L’art, le beau, le goût, à partir de « La Règle du goût » de David Hume
Publié le 23/04/2023
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L’art, le beau, le goût, à partir de « La Règle du goût » de David Hume.
R.
Rebouillat
L’art, le beau, le goût.
Lecture suivie de « La Règle du goût » de David Hume, parue en 1757.
Notions centrales : l’art, la culture, l’interprétation, la morale.
Notions périphériques : l’histoire, la vérité, la démonstration.
Pour ce cours, il est important que vous ayez à disposition quelques exemples d’œuvres
d’art.
Je vous invite donc à faire un effort de remémoration : souvenez vous des expositions
où vous avez pu vous rendre, des pièces musicales ou théâtrales auxquelles vous avez pu
assister, les ouvrages, poèmes, roman que vous avez pu lire.
On retient plus aisément ce
qui nous plaît.
Précision : en règle générale, aucune œuvre d’art n’est exclue de la réflexion philosophique.
En revanche, vous devez respecter deux contraintes.
1.
Votre lecteur n’est pas omniscient,
certaines œuvres que vous connaissez lui sont étrangères : prenez le temps de les décrire
et de les introduire.
2.
Certaines œuvres sont plus facilement analysables, souvent parce
qu’elles sont plus riches ou plus classiques.
Je vous invite à privilégié ces œuvres-là.
On
préférera une bonne analyse ou un usage intéressant du Kid de Chaplin à une évocation
plate du dernier album de JuL.
Introduction générale :
Avant d’entrer précisément dans l’œuvre à lire, il est bon de partir de quelques
éléments de réflexion pour nous orienter dans le domaine assez glissant et complexe de la
philosophie de l’art.
En particulier, il est essentiel d’avoir à disposition quelques définitions opératoires des
notions centrales que nous allons aborder dans ce cours.
C’est particulièrement décisif pour
la notion d’œuvre d’art, sur laquelle nous insisterons dans ce premier moment introductif.
Partons donc de quelques exemples pour essayer de construire une définition, même
provisoire, de l’œuvre d’art.
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L’art, le beau, le goût, à partir de « La Règle du goût » de David Hume.
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Rebouillat
Commençons par mentionner des œuvres dont le statut d’œuvre d’art ne pose
absolument aucun problème, autrement dit, représentons certains exemples d’œuvres d’art
qui sont pour nous des modèles (dans le jargon philosophique, on dira qu’elles sont
paradigmatiques – paradeigma (gr.) = modèle).
L’évidence s’impose : partons des exemples suivants.
Vous penserez probablement à La
Joconde de Léonard de Vinci, à Guernica de Pablo Picasso (ces deux exemples sont archicités, si vous pouviez varier dans vos dissertations et commentaires, les correcteurs vous en
seront reconnaissants), les pyramides de Gizeh, la neuvième symphonie de Beethoven, le
Tartuffe de Molière, etc.
Bref, dans des domaines artistiques distincts, on reconnaît que
certaines œuvres ne posent absolument pas question : ce sont des œuvres d’art de plein
droit.
Soit.
Mais qu’ont-elles de commun ? Qu’est ce qui nous permet de les réunir sous une
même catégorie ?
Efforcez-vous de trouver une ou plusieurs définitions possibles…
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L’art, le beau, le goût, à partir de « La Règle du goût » de David Hume.
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Rebouillat
On peut partir de l’idée simple suivante :
Une œuvre d’art est un objet fait par l’homme.
C’est un début, mais ce n’est pas suffisant, on ne dira pas de la fourchette de la cuisine ni du
sabot de votre grand-père qu’ils sont des œuvres d’art au sens où nous entendons le mot art.
Second problème, certaines œuvres que nous avons citées ne sont pas des objets : pensez
à la symphonie de Beethoven.
Elle peut être enregistrée, couchée sur le papier, jouée en
direct.
Il est bien étrange de dire qu’elle est un objet dans le même sens que la Vénus de
Milo est un objet.
Attention aux distinctions : art vient du latin ars qui signifie technique.
En ce sens on peut
appeler art aussi bien ce qui appartient aux arts de la parole ou à l’art de la médecine que
ce qui relève du domaine de ce que nous entendons par le mot art, à savoir, les peintures,
les sculptures, la musique, l’architecture, la littérature (la liste n’est pas exhaustive).
Raffinons :
Une œuvre d’art est quelque chose qui est produit par l’homme et dont la fonction n’est pas
utilitaire.
On arrive ici à une meilleure définition.
Regardons si elle fonctionne.
En effet, l’usage normal
que nous pouvons faire des œuvres d’art n’est pas utilitaire : si votre grand-oncle utilise le
Rembrandt ou le Picasso de la famille comme d’une planche à repasser, il n’en fait pas un
usage normal, il ne considère par cet objet comme une œuvre d’art.
Mais un telle définition
est-elle suffisante ? N’est-elle pas trop large pour isoler précisément ce que sont les œuvres
d’art ?
Encore une fois, non.
Le dessin de votre petite sœur, ou les gribouillages que vous
pouvez faire dans les marges de vos cours répondent bien à cette définition mais ne sont,
hélas, pas des œuvres d’art.
Il faut donc aller plus loin.
Et pour cela, nous pouvons encore ajouter deux traits.
Tout d’abord, on dira que ce quelque chose qui est produit a un contenu riche.
Le
gribouillage de votre frère ou de votre sœur ou de qui que ce soit, n’est pas riche en.
Il ne
peut servir de support à une interprétation, à une lecture qui en révèle les significations.
C’est
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L’art, le beau, le goût, à partir de « La Règle du goût » de David Hume.
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la différence que l’on peut établir entre un objet ordinaire et une œuvre d’art, cette dernière
est susceptible d’interprétations variées, justes et approfondies, tandis que la fourchette ou
le sabot du voisin ne le peuvent pas ou, du moins, pas dans la même mesure.
Définition opératoire de l’interprétation : interpréter consiste à donner un sens univoque à
un ensemble d’éléments épars et équivoques.
Univoque = qui va dans une seule direction.
Équivoque = qui laisse entendre plusieurs significations possibles, ambigu.
Épars = dispersés
Reprenons l’ensemble :
Une œuvre d’art est quelque chose qui est produit par l’homme à des fins nonutilitaires et dont le contenu, la signification est riche et se prête à l’interprétation.
Voilà qui est bien mieux et qui semble bien satisfaire nos exigences.
Tout irait bien, si un
élément ni venait rendre la situation plus complexe.
Partons d’une histoire, celle qui arriva à l’artiste franco-roumain Constantin Brancusi en 1927
alors qu’il posa le pied, avec une œuvre, sur le sol américain.
Je vous renvoie à la vidéo YouTube et au lien suivant pour en savoir davantage sur ce point :
http://www.regardaupluriel.com/brancusi-etats-unis/
Il manque un élément décisif à notre définition, un élément qui rend compte des
difficultés à saisir la définition de l’œuvre d’art, en particulier lorsqu’il s’agit d’art
contemporain.
On a fait comme si la définition de l’œuvre d’art pouvait s’énoncer de manière
purement descriptive.
Or, le procès Brancusi vs.
États-Unis, ainsi que les œuvres de Marcel
Duchamp, nous montrent que nous ne pouvons pas....
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