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l'art est-il une affaire publique ?

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« [En l'art s'incarnent les mouvements les plus profonds de la vie de l'esprit.

Toute grande oeuvre s'adresse à un public capable d'en comprendre la richesse.

Elle n'intéresse donc que le plus petit nombre.] Même en supposant une démocratisation véritable de la culture, l'art adresse un certain nombre d'exigences à son public. • La culture de la sensibilité La sensibilité esthétique, c'est-à-dire la capacité à apprécier et à comprendre la beauté de l'art, suppose d'abord qu'on la cultive, qu'on la développe, qu'on la nourrisse.

Une sensibilité qui n'est pas stimulée par la fréquentation effective de l'art s'atrophie.

Ceux à qui l'art s'adresse doivent se donner les moyens de l'apprécier. • Les références culturelles Il en va de même pour les références culturelles : l'art, souvent, s'adresse en priorité à un public muni de certains repères culturels; les autres ne pourront spontanément apprécier cet art dans toute sa richesse et devront fournir un effort supplémentaire.

C'est par exemple le cas pour un Européen découvrant le théâtre nô. • Un art aristocratique? Enfin, certains artistes sont volontairement exigeants et revendiquent un public très élitiste.

On peut penser ici aux poètes « parnassiens » du XIXe siècle (autour de Leconte de Lisle) ou à la poésie de Mallarmé, qui se veut « hermétique », c'est-à-dire accessible seulement au prix d'un itinéraire initiatique quasi religieux.

L'art revendique alors hautement sa différence par rapport aux objets de consommation. L'homme du commun ignore les hautes valeurs spirituelles La plus haute destination de l'art, écrit Hegel, est celle qui lui est commune avec la religion et la philosophie. Comme celles-ci, il est un mode d'expression du divin» (Esthétique).

Si telle est bien l'essence de l'art, seuls les esprits les plus fins peuvent en saisir le sens. Il ne peut pas exister d'art populaire Malgré les déclarations d'intention d'artistes tels que Dubuffet, lequel proclame qu'une «chanson que braille une fille en brossant l'escalier [le] bouleverse plus qu'une savante cantate» (L'Homme du commun à l'ouvrage), force est de constater que le grand public ignore jusqu'au nom même de ces créateurs dont le voeu est de rendre l'art accessible à tous. Les classes populaires sont moins sensibles à l'art Dans L'Amour de l'art, Pierre Bourdieu montre que les étudiants issus des classes populaires sont nettement moins sensibles que les autres à la peinture moderne, à celle d'artistes moins connus que Renoir, Van Gogh, Cézanne.

D'où la difficulté de «briser le cercle qui fait que le capital culturel va au capital culturel» [L'art est l'expression de l'esprit d'une époque. Tout homme, parce qu'il est doué de sensibilité, peut avoir accès à la création, laquelle ne doit pas refuser les moyens les plus modernes de diffusion.] Le peintre vit avec son temps Pour Vasarely, est fini ce temps de «la pièce unique à usage exclusif».

Jadis, la conservation d'une oeuvre résidait «dans l'excellence des matériaux, la perfection de leur technique» [Notes brutes).

Au siècle de l'électronique, il faut concevoir une peinture pouvant utiliser la machine, les moyens de reproduction moderne. »

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