L'athéisme est il une religion ?
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L'athéisme est une doctrine qui correspond à la négation de l'existence de Dieu ; or une religion ne se soutient-elle pas du postulat
suivant lequel il existe un Dieu ? Dès lors il semble paradoxal de demander si l'athéisme est une religion.
Il est bien plutôt le signe d'un
écart possible par rapport à celle-ci.
Or, il n'est pas sûr que le cadre théologique épuise ce que l'on peut entendre par le terme de
religion.
A leur façon, des choses aussi diverses que le sport, la science ou l'art ne sont-il pas des religions ? Mais s'agit-il réellement
d'autres formes de religion ou bien ne faisons-nous ici qu'élaborer une série de métaphores ? Nous verrons que c'est l'organisation d'un
certain culte qui garantit la présence d'une religion.
L'athéisme lui-même n'est-il pas un culte, celui de la mort de Dieu ?
I- L'athéisme n'est pas une religion.
Une religion se définit par cela qu'elle est organisée autour de textes, de rites, de mythes et d'une ou plusieurs figures divines.
Partager une religion implique que l'on se reconnaisse dans une certaine communauté dont les membres sont pris dans de semblables
croyances.
L'athéisme c'est le refus d'une existence articulée autour de la prière et d'un dialogue direct ou non avec Dieu, l'athée
postule la solitude cosmique de l'homme, sa spiritualité il la place éventuellement dans l'art mais non pas dans le sentiment religieux.
L'athée se moque de la religion et de ses dogmes, dans le Don Juan de Molière, Don Juan est un personnage pragmatique qui ne croit
pas en Dieu mais seulement que 2 et 2 font 4.
Tandis que le panthéisme signifie l'omniprésence de Dieu en chaque partie de la nature, dans le moindre brin d'herbe,
l'athéisme correspond à la doctrine d'une absence radicale de divinité, marquée donc par le préfixe « a » qui a un sens privatif.
Or, nier
qu'il y ait un Dieu n'est-ce pas se positioner d'entrée en dehors de toute religion ? On reconnaît en effet qu'il y a une religion lorsqu'un
culte est voué à une figure dès lors investie d'un caractère divin.
On apprend à classer les religions selon qu'elles sont polythéistes
(plusieurs Dieux, comme dans la Grèce antique) ou monothéistes (christiannisme, judaïsme, religion musulmane), mais il serait
absurde d'instituer une catégorie de religion athéiste.
La théologie permet de nommer, en son propre sein, ce qui ne lui appartient plus, ce qui l'excède, l'athéisme, quoique étant
ainsi un vocable théologique, est déjà le signe d'autre chose.
L'athée est certes détourné de Dieu mais survient aussitôt la question de
savoir par quoi Dieu est remplacé, la question n'a cessé d'être posée en philosophie.
Une telle question, notamment formulée par
Nietzsche, présuppose que Dieu n'est pas irremplaçable.
Ce qui compte ce n'est donc pas tant Dieu que la place qu'il occupe.
On peut
ici faire une analogie avec la psychanalyse lorsque celle-ci montre que la place symbolique du père peut être occupée par autre chose
que le père réel : une institution, un autre parent, un maître.
II- Qu'est-ce qu'une religion ?
Les différentes versions de la mort de Dieu chez Nietzsche sont le signe d'un constat : ce n'est pas parce que Dieu est mort
qu'il cesse justement d'être un problème.
L'homme, abandonné de Dieu, ainsi que Sartre nous le présente dans L'existentialisme est un
humanisme est donc désormais responsable de lui-même, responsabilité positive, signe d'une maturité de l'humanité pour Sartre,
fardeau lié au poids de la mauvaise conscience pour Nietzsche.
Il reste qu'en ayant perdu Dieu, il n'est pas certain que l'homme soit
sorti de la religion.
Peut-être ne quitte t-on une religion que pour entrer dans une autre.
Demander ce qu'est une religion est une étape intermédiaire nécessaire ici pour répondre au sujet.
Le simple fait de
s'interroger sur l'essence de la religion c'est déjà l'indice de ce que la religion excède probablement le champ théologique.
De même
que Dieu peut prendre une diversité de figures, la religion peut revêtir une multiplicité d'aspect.
La doctrine nietzschéenne de
l'Ubermensch, le surhomme, n'est-elle pas d'une certaine manière une religion ? Organisée autour de textes dont l'interprétation peutêtre assez large (les aphorismes réunis dans La volonté de puissance et bien sûr les versets d' Ainsi parlait Zarathoustra).
L'écriture de
ce dernier livre, se voulant une parodie de la Bible, nous paraît en fait un aveu : en pastichant l'écriture biblique Nietzsche se tient au
plus près d'elle.
Une religion se reconnaît à la formation d'un certain culte, à l'organisation de ce culte autour de croyances ; chez Nietzsche
cette croyance pourrait être celle qu'il place en l'avènement du surhomme.
Le discours autour de la mort de Dieu s'accompagne en
même temps d'une recherche : que mettre à la place de Dieu, quelle nouvelle religion inventer ? Loin de n'être que métaphorique,
l'extension du terme de religion au-delà du champ théologique permet de souligner la difficulté qu'à l'homme de renoncer à toute
croyance et à tout système dans quoi il peut canaliser sa spiritualité.
III- L'athéisme est une religion.
Le terme d'athéisme est le signe d'une négation, d'une absence, celle du Dieu de la théologie, mais, en filigrane, il est déjà
l'indice de ce que l'homme est tourné vers d'autres divinités.
L'athéisme est ainsi très souvent lié à la figure du scientifique ; par
exemple à travers l'histoire célèbre de Galilée qui, au sortir d'un procès l'obligeant à se rétracter sur sa conception de la cosmologie eu
ce mot « et pourtant elle tourne », affirmant ainsi que l'obscurantisme demeure impuissant face aux lois de la nature.
L'athéisme, en même temps que la fermeture au discours théologique est une ouverture à l'esprit scientifique, mais la science
n'est probablement qu'une autre forme de religion, la religion du savoir, de la Raison.
Comme le remarque Ruyer au début de son livre
L'animal, l'homme, la fonction symbolique , les explications scientifiques de l'origine de l'homme sur Terre ne sont réellement pas plus
vérifiables ni moins mythiques que celles données dans les textes théologiques.
Ne croyant pas en Dieu, l'athée déporte sa croyance
sur autre chose.
Sauf à cloisonner le sens du terme d'athéisme à son acception purement négative, telle qu'on peut en prendre la mesure dans
le champ théologique, il faut admettre que l'athéisme est sinon une religion, du moins l'ouverture à d'autres formes de religions.
Autour
du thème de la mort de Dieu ou de son absence, s'organisme un culte, celui célébrant l'avènement d'autre chose que Dieu.
Refusant
d'adhérer à la thèse de l'existence de Dieu, l'homme se nourrit de substituts, son Dieu ce sera simplement un Dieu travesti, par
exemple en l'idée d'une perfection artistique, d'un idéal scientifique ou humain (le surhomme de Nietzsche).
Conclusion :
L'athéisme est donc bien une religion, organisée autour d'une croyance : il n'y a pas de Dieu, ce discours de l'athéisme ne doit
pas nous tromper.
Au Dieu de la théologie, l'athéisme substitut d'autres idéaux.
Ne pas croire en Dieu, à moins de se morfondre dans
un nihilisme, c'est déjà croire en autre chose.
La question de savoir si l'athéisme est une religion nous déporte donc vers une question
plus vaste, qui pourrait être formulée ainsi : pourquoi l'homme ne peut-il se passer de religion ?.
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