L'art n'est-il qu'une apparence?
Extrait du document
«
L'apparence renvoie d'un côté à ce qui est trompeur ou déception ; mais elle renvoie aussi à la réalité sensible, la
réalité qui apparaît aux sens.
Autrement dit, dire que l'art est le règne de l'apparence, ce n'est pas nécessairement
dire que l'art est trompeur : d'ailleurs l'art a-t-il jamais trompé qui que ce soit ? Traditionnellement, l'art se donne la
plupart du temps pour ce qu'il est ; un tableau qui représente une personne, aussi parfait et réaliste soit-il, a
toujours un cadre, un titre, il est signé : il se montre comme oeuvre d'art, il n'essaye pas de se faire passer pour la
chose même.
La définition philosophique de l'apparence renvoie souvent à une essence ou à une réalité dont elle ne
serait que le négatif ou la version dégradée.
Mais dans ce cas, si l'apparence est dévalorisée, l'art n'est pas
vraiment trompeur ; mais simplement il n'est pas quelque chose de digne.
Pour la critique classique de l'art comme
règne de l'apparence, il est conseillé de se référer aux textes de Platon, Philèbe 64-65, et La République, X, 598a600.
Pour Platon, l'art n'est pas seulement apparence ; il est une copie au deuxième degré (les choses étant ellesmêmes des copies au premier degré des idées ; l'art copie les choses et ne copie pas les idées même.
Il est une
copie d'apparence, une apparence d'apparence).
Mais la critique de Platon n'est plus tellement d'actualité.
D'abord,
parce que l'art s'est émancipé de la représentation : la peinture avec le cubisme par exemple ne se contente plus de
représenter la réalité telle qu'elle apparaît.
La poésie même ne consiste plus en un récit qui "imiterait" une action
(voir à l'opposé la conception d'Aristote).
Ensuite, parce que, en même temps qu'il s'émancipait de la représentation,
l'art devenait moins "sensible" et plus intelligible : par exemple le pop art est un art conceptuel au sens où ce qui
prime c'est l'idée de l'artiste, et non plus sa réalisation sensible.
Le sujet mentionne le "règne de l'apparence",
presque comme s'il s'agissait d'un monde à part qui aurait ses propres règles, règles qui seraient tout à fait
différentes de celle du monde réel ou intelligible.
On peut penser aux exemples du surréalisme.
Ce qui fait le
problème de ce sujet, c'est qu'habituellement l'apparence se définit en opposition avec une réalité dont elle n'est
que l'apparence, le travestissement ; or ici (et surtout si on prend en compte le fait que l'art s'est progressivement
émancipé de la représentation), en définissant l'art comme règne de l'apparence, l'apparence ne semble plus
renvoyer à aucune réalité hors d'elle-même ; alors s'agit-il encore bien d'apparence ? Autre référence utile :
Nietzsche, La naissance de la tragédie, qui oppose, dans l'art, un principe des apparences (Apollon) et un autre
principe (Dionysos).
L'art s'éloigne doublement du vrai
Thèse - Dévalorisation de l'art au nom de la vérité.
Cette dévalorisation a pour fondement la dévalorisation
du monde sensible an nom de cette même vérité.
Et valorisation ontologique du Beau, Idée ou Essence.
La critique platonicienne vise surtout les arts suivants : la poésie, la sculpture, la peinture.
Dans la « République » (II), Platon n'est pas loin d'exiler de la Cité idéale les poètes s'ils ne se soumettent
pas à la vérité.
Il conteste donc l'autonomie de l'art et la liberté de l'artiste.
Dans le « Phèdre » (248 d-c)
Platon établit une hiérarchie des existences humaines en fonction de leur degré de perfection c'est à dire de
connaissance.
Il distingue neuf degrés qui vont de la vie philosophique (premier degré) à la vie tyrannique
(dernier degré).
L'artiste imitateur occupe la 6e place, l'artisan et le laboureur la 7c, le sophiste la 8e.
Pourquoi ? Pourquoi un tel voisinage du sophiste et de l'artiste ? Une telle condamnation de l'art ?
1)
Parce que l'artiste comme le sophiste possède un savoir-faire qui est un savoir-tromper.
a) Poètes et peintres n'enfantent que des fictions.
Les poètes, Homère, Hésiode, ne sont que « faiseurs de
contes », en outre contes dangereux car ils véhiculent une fausse image des Dieux et des Héros.
Par exemple,
les Dieux sont jaloux, se font la guerre et les pires vilenies.
Or, « la bonté n'appartient-elle pas à ce qui est
divinité? » (Rep.379).
D'autre part, représenter les Dieux à l'image de l'homme, ne pas en faire des modèles de
vertu, n'est-ce pas encourager le mal? Les peintres et sculpteurs, quant à eux, illustrent les fictions inventées
par les premier.
et créditent le mensonge.
b) Pour plaire ces fictions doivent avoir l'apparence du vrai.
Le savoir-faire de l'artiste est donc bien semblable
à celui du sophiste puisqu'il permet de produire l'illusion du vrai, de présenter comme vrai ce qui ne l'est pas et
n'en a que l'apparence en utilisant les séductions du sensible (flatterie, plaisirs des sens ...
).
Par exemple le
bon peintre est celui qui est capable de représenter dans un espace à deux dimensions un objet qui, lui,
occupe un espace à trois dimensions.
Plus l'image produite par le peintre semble vraie, plus elle est en fait
infidèle à son modèle tel qu'il est.
L'exactitude de l'art repose sur la déformation du réel sensible (cf.
les.
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