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L'art, leçon de philosophie

Publié le 30/10/2022

Extrait du document

« L’ART Opinion courante : Seuls les initiés s’intéressent à l’art.

Souvent, l’art apparaît comme quelque chose de superflu, comme un simple loisir qui ne concerne qu’une minorité de gens.

Il n’intéresserait que ceux qui ont suffisamment de temps libre à lui consacrer, et laisserait totalement indifférents les autres, trop occupés à des activités plus sérieuses et urgentes, pour se permettre de perdre du temps.

Seule une infime partie de la population serait émue ou touchée par les œuvres d’art. Après réflexion : L’art est à notre portée.

L’art est omniprésent autour de nous et il façonne notre vie, même si nous ne nous en rendons pas toujours compte.

La musique que nous écoutons au quotidien, les films que nous voyons, les bâtiments dans lesquels nous habitons ou nous travaillons peuvent pourtant relever de l’art.

Peut-être sommes-nous nous-mêmes des apprentis artistes si nous chantons, jouons d’un instrument de musique. L’art tend alors de nous interpeller par les émotions qu’il suscite et éveille la sensibilité de chacun et le sort de son indifférence. Définition : L’art est l’application d’un savoir-faire à une réalisation.

C’est pour cette raison que l’on trouve une profusion du terme art dans des expressions aussi variées que : l’art de la musique, les arts martiaux, l’art de la cuisine, ou l’école des arts et métiers.

Ce n’est qu’à l’époque moderne que l’on désigne plus particulièrement par ce terme l’activité humaine qui consiste à produire des œuvres ayant une valeur esthétique. « l’application d’un savoir-faire à une réalisation » - « l’activité humaine » : L’art est une production humaine, par opposition aux productions de la nature, il exécute ce que la nature n’effectue pas elle-même.

A la 1 différence des produits de la nature, l’ouvrage humain a été précédé d’une représentation (idée). « qui consiste à produire » : L’art produit des objets ; c’est une activité de fabrication, mais une fabrication tellement personnelle et inattendue qu’on parle de « création » artistique, comme si l’artiste avait la capacité divine d’inventer à partir de rien. « des œuvres ayant une valeur esthétique » : Les œuvres d’art satisfont un plaisir dit « esthétique », c’est-à-dire relatif au jugement de goût qui distingue ce qui est beau de ce qui est laid.

Mais le terme d’« esthétique » laisse supposer que l’œuvre d’art devrait nécessairement être belle, ce qui n’est pas toujours vrai. Questionnements :  Quand y a-t-il art ?  Une œuvre d’art est-elle nécessairement belle ? La distinction entre ce qui est art et ce qui ne l’est pas ne va plus de soi. Au cours du XXème siècle, l’art a cessé d’être défini par six « beaux-arts » traditionnels (musique, peinture, sculpture, littérature, architecture, danse).

De nouvelles disciplines postulent au titre de septième art (cinéma), voire de huitième ou de neuvième (photographie, télévision, etc.).

Mais quels critères permettent de les rattacher ou non à l’art ? Existe-il un moyen infaillible de distinguer une œuvre d’art d’un objet quelconque ? Existe-il un critère permettant de donner un « label » à ce qui art ? 1.

L’art est-il le beau ? Spontanément, la première qualité que nous attendons d’une œuvre d’art est la beauté.

Là semble se trouver le critère essentiel permettant de distinguer les œuvres d’art des autres productions humaines.

Pour le philosophe Plotin, tous les corps sont composés de deux éléments fondamentaux, qu’il nomme la « matière » et la « forme ».

Or, la matière ne recelant en elle-même aucune beauté, celle-ci ne peut venir que de la forme, qui vient elle-même de l’art.

Plotin illustre sa pensée par l’exemple 2 de deux blocs de pierre, dont l’une a été transformée par l’art, donnant une statue que l’auteur déclare belle, une beauté qu’elle n’a pu posséder qu’à travers l’art.

« Il est évident que la pierre en laquelle l’art a engendré la beauté de la forme est belle non parce que c’est une pierre, car à ce compte-là une autre pierre eût été tout aussi belle, mais en raison de la forme que l’art y a fait entrer.

» Pascal jugeait « Quelle vanité que la peinture qui attire l’admiration par la ressemblance des choses dont nous n’admirons point les originaux.

» Comment expliquer ce paradoxal plaisir que nous pouvons prendre à contempler la reproduction de quelque chose qui, dans la vie quotidienne, ne nous intéresse pas, voire que nous trouvons laid ? L’art se caractérise-t-il par la recherche du beau ? Un beau « fabriqué » qui imite, rivalise ou surpasse même la beauté naturelle, comme nous le dit Kant, « La beauté artistique est une belle représentation d’une chose.

» Même une chose laide dans la réalité peut être transfigurée par l’art.

Mais est-ce si simple ? N’existe-t-il pas des œuvres que nous ne jugeons pas belles et que nous considérons quand même comme artistiques ? Ce critère ne semble donc pas être une condition nécessaire, d’autant plus que les objets industriels et technologiques peuvent être beaux, d’où le souci du design et parce que l’art contemporain a souvent abandonné la seule recherche du beau qui semble appartenir au passé.

Depuis XIXème siècle, l’art montre volontiers le banal voire le laid, et l’artiste contemporain ne cherche plus tant à procurer un plaisir esthétique qu’à manifester une intention nouvelle.

4’33 est une œuvre du compositeur John Cage qui consiste en 4 minutes et 33 secondes de silence au cours desquelles les auditeurs écoutent donc en réalité les bruits environnants. 2.

C’est l’artiste qui fait l’art Ce ne sont plus simplement les propriétés matérielles d’un objet qui permettent d’en faire une œuvre d’art mais aussi et surtout l’intention créatrice de l’auteur et donc la théorie que l’auteur met en œuvre pour donner du sens à sa création.

Nelson Goodman nous dit alors à ce propos « Tant qu’elle est sur la route, la pierre n’est d’habitude pas une œuvre d’art, mais elle peut en devenir une quand elle est donnée à voir dans un musée d’art.

» Pour Arthur Danto, c’est tout le contexte à la fois spatial et théorique qui fait d’une chose une œuvre d’art.

Dans Le monde de l’art, Arthur Danto explique que c’est le contexte qui fait l’œuvre d’art en prenant pour exemple l’exposition de boîtes de Brillo faite par Andy Warhol, un 3 artiste pop.

« Mais si elle l’est pourquoi les boîtes de Brillo habituelles qui sont dans l’entrepôt ne le sont-elles pas ? C’est qu’un entrepôt n’est pas une galerie d’art.

» Tout résiderait finalement non pas dans « qu’est qui est de l’art », mais « quand y a-t-il de l’art ? », tout peut donc, si l’artiste en décide, devenir de l’art. 3.

La notion d’œuvre d’art évolue La définition de l’art n’est d’ailleurs pas fixée une fois pour toutes : elle évolue au cours de l’histoire.

Le concept même de l’art est d’invention récente, lié pour André Malraux à la diminution des valeurs religieuses dans la société.

Notre regard moderne nous fait « voir » des œuvres là où on « voyait » des objets sacrés.

Pour cela, Malraux explique qu’il y a deux façons de considérer une statue de la Vierge : comme une statue, c’està-dire comme une œuvre d’art (représentant de manière contingente la Vierge (est contingent ce qui aurait pu être autrement)) ou comme une Vierge (représentée d’une manière contingente comme une statue). Quand la religion chrétienne était dominante, on se prosternait ou on priait devant une statue de la Vierge.

Aujourd’hui en revanche, on lui jette des regards curieux en admirant sa beauté, sa fabrication, etc., dans l’indifférence à sa signification.

Seule compte désormais la valeur esthétique, et plus du tout la valeur religieuse ou rituelle.

« Le Moyen Âge ne concevait pas plus l’idée que nous exprimons par le mot art, que la Grèce ou l’Égypte, qui n’avaient pas de mot pour l’exprimer.

Pour que cette idée pût naître, il fallut que les œuvres fussent séparées de leur fonction.

»     A quoi sert l’art ? Peut-on reprocher à l’art d’être inutile ? L’art représente-t-il la réalité ? L’art nous rend-il meilleurs ? Plutôt que de s’efforcer de définir l’art en lui-même, dans son essence, pourquoi ne pas essayer de le définir par sa fonction ? La pratique de l’art est universelle, tant d’un point de vue historique, des peintures rupestres les plus primitives à l’art contemporain, que d’un point de vue 4 géographique.

C’est sans doute que l’art répond à un besoin et qu’il a une certaine utilité : mais laquelle ? 1.

L’art est-il inutile ? L’activité de l’artiste serait-elle vaine par rapport à celle du producteur technique.

Ne manifeste-t-elle que du goût pour des fictions ? Pour les partisans de « l’art pour l’art », toute fonction attribuée à l’art le trahit.

L’art ne devrait être asservi à aucune fonction utilitaire, qui lui est nécessairement étrangère, car celle-ci le dénature et l’asservit à un besoin.

Théophile Gautier s’attache ainsi à cette idée en déclarant que « Tout ce qui est utile est laid », or l’art ne l’est pas pour lui.

Pourtant, si « Tout ce qui est utile est laid », un certain plaisir esthétique ne doit-il pas lui être quand même assigné au sens où, comme l’écrit le peintre Nicolas Poussin, « le but suprême de l’art est la délectation.

» ? La grandeur de l’art viendrait d’un pur plaisir de contempler qui lui-même répondrait à la souveraine liberté de l’artiste.

Mais Platon condamnait l’art, car pour lui c’était une imitation.

« […] si seulement tu consens à prendre un miroir et à le retourner de tous côtés.

Très vite, tu produiras le soleil et les astres du ciel, et aussi rapidement la terre, rapidement toujours toi-même et les autres animaux, et les meubles et les plantes, et tout ce dont on parlait à l’instant.

» Cependant, peut-on réellement reprocher à l’art de n’être que simple imitation superfétatoire de la nature ? 2.

L’art n’est pas simple imitation de la nature, de la réalité Aristote, élève de Platon, juge l’imitation bonne, elle permet à l’homme d’apprendre des choses, et de voir ce qu’on n’a jamais vu.

« Si l’on aime à voir des images, c’est qu’en les regardant, on apprend à connaître et on conclut ce qu’est chaque chose comme lorsqu’on dit : celui-là, c’est lui.

» Mais finalement, l’art n’est pas seulement une imitation, mais il est une sélection : la réalité est tellement complexe qu’on ne peut la représenter dans sa totalité.

C’est pour cette raison que les artistes procèdent à une sélection.

Il sélectionne une des facettes de la réalité, mais de sortes à ce qu’elle nous paraisse représenter toute la réalité.

Pour cela, les artistes recourent à des ruses techniques leur permettant d’induire celui qui contemple l’œuvre artistique en erreur mais avec sa connivence (accord tacite).

Ainsi, si la toile du peintre n’a pas de profondeur, ce dernier use du subterfuge technique de la perspective faisant croire en la 5 représentation de la profondeur.

De même pour le sculpteur, qui est contraint quelque fois de bâtir un échafaudage à l’intérieur d’une statuette et ce pour la résistance à la pesanteur.

Tous les arts procèdent à la ruse technique, y compris l’art du roman, ou de la poésie, qui utilisent la métaphore, les figures de style ou les digressions pour exprimer ce que ne peut exprimer le langage courant.

C’est pour cette raison que Roland Barthes avance que : « Pour signifier, il faut majorer ».

Il entend par là que l’art, en voulant transmettre des idées, un contenu doit utiliser des images forçant le trait, voire des images excessives : jamais par exemple un personnage n’a ressemblé à Harpagon de Molière, s’accrochant à sa cassette ; mais l’auteur a voulu avec préméditation donner une idée du radinage par l’image excessive de son personnage. 3.

Pourquoi imiter la nature ? Au premier abord, cela apparaît comme une vaine tâche pour qui procure peut-être satisfaction à l’imitateur habile mais qui ne propose aucune valeur ajoutée.

La fabrication d’un clou serait plus intéressante que l’imitation d’un objet : le clou est le produit d’une réflexion, d’une trouvaille spirituelle tandis que l’imitation n’est que dextérité (adresse manuelle, délicatesse).

Quelle est la valeur donc de la peinture qui représente un spectacle apparemment ordinaire ? Hegel, qui voue une grande admiration à l’art des peintres hollandais du XVIIème siècle, nous explique que l’art transfigure et rend visible la spiritualité des gestes qui auraient pu sembler les plus insignifiants.

Il nous dit à cet effet : « Sans doute cette réalité essentielle apparaît aussi dans le monde ordinaire – intérieur et extérieur- mais confondue avec le chaos des circonstances passagères, déformée par les sensations immédiates […] ».

Plus loin, dans Esthétique, il poursuit : « L’art imprime une valeur à des objets insignifiants en soi et que, malgré leur insignifiance, il fixe pour lui en en faisant son but et en attirant notre attention sur des choses qui, sans lui, nous échappent complètement.

[…] Il rend durable ce qui, à l’état naturel, n’est que fugitif et passager […].

» Avançons également avec Oscar Wilde que « ce n’est pas l’art qui imite la nature mais c’est la nature qui imite l’art ».

Il entend par là que des yeux familiarisés, éduqués par la peinture, vont juger des panoramas naturels comme s’ils étaient ressemblant à des œuvres artistiques.

Tel champ fleuri ressemblant au tableau de Van Gogh, tel garçon volage appelé Don Juan, tel radin désigné par le sobriquet 6 d’Harpagon.

En fait, l’art a une relation complexe avec la nature à telle enseigne qu’on peut dire qu’il est un « rival de la nature ». 4.

L’art a de multiples fonctions De plus, l’art semble avoir de multiples autres fonctions. Expressive : extérioriser un sentiment, un événement. Cognitive : nous faire comprendre quelque chose. Religieuse : célébrer la vie spirituelle. Affective : être l’expression de nos sentiments et de notre sensibilité. Economique : s’échanger sur un marché. Morale : en fréquentant des œuvres, le spectateur se cultive, reconnaît ses propres sentiments, acquiert de nouvelles idées, élève son âme, devient meilleur.

Aristote appelle d’ailleurs catharsis la purgation qui se produit au théâtre quand il permet au spectateur de vivre par procuration certaines passions enfouies en lui, ce qui le dispense de les vivre effectivement.

« La tragédie est l’imitation d’une action de caractère élevé […], imitation qui est faite par des personnages en action et non au moyen d’un récit, et qui, suscitant pitié et crainte, opère la purgation propre à pareille émotion.

» Psychologique : nous divertir et nous détendre. Thérapeutique : L’art-thérapie est une pratique de soin qui permet à une personne, souffrant par exemple de difficultés psychologiques, d’exprimer sa créativité artistique, de libérer sa personnalité et d’améliorer l’image qu’elle a d’elle-même. Subversive : éveiller les consciences et dénoncer les injustices.

L’art peut être le support majeur de formes d’engagements politiques et idéologiques. Toutes ces fonctions confirment l’intérêt de rendre l’art accessible à tous au lieu de le réserver à une élite.  Tout le monde est-il artiste ? 7  L’artiste est-il un être hors du commun ? Démocratiser l’art suppose que tout le monde soit capable de l’apprécier, voire de créer.

Serions-nous des artistes, au moins en puissance (nous serions tous susceptibles de devenir des artistes si nous décidions de consacrer notre énergie à cela) ? Les artistes nous émerveillent, qu’ontils de plus que nous ? 1.

La question du génie A partir de la Renaissance, les artistes se sont mis à revendiquer la supériorité de leur créativité propre, de leur talent singulier, de leur don unique qui est la version moderne de l’inspiration divine.

En effet, pour Platon, le poète n’est somptueux que grâce à une force supérieure, une inspiration divine, sans laquelle il n’est plus rien.

Simple messager, il n’a en lui-même aucun « art », comme si la création s’accomplissait en lui mais sans lui.

« Car ce n’est pas grâce à un art que les poètes profèrent leurs poèmes, mais grâce à une puissance divine.

En effet, si c’était grâce à un art qu’ils savaient parler dans un certain style, ils sauraient bien parler dans tous les autres styles aussi.

» La thèse de Kant va dans le sens du don dont bénéficie l’artiste : il bénéficie du « génie » qui est un talent consistant à produire ce pourquoi aucune règle déterminée ne peut indiquer.

Le génie est donc un don naturel, inné, la nature dans l’artiste qui lui permet de créer des œuvres en leur communiquant des règles artistiques qu’ils ignorent.

Mais les règles communiquées à la création restent prisonnières de l’œuvre artistique et non apte à être dégagée de cette œuvre.

Kant énonce trois conditions distinctives du génie. L’originalité, ou l’authenticité : l’œuvre artistique géniale ne doit pas avoir de précédent et ne doit donc pas être une imitation.

L’exemplarité : Le génie doit donc être un modèle pour les autres artistes, exemplaire pour constituer derrière lui tout un courant artistique (comme le cubisme après Picasso).

L’inenseignabilité : Le génie est incapable de transmettre à autrui les règles en fonction desquelles il a créé ses œuvres car il les ignore.

[On peut facilement comprendre et refaire tout le raisonnement fait par Newton dans sa fameuse théorie mais personne ne peut créer une poésie analogue à celle de Prévert].

Cependant n’explique-t-on pas un mystère (la création artistique) par un autre mystère (le génie) ? Faut-il croire à un phénomène magique et surnaturel, aussi mystérieux qu’inexplicable ? 8 2.

Il n’y a aucun miracle artistique L’artiste est-il un génie hors du commun ? Nietzsche se méfie de ce préjugé qui consiste à faire de chaque artiste un génie, même si chacun trouve son intérêt à le croire.

Pour Nietzsche, le génie n’est que le produit d’une croyance qui ne rend pas justice à toutes les hésitations et tout le travail qu’ont dû fournir les artistes.

Dans Humain, trop humain, il nous livre l’origine de la question du génie.

Pour Nietzsche, le travail de.... »

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