l'athéisme peut-il donner lieu à un comportement religieux ?
Extrait du document
«
Introduction
L'athéisme est en général cette position qui consiste à nier l'existence de Dieu, et ce dans la mesure où il ne
prétend pas pouvoir saisir son essence.
L'athée décide de ne pas souscrire aux positions théistes, en affirmant
l'absence de Dieu.
Mais ce Dieu nié s'avère n'être le plus souvent que le Dieu des religions, ce Dieu qui se trouve
souvent être l'instrument même de ses fidèles, et ce afin de justifier leur adhésion.
L'athéisme peut-il évoquer des
voies nouvelles permettant de repenser Dieu, sans le cloisonner dans des valeurs construites, sans l'enfermer dans
sa radicale différence ?
I.
La relativité de l'athéisme
a.
Les mots « athée » et « athéisme » n'appartiennent pas au vocabulaire technique de la philosophie ou de la
théologie.
Pour interpréter l'athéisme, les philosophes et les théologiens ont créé un certain nombre de catégories
savantes (c'est-à-dire de concepts méthodiquement définis), mais en lui-même l'athéisme n'est pas une catégorie,
c'est une appellation.
Cette appellation a souvent un sens très relatif.
L'historien Josèphe, par exemple, se plaint
de ce que les païens traitent les juifs d'« athées et de misanthropes » (Contre Apion, II, 148).
Inversement, saint
Ignace d'Antioche traite les païens d'athées (Lettre aux Tralliens, III, 2) et il en dit autant des hérétiques docètes
(ibid., X, 1).
Il peut arriver que cet athéisme relatif suscite la commisération, comme dans l'épître de saint Paul aux
Éphésiens : « Souvenez-vous qu'autrefois vous étiez des gentils selon la chair, appelés incirconcis...
Vous étiez, en
ce temps-là, sans Christ, sans droit de cité en Israël, étrangers aux alliances prophétiques, sans espérances et
athées [atheioi] dans le monde » (Éph., II, 11-12).
Athée veut dire ici « sans protecteur divin », sans dieu-gardien
spécialement attaché à votre salut.
Il ne s'agit pas d'une absence de croyance religieuse, mais d'une absence de
statut ou de droit de cité dans la communauté sainte.
D'ailleurs, ceux qui, dans l'Antiquité, font figure d'athées
légendaires ne sont pas les grands philosophes, mais plutôt des réprouvés, tels Diagoras de Mélos, Cinésias ou
Hippon, qui ont déchaîné contre eux les puissances célestes et sont morts dans la honte.
Ne dit-on pas que
Lucrèce, l'auteur du De natura rerum, est mort fou ? Et, plus près de nous, Nietzsche, cet athée relatif qui aimait
tant Dionysos, n'est-il pas là pour confirmer que la légende a toujours force de loi ?
b.
Platon a traité de l'athéisme dans deux contextes différents.
Dans l'Apologie de Socrate (26 b-e), il s'agit de
montrer que Socrate n'est pas un véritable athée.
Pour cela, Platon distingue l'athée relatif, qui n'admet pas telle ou
telle divinité, et l'athée absolu, qui ne croit à l'existence d'aucun dieu.
Le concept philosophique de croyance sert à
souligner la signification intellectuelle de l'athéisme.
Dans les Lois (liv.
X), Platon s'intéresse à la signification sociale
de l'athéisme.
Il commente la notion des crimes d'impiété inscrite dans le droit pénal athénien.
Pour cela, il montre,
d'une part, que les sanctions doivent être proportionnées au degré de culpabilité et, d'autre part, que les
dispositions du droit pénal ne se justifient qu'à la condition de pouvoir prouver l'existence d'une divinité (argument
de l'intelligence automotrice et de la finalité cosmique).
On sait que les philosophes grecs distinguent deux sortes de
dieux : les dieux conventionnels, « suivant la loi », et les dieux intelligibles, « suivant la nature ».
Si Platon a pu
concevoir intellectuellement l'athéisme, il n'a pu en supporter l'idée.
Le dieu de Platon, le dieu des philosophes et des
savants, est l'absolument simple qui, dans le sentiment religieux du monde, abolit toute séparation.
Mais les rapports
des philosophes à la religion seront presque toujours équivoques.
Les philosophes de l'Antiquité interprétaient les
croyances traditionnelles par des allégories physiques ou morales.
II.
l'impossibilité de la preuve : position de l'athée ; et reconsidération de la vie
a.
Selon Louis de Bonald, un déiste est un homme qui n'a pas eu le temps de devenir athée.
Paul Hazard
réplique que c'est un homme qui n'a pas voulu le devenir.
Effectivement, le déisme (mot forgé au XVIe s.
répandu
aux XVIIe et XVIIIe s.) désigne une position moyenne, à mi-chemin du théisme chrétien et de l'athéisme.
Le déiste
ne croit plus au Dieu de la révélation historique ; il croit encore en un Être suprême dont l'existence et la nature
peuvent être déterminées par les facultés naturelles de l'homme.
Dans ce sens, le déisme renvoie à ce qu'on appelle
le Dieu des philosophes par opposition au Dieu des Écritures ; ou encore, il renvoie à ce que le XVIIIe siècle appelait.
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