L'art permet-il de mieux exprimer le monde ?
Publié le 29/04/2024
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Colle de Philosophie n°1
L’art permet-il de mieux
exprimer le monde ?
Introduction :
En décembre 2019, à la Foire d’Art de Miami, Maurizio Cattelan exposait
une banane scotchée sur un mur blanc, vendue à 12.000 $.
Cette « œuvre »
interroge quand à l’expression artistique et la recherche faite par l’artiste : y a
t-il véritablement un message, ou est-on là seulement pour choquer ?
Avec déjà une étymologie fort ambigüe du latin « ars » équivalent au
grec « teknè », l’art, par définition, est généralement défini comme un
ensemble de procédés visant un certain résultat pratique, séparé déjà, par les
penseurs antiques du travail du simple maçon ou celui du sculpteur.
Mais en
évoluant, l’art va perdre peu à peu de son sens technique au profit de son sens
esthétique pour devenir une forme d’expression à part entière et dont le but à
atteindre la beauté.Ces arts dits libéraux (ou beaux-arts) sont au nombre de
7 : les arts plastiques – ou arts de l’espace (architecture, sculpture, peinture)
– et les arts rythmiques – ou arts du temps (musique, danse, poésie),
auxquels on ajoute le cinéma.
Mais dans nos sociétés où l’art prend désormais
un tournant économique, on se demande de plus en plus « quand y a-t-il
l’art ? ».
Pour le monde, la définition en est tout de même plus simple,
désignant à la fois l’ensemble des objets physiques et l’ensemble des relations
humaines (donc au sens « existentiel ») qui nous entourent et forment nos
sociétés/biodiversités.
Ce monde a-t-il donc un vrai rapport avec cet art
humain et technique ? L’art est-il à même de l’exprimer ?
La question est si l’art permet de mieux exprimer le monde, mais au
fond, cette question ouvre sur une interrogation très voire trop grande
revenant à l’utilité de l’art.
Que nous apporte-t-il en tant qu’homme ? Qu’a-t-il
à nous donner dans son expression ? Le monde et son expression sont-ils
même à notre portée ?
Nous essaierons, dans un premier temps, de nous intéresser à ce
qu’exprime l’art et en quoi, en effet, il nous offre une fenêtre sur le monde.
Nous nuancerons par la suite en nous interrogeant quant à ses limites et sa
viabilité pratique, loin des traités simplement théoriques et dans la réalité de
ce monde.
Enfin, nous aborderons l’art comme non plus une expression du
monde offerte à l’homme, mais un moyen pour lui de découvrir en lui un
monde nouveau et bien plus profond.
I.
L’art est un moyen privilégié pour montrer ce qui ne peut être dit
A.Montrer la réalité « au plus près »
Toujours, l’art est associé, dans nos représentations communes à une forme
d’expression du monde social qui nous entoure, à la nature même.
L’idée en
soi de l’art, serait comme de cristalliser des scènes en tableaux, afin de nous
fait revivre un moment mais avant tout un sentiment.
C’est ce que
recherche, par excellence, le mouvement impressionniste, né à la fin du
XIXème siècle dont les chefs de fils (Monet, Renoir, Degas) se représentent à
petits coups de pinceaux, le plus proche de la réalité du monde.
Ce
mouvement d’artistes sortant de leurs ateliers afin de pouvoir créer des
fresque entières sur l’évolution d’un étang de nymphéas dans un jardin, vise
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L’art permet-il de mieux
exprimer le monde ?
à représenter le monde au plus près de sa réalité.
On ne veut pas d’une
image fixe, mais un vent qui souffle et ramène le spectateur à une transe
contemplative qui suspend le temps.
Lorsqu’on s’assoit, sur les bancs du
musée de l’Orangerie, afin de scruter ces toiles gigantesques de Monet, on
se trouve happés dans le monde décrit par Monet.
L’aurait-on écouté, s’il
nous l’avait simplement décrit via le langage oral ? Personne ne l’aurait
écouté et personne n’aurait pu percevoir ce dont il nous parlait… L’art est un
moyen d’exprimer le monde, et ainsi de rendre matériel un sentiment.
Mais comment l’art exprime-t-il le monde ?
A.La mimèsis, quintessence de l’expression de la nature et du monde
Si l’on a définit le monde comme à la fois les choses et les gens, on se dit que
c’est tout ça que l’art représente.
Mais comment le fait-il ? L’art copierait-il la
nature ? ou alors l’imiterait-il ?Si l’on suit le raisonnement aristotélicien de la
Poétique, on peut trouver le concept de « mimèsis »soit en grec imitation.
Et
en effet, l’art serait au fond une technique d’imitation de la nature.
Pour
Aristote, ce serait issu de notre “tendance commune à tous de prendre
plaisir aux imitations”.
Cette imitation de la nature serait, pour lui, le moyen
pour l’art d’atteindre son idéal de beauté.
Le sujet exprimé est forcément
beau et apporte du plaisir, puisqu’il se calque sur la nature donc parfaite.
L’art serait donc le calque de la nature et une expression quasi parfaite du
monde, se développant pour idéal de beauté mais aussi, selon la pensée
d’Aristote, en réponse à un besoin universel de la part des hommes, comme
si c’était en le voyant représenter par Van Gogh que des tournesols (1887)
pouvaient être enfin reconnus comme tel.
Si l’on va plus loin, on peut même aller jusqu’à remarquer que l’objet de l’art
n’est pas ce qui entoure un homme, mais penche dans une universalité et
une généralisation.
On nous permet, via les œuvres à réaliser notre place
entre un infiniment petit et un infiniment grand, unis par le caractère spécial
de notre espèce, dont la plus belle représentation en est l’art lui-même.
C’est donc dans cette imitation d’une nature dont l’homme veut connaître sa
part de perfection, que l’art nous rassemble et nous indique notre certaine
place.
Mais l’art ne transcende-t-il que l’espace ?
A.Connaître un monde passé, cristallisé physiquement
Quand on réfléchit aux caractéristiques de l’art, l’une est particulièrement
intrigante : l’éternité.
Car l’art est avant tout une forme expressive capable
d’auto-conservation.
On peut reprendre ici le bon vers d’Horace « Verba
volant, scripta manent.
» soit « Les paroles s’envolent, les écrits restent.
»
qui s’applique tout à fait à l’art.
Le discours prononcé par Cicéron contre
Catilina en plein Sénat romain en 63 avant J.-C.
s’est depuis longtemps
envolé, mais ses retranscriptions écrites et peintes, elles, nous sont restées.
Alors, si l’on veut expliquer cette immortalité de l’œuvre artistique, on peut
se référer à Hannah Arendt (dans La crise de la culture, 1954) lorsqu’elle
écrit que si les œuvres d’art “prétendent à une immortalité potentielle”, c’est
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exprimer le monde ?
justement car elles ne sont pas élaborées dans une optique d’autoconservation : elles sont donc en marge du circuit de consommation
courante et du “va-et-vient des générations”, en terme plus concret du
temps.
Et c’est parce qu’elles ne nous font pas durer, nous les hommes, que
les œuvres d’art sont celles qui durent le plus longtemps.
Comme le dit très
bien la philosophe allemande, l’art est non-pas « fait pour les hommes mais
pour le monde », ce qui fait de lui, encore une fois, la meilleure forme
expressive possible ou en tout cas la mieux conservable.
Pour donner un exemple (notamment du sentiment que cela peut nous
provoquer), on peut évoquer les peintures rupestres de la grotte de Lascaux
remontant de 21 000 à 25 000 an avant nous, considérés comme les
premières formes de l’art primitif, nous permettent de dialoguer avec une
société préhistorique dont on ne savait jusqu’alors que peu de choses =
connaissance coutumes, mode vies et analyse modes de représentation
permet déduire beaucoup de chose sur avancées techniques.
Cela nous
donne le sentiment d’unité avec l’ensemble du genre humain.
Transition : Nous avons donc bien vu que l’art cherchait à nous offrir le
meilleure point de vue possible sur le monde, par cette démarche ‘au plus
près’ de la nature, dont l’imitation est au fond, pour l’homme, le meilleur
moyen de prendre conscience du monde auquel il appartient.
Plus qu’une
expression de la réalité ou de la communication, l’art est destiné à nous ancrer
dans le monde qu’il dépeint, voire même nous ramener, par sa capacité à
survivre au passage du temps, aux racines du monde présent et ainsi à nos
origines.
Mais l’art n’a-t-il pas des limites ? Ces théories sont-elles praticables ?
I.
Les limites de l’art sur l’homme
A.Une vérité illusoire et dangereuse
Jusque là, on a abordé l’art comme une forme d’expression, mais l’on ne l’a
pas véritablement vue comme une puissance à part entière.
Mais de quoi
tirerait-elle sa puissance ? Après tout, ce n’est qu’une imitation de la
nature… Néanmoins, et si c’était cette imitation qui était la source de son
impact ? Lorsqu’on réfléchit à la conception de la cité idéale platonicienne
décrite dans la République fondée sur la raison et le gouvernement des
philosophes-rois, on remarque qu’il en exclut les artistes.
Pourquoi ? Certes
car ils pervertissent les mœurs de leurs concitoyens selon Platon, mais
pourquoi.
L’art est perçu ici, comme....
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