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L'art est-il le règne de l'apparence ?

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« Approche: L'apparence est ce qui apparaît, et souvent disparaît...

Elle s'oppose donc à ce qui reste et demeure : l' « être ». L'apparence est souvent assimilée à la surface des choses, voire à l'illusion.

Ne dit-on pas que les apparences sont trompeuses ? Et pourtant l'apparence est ce que nous percevons des choses, notre premier contact avec le monde : et si cette première impression était la bonne ? Même si la science tente de percer les apparences ou d'aller audelà, pour connaître l'essence ou la réalité cachée, les apparences sont indispensables à notre vie quotidienne, et elles sont surtout l'objet de nos plaisirs : théâtre, prestidigitateur, cinéma, peinture, mode vestimentaire, etc.

Nous avons un besoin pratique et un plaisir des apparences, même si la morale et la science nous mettent en garde. L'apparence s'oppose à la réalité ; elle semble favoriser le rêve, l'illusion, la liberté de l'imagination.

Pourtant le réel est fait d'apparences : il faut donc se demander s'il faut se méfier des apparences trompeuses, ou si, au contraire, l'innocence des apparences nous donne un rapport plus authentique au monde ; si l'apparence nous cache la réalité, ou si elle nous la révèle.

Mais alors, c'est le rapport entre l'art et la science qui est en jeu : faut-il les opposer ? L'art apporte-t-il une connaissance du réel supérieure à la science ? L'apparence renvoie d'un côté à ce qui est trompeur ou déception ; mais elle renvoie aussi à la réalité sensible, la réalité qui apparaît aux sens.

Autrement dit, dire que l'art est le règne de l'apparence, ce n'est pas nécessairement dire que l'art est trompeur : d'ailleurs l'art a-t-il jamais trompé qui que ce soit ? Traditionnellement, l'art se donne la plupart du temps pour ce qu'il est ; un tableau qui représente une personne, aussi parfait et réaliste soit-il, a toujours un cadre, un titre, il est signé : il se montre comme oeuvre d'art, il n'essaye pas de se faire passer pour la chose même.

La définition philosophique de l'apparence renvoie souvent à une essence ou à une réalité dont elle ne serait que le négatif ou la version dégradée.

Mais dans ce cas, si l'apparence est dévalorisée, l'art n'est pas vraiment trompeur ; mais simplement il n'est pas quelque chose de digne.

Pour la critique classique de l'art comme règne de l'apparence, il est conseillé de se référer aux textes de Platon, Philèbe 64-65, et La République, X, 598a600.

Pour Platon, l'art n'est pas seulement apparence ; il est une copie au deuxième degré (les choses étant ellesmêmes des copies au premier degré des idées ; l'art copie les choses et ne copie pas les idées même.

Il est une copie d'apparence, une apparence d'apparence).

Mais la critique de Platon n'est plus tellement d'actualité.

D'abord, parce que l'art s'est émancipé de la représentation : la peinture avec le cubisme par exemple ne se contente plus de représenter la réalité telle qu'elle apparaît.

La poésie même ne consiste plus en un récit qui "imiterait" une action (voir à l'opposé la conception d'Aristote).

Ensuite, parce que, en même temps qu'il s'émancipait de la représentation, l'art devenait moins "sensible" et plus intelligible : par exemple le pop art est un art conceptuel au sens où ce qui prime c'est l'idée de l'artiste, et non plus sa réalisation sensible.

Le sujet mentionne le "règne de l'apparence", presque comme s'il s'agissait d'un monde à part qui aurait ses propres règles, règles qui seraient tout à fait différentes de celle du monde réel ou intelligible.

On peut penser aux exemples du surréalisme.

Ce qui fait le problème de ce sujet, c'est qu'habituellement l'apparence se définit en opposition avec une réalité dont elle n'est que l'apparence, le travestissement ; or ici (et surtout si on prend en compte le fait que l'art s'est progressivement émancipé de la représentation), en définissant l'art comme règne de l'apparence, l'apparence ne semble plus renvoyer à aucune réalité hors d'elle-même ; alors s'agit-il encore bien d'apparence ? Autre référence utile : Nietzsche, La naissance de la tragédie, qui oppose, dans l'art, un principe des apparences (Apollon) et un autre principe (Dionysos). APOLLON ET DIONYSOS A.

Le rêve et l'ivresse Pour bien caractériser l'opposition entre les deux états d'esprit, Nietzsche leur donne des noms de dieux : Apollon représente les arts plastiques (peinture, sculpture et architecture) et Dionysos représente les autres arts (poésie et, surtout, musique).

On peut les décrire par deux états de perte de la conscience, à savoir le rêve pour Apollon et l'ivresse pour Dionysos.

Dans l'illusion du rêve, la réalité du rêve est convaincante mais laisse cependant l'impression de n'être qu'une apparence.

Comme le philosophe se plaît à voir dans la réalité sensible une apparence qui cache une autre réalité, l'artiste apollinien voit dans la réalité du rêve également une apparence. À l'opposé du rêve, l'ivresse brise le principe d'individuation — à savoir ce qui fait que le sujet se perçoit comme un être unique, identique à soi — et fait perdre au sujet la maîtrise de soi ; celui-ci renoue alors avec la nature et ses impulsions originaires.

« L' homme n' est plus artiste, il est devenu oeuvre d'art » (chap.

1, p.

30). L'artiste apollinien imite le rêve, l'artiste dionysiaque imite l'ivresse, la tragédie imite les deux à la fois.

L'ivresse des Grecs n'avait rien à voir avec les orgies barbares : ils se protégeaient du débordement (hubris) par la mesure apollinienne.

Les fêtes de Dionysos étaient des phénomènes d'art.

Mais ce fut un choc pour les Grecs de découvrir la division de l'être entre la nature et l'esprit, dans l'expérience de la musique dionysiaque (chap.

2). B.

L'apollinisme L'antique légende du roi Midas rapporte que le bien suprême pour l'homme serait de ne pas être né et que le second des biens, c'est de mourir bientôt.

« Le Grec connaissait et ressentait les terreurs et les atrocités de l'existence : et pour qu'en somme la vie lui fût possible, il fallait qu'il interposât, entre elles et lui, ces enfants éblouissants du rêve que sont les Olympiens » (p.

36).

L'horreur de l'existence est voilée par la médiation artistique.

Homère, « l'artiste naïf », en créant des héros et des dieux pleins de vie, a permis aux Grecs de se voir non pas souffrants, mais beaux et volontaires (chap.

3). L'illusion apollinienne est un mirage sublime.

Apollon donne la beauté aux formes, donne le sens aux rêves, confère à l'individu le sentiment de son unité.

La musique dionysiaque vient renverser ces valeurs en révélant la démesure de la nature (chap.

4).. »

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