
Il n'est pas l'effet de la
satisfaction de quelque chose, du besoin du corps ou d'une impératif de la raison.
Libre parce que désintéressé.
RAPPEL: JUGEMENT RÉFLÉCHISSANT ET JUGEMENT DÉTERMINANT
Le jugement déterminant part de l'universel pour l'appliquer au particulier.
A l'inverse du jugement réfléchissant qui
part du particulier pour rejoindre l'universel.
Par exemple, lorsque nous disons que les chats sont des félins, nous subsumons la catégorie "chat" sous celle de
"félin" comme plus générale parce que nous possédons déjà cette généralité.
En revanche, lorsque nous disons que
ce tableau de Picasso est un chef d'oeuvre, nous n'usons pas de la notion de chef d'oeuvre comme d'un outil pour la.
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