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L'attitude philosophique peut-elle être définie par la décision de ne jamais croire ?

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« Termes du sujet: PHILOSOPHIE La philosophie, selon Pythagore, auquel remonte le mot, ce n'est pas la sophia elle-même, science et sagesse à la fois, c'est seulement le désir, la recherche, l'amour (philo) de cette sophia.

Seul le fanatique ou l'ignorance se veut propriétaire d'une certitude.

Le philosophe est seulement le pèlerin de la vérité.

Aujourd'hui, où la science constitue tout notre savoir et la technique, tout notre pouvoir, la philosophie apparaît comme une discipline réflexive.

A partir du savoir scientifique, la visée philosophique se révèle comme réflexion critique sur les fondements de ce savoir.

A partir du pouvoir technique, la sagesse, au sens moderne se présente comme une réflexion critique sur les conditions de ce pouvoir. S'il est difficile de déterminer en général ce qui caractérise la philosophie, on peut au moins s'accorder sur le fait que tout philosophe entretient, que ce soit de manière naïve ou critique, un rapport privilégié avec la raison.

A ce titre, le philosophe a tendance à entrer facilement dans le rôle du critique des opinions et des croyances de toutes sortes.

Cette position spéciale a contribué à donner au philosophe l'image du sceptique, celui dont les convictions et les croyances doivent toujours être soumises à l'examen critique de la raison.

Peut-on cependant définir l'attitude philosophique parla décision de ne jamais croire ? À première vue, tout philosophe se veut le critique radical et intransigeant de toutes les formes de croyances.

N'est-ce pas en cela que l'attitude philosophique se distingue nettement de celle du religieux, du sophiste ou du rhéteur, tous soucieux de produire des effets de croyances ? Cependant, «décider de ne pas croire» n'est-ce pas s'en tenir à une position qui rencontre rapidement ses limites? La radicalité même de cette attitude ne risque-t-elle pas de rendre impraticable et intenable la position du philosophe ? N'est-ce pas l'illusion de la philosophie que de croire qu'il est possible de ne pas croire ? Derrière cette décision et ses motivations conscientes, n'y a-t-il pas une sorte de croyance dans le pouvoir de la raison ? Le philosophe se veut le critique sans complaisance des opinions et des croyances.

Les rapports historiquement difficiles de la foi religieuse et de la raison témoignent de la difficulté rencontrée par le philosophe à faire admettre et comprendre sa démarche.

Au fond, Socrate n'a-t-il pas été condamné au nom de sa prétendue impiété ? Critiquant les faux-savoirs des sophistes dont il dénonçait les effets pervers sur le jugement de ses concitoyens, Socrate se présente comme celui qui paralyse la marche assurée de celui qui croit savoir et qui se contente d'un savoir approximatif.

Ménon le compare à un poisson-torpille, qui produit l'engourdissement de tous ceux qu'il touche.

Socrate suscite l'aporie et l'embarras dans l'esprit de son interlocuteur, le «remplissant de doutes » parce « qu'il est lui-même dans le plus grand embarras ».

La recherche de la vérité passe par l'examen critique des opinions au nom de l'exigence d'un savoir plus solide et plus élevé que l'opinion, quand bien même cette dernière serait accompagnée de raison. Cette exigence vise un savoir d'une autre nature que celui de l'opinion.

II a pour effet de produire une conviction d'un autre type que la simple adhésion à des opinions.

C'est la radicalité de cette exigence qui caractérise, pour Descartes, l'activité philosophique.

Le premier précepte de la méthode, ou règle de l'évidence, invite à « ne recevoir en sa créance » que ce qui est évident.

Le fait de ne pouvoir être mises en doute en aucune manière caractérise de telles connaissances. L'attitude philosophique consiste donc bien dans le refus de tenir pour vrai ce en quoi il est possible d'imaginer le moindre doute.

Le douteux doit même être rejeté comme faux, afin que l'on puisse découvrir des principes suffisamment solides et inébranlables.

Le «je pense » apparaît à Descartes comme le modèle de la connaissance certaine.

La certitude que, chaque fois que je la prononce ou que je la conçois en mon esprit, la proposition «je suis, j'existe» est nécessairement vraie.

Elle se distingue de toutes les formes de croyance en ceci précisément qu'elle résiste à l'épreuve du doute et que, chaque fois que j'en fais l'expérience, je ne peux que me laisser convaincre par la certitude et l'évidence de sa vérité. Toutefois toutes les formes de croyances sont-elles rejetées au même titre par la philosophie ? Peut-on dire que l'opinion, la croyance superstitieuse et la foi religieuse sont mises sur le même plan par la philosophie ? Les exemples ne manquent pourtant pas de philosophes ayant fait preuve sinon d'une réelle ferveur religieuse, du moins de la compatibilité entre une démarche de nature religieuse et les exigences de la pensée en mode philosophique.

La question qui se pose est de savoir si leur conviction religieuse, leur expérience de foi, peut se concilier avec la démarche philosophique.

Les penseurs chrétiens du Moyen-âge, pour qui les vérités de la foi allaient de soi, distinguaient entre la scientia divina et la sacra doctina, entre une théologie naturelle, partie de la philosophie ayant trait aux «choses divines » et qui s'appuie sur la «lumière naturelle», c'est-à-dire en fait sur la raison, et la théologie révélée qui prend pour point de départ les vérités révélées de la foi chrétienne.

Mais il est clair que, pour eux, la philosophie restait ordonnée à la religion, la raison accordée à la foi.

La philosophie servante de la théologie avait pour fonction de disposer l'esprit à accueillir la vérité ; le philosophe religieux au Moyen Age cherchait à savoir parce qu'il cherchait à croire, d'où la difficulté de considérer ces penseurs comme d'authentiques philosophes.

Il semble donc que, entre l'attitude religieuse et ses exigences et l'attitude philosophique, il y ait une différence radicale et que l'esprit d'examen et le doute, qui en procèdent, sont des constituants essentiels de l'attitude philosophique.

Peut-on toutefois affirmer que cette position du philosophe est aussi solide qu'il y paraît ? N'y a-t-il pas des raisons de considérer avec suspicion la prétention du philosophe de «ne jamais croire» ? Il ne va pas de soi que « ne jamais croire » soit une position à laquelle le philosophe puisse prétendre sans que cette prétention soit elle-même soumise à examen.

Tout d'abord, peut-on dire que le philosophe est exempt de toute croyance ? Ne doit-il pas concéder qu'il lui faut au moins croire sinon dans la valeur, du moins dans la possibilité de l'attitude philosophique définie par la décision de «ne jamais croire» philosophique? Le philosophe peut-il prétendre, à la manière d'un Descartes, se défaire, au moins «une fois en sa vie», de tous ses préjugés? Pour Descartes, la chose n'est possible que dans la mesure où nous pouvons tout mettre radicalement en doute – c'est là, la fonction du doute méthodique.

Il est universel, c'est-à-dire qu'il s'applique à toutes choses; il est hyperbolique, c'est-à-dire volontairement exagéré ; radical, c'est-à-dire qu'il s'attaque à la racine même de nos connaissances.

Il' n'en reste pas moins que le projet cartésien «établir quelque chose de ferme et de constant dans les sciences » repose sur la conviction qu'il est possible de faire confiance aux certitudes de la raison.

Il suppose une adhésion de principe à la valeur de la raison.. »

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