L'art n'est-il qu'une imitation de la réalité ?
Extrait du document
«
Analyse du sujet :
Art : Pendant longtemps, l'art a été considéré sur le modèle de l'imitation : on affirmait que l'art se contentait de
reproduire ce qui existait déjà dans la nature.
Suivant cette conception, l'art aurait pour tâche de conserver ce qui
n'est plus, de figer dans le temps ce qui ne ferait sinon que passer.
Cependant, on assure maintenant que l'art a
peut-être une tâche plus métaphysique, car l'art nous révèle quelque chose du monde, quelque chose qui serait
resté caché à nos yeux sans lui.
L'artiste pourrait être ainsi un génie qui voit la réalité du monde et qui parvient à la
montrer à ses pairs.
Mais cette conception est inféodée à l'hypothèse de la vérité.
Pour qu'elle soit fondée, il
faudrait que, d'une manière objective, le génie voie la vérité du réel.
Or l'art est également profondément subjectif
et il est problématique aujourd'hui de soutenir qu'une œuvre d'art est plus « vraie » qu'une autre.
Peut-être est-ce
justement là qu'est la fonction la plus essentielle de l'art : nous montrer à quel point ce monde est subjectif ?
Imitation : C'est l'action d'imiter quelque chose.
En art, il s'agit donc de reproduire artificiellement des objets, ce qui
peut s'apparenter à en faire une copie.
On se réfère souvent au terme grec mimèsis par lequel les anciens Grecs
caractérisaient le processus artistique d'imitation du réel.
Réalité : La réalité définit ce qui est véritablement.
Le terme provient du latin res qui veut dire « chose ».
Le réel,
c'est donc l'ensemble des choses qui sont, celles qui ont une existence objective et constatable.
En philosophie, on
considère généralement que le réel étant ce qui contient l'être véritable des choses, on peut l'opposer à
l'apparence : le réel incarne les choses dans leur vérité, et non telles qu'elles nous apparaissent.
Ainsi Platon
considère-t-il que le réel se situe dans le monde des Idées, alors que le monde sensible dans lequel nous vivons est
constitué d'apparences.
Cela pose problème, car comment pourrions-nous vivre dans l'irréel ? La réalité peut-elle
être autre chose que la façon dont les choses nous apparaissent ?
Problématisation :
Si l'art n'était qu'imitation de la réalité, alors on pourrait se demander dans quel but l'art existe, car finalement, à
quoi nous sert d'avoir une copie de la réalité à côté de la réalité elle-même ? Cette démarche, qui plus est, semble
vouée à l'échec, car avec tout le génie artistique dont on peut faire preuve, une copie ne sera jamais aussi parfaite
que l'original.
Un tel art semble ainsi un art de perdre son temps.
Cependant, d'où l'art pourrait-il tirer son suc si ce
n'était de la réalité ? Peut-on postuler que l'art trouve son fondement ailleurs que dans la réalité ? Ce serait soutenir
que l'art posséderait quelque chose d'irréel.
Mais considérer les choses de ce point de vue, c'est voir les choses
d'une manière irrationnelle, ce qui reviendrait à disqualifier l'art en tant que discipline capable d'élever l'homme.
Proposition de plan :
1.
L'art comme imitation.
a) D'après Aristote : « l'art imite la nature » (Physique II, 2, 194a21).
Aristote
se positionne ainsi dans le camp de ceux qui considèrent que le mode
opératoire de l'art doit être l'imitation (la mimésis, dit-on en Grec).
Pour ceux
qui soutiennent cette théorie, l'activité artistique doit aller du monde à
l'œuvre et l'exactitude du rendu constitue un objectif qui se suffit à lui-même.
L'art doit alors décrire le monde.
Le paradigme en est le miroir.
L'artiste est
alors celui qui reproduit le monde, qui en fait un décalque.
b) Mais la copie du monde que va créer l'artiste ne pourra jamais être aussi
parfaite que le monde original.
Au livre X de la République, Platon explique que
pour un seul lit, on peut imaginer trois niveaux de réalité : le niveau le plus
vrai, c'est l'Idée du lit en soi, Idée qui existe dans le monde intelligible et qui
ne peut être l'œuvre que d'un Dieu.
Le deuxième niveau, c'est le lit réalisé par
l'artisan.
Ce lit est un exemple particulier de lit, une apparence engendrée par
l'Idée.
Le troisième niveau, c'est le lit de l'artiste, qui est une copie du lit de
l'artisan, et donc une apparence de l'apparence.
C'est pourquoi Platon se
trouve justifié d'écrire que : « L'art de l'imitation est donc bien éloigné du
vrai, et c'est apparemment pour cette raison qu'il peut façonner toutes
choses : pour chacune, en effet, il n'atteint qu'une petite partie, et cette
partie n'est elle-même qu'un simulacre.
» (République, X, 598b) D'après Platon
l'art imitatif nous trahit, puisqu'à chaque « copie » de l'original, il perd quelque
chose.
L'artiste offrirait ainsi à voir une version dégradée du réel.
2.
L'art comme révélateur.
a) Pour que l'art ne nous trahisse pas, il faut donc que ce qu'il nous montre, ce ne soit pas une copie du réel, mais
le réel lui-même.
C'est d'ailleurs ce que croient certains penseurs pour qui l'art révèle le réel.
Pour eux, l'art est un
mode d'accès privilégié à la réalité, un mode d'accès direct à la vérité, alors que le monde qui nous environne est
illusoire.
Ainsi pour Schopenhauer, l'art est « une connaissance spéciale qui s'applique à ce qui dans le monde
subsiste en dehors et indépendamment de toute relation, à ce qui fait à proprement parler l'essence du monde et le
substratum véritable des phénomènes (…).
Son origine unique est la connaissance des Idées ; son but unique, la
communication de cette connaissance.
(…) Il arrête la roue du temps, les relations disparaissent pour lui ; ce n'est
que l'essentiel, ce n'est que l'Idée qui constitue son objet.
» (Le Monde comme volonté et comme représentation,
III, 36) On peut alors considérer que, de ce point de vue, l'art nous permet de voir le monde, puisqu'il nous montre
la vérité elle-même, la vérité nue, alors que nous baignons dans l'illusion..
»
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