l'art est-il désintéressé ?
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«
Introduction :
Bien définir les termes du sujet :
- « l'art » : C e terme peut avoir plusieurs sens, et peut caractériser ainsi autant une œuvre des Beaux-arts que le résultat d'une technique, d'un savoir faire.
Mais ici, le terme semble se rapporter plus au domaine de l'esthétique.
O r, il n'est pas possible, dans ce cadre, de définir de manière stricte et l'art, puisque
les critères et normes qui font que tel objet ou tel acte sont de l'art sont assez flous et changeants.
A insi, ce qu'à une certaine époque on pourrait ne pas
considérer comme étant de l'art, va en être pour une autre époque.
Dans le cadre de notre sujet, nous définirons donc l'art de manière approximative et très
générale : c'est l'ensemble des principaux arts plastiques et musicaux, qui a pour fonction en général, de créer le Beau.
- « désintéressé » : le désintéressement est une manière de se rapporter aux choses – ici l'art - dans l'absence de toute considération d'avantage
personnel.
C 'est envisager l'art non pas sous l'aspect de l'utile, mais de façon complètement libre de tout intérêt.
C onstruction de la problématique :
Le sujet semble poser indirectement la question de la définition de l'art.
La question posée ici est de savoir non pas si mon rapport à l'art doit être
désintéressé, mais si l'art lui-même doit être désintéressé.
Il s'agit de savoir si on peut caractériser l'art comme désintéressé, ou si cette manière de le
déterminer est complètement erronée.
Un art désintéressé, serait un art qui ne viserait rien, qui n'aurait pas de but particulier, autrement dit, une sorte
« d'art pour l'art »[1] , qui ne vaudrait que pour lui-même, et non pas par rapport à autre chose.
è Se pose donc la question de savoir si l'art peut exister de manière complètement libre, totalement dégagé de tout intérêt de toute fonction.
A utrement dit, en quoi consisterait cet art, est-ce qu'il existe, et est-ce que c'est bien de cette manière qu'il faut définir l'art ?
Plan :
I/ L'art peut être non pas désintéressé, mais utile :
● Dans la tradition de la Renaissance, il était courant de chercher à apprendre, à instruire, en amusant, et souvent l'art était le moyen utilisé.
A utrement dit, on trouve nombre de romans, de tragédies, de tableaux, porteurs d'une morale ou véhiculant une idée politique, cherchant tout simplement à
dévoiler le V rai, ou ayant une utilité plus pratique.
● D'un point de vue historique, il n'est pas possible de définir comme étant de l'art ce q ui est complètement désintéressé, puisque pendant longtemps,
l'art était au contraire très utile.
En effet, les œuvres étaient en général des commandes, et les artistes étaient considérés comme des artisans, qui avaient
des fonctions précises.
Il s'agissait ainsi de faire des portraits, de noter des hauts faits, à la gloire des dirigeants, de faire passer des messages religieux,
ou de donner des exemples moraux.
A insi, l'art ne peut pas uniquement se définir par son désintéressement.
● Pour Platon par exemple, le Beau est le vrai, e t s'il doit y avoir un art, ce sera un art au service du vrai.
C 'est que qu'explique
Platon dans La République, lorsqu'il chasse les poètes e t l e s peintres de la cité.
Si Platon les exclut, c ' e s t p a r c e qu'ils se
cantonnent à la représentation stricte de la nature, et que cette manière de procéder égare les esprits.
En effet, les représentations
de la réalité sont à proscrire parce qu'elles nous enferment dans un monde d'illusions.
Par contre, les arts comme la musique ne
représentent rien, et ne sont donc pas dangereux.
Mais surtout, pour Platon, le beau est équivalent au vrai, et de ce fait, l'art est
non plus libre et désintéressé, puisque sont but est de dire le vrai.
II/ L'art est libre et désintéressé parce que notre contemplation est libre :
● Pour que l'art soit désintéressé, c'est-à-dire libre, il faut que nous ne cherchions pas un intérêt particulier dans sa
contemplation.
A utrement dit, le plaisir esthétique doit être pur pour que l'œuvre elle-même apparaisse désintéressée, libre de
toute contrainte.
● C 'est ce qu'explique dans la C ritique de la fac ulté de jug er.
Selon lui, le jugement de g oût ne doit pas se réduire à notre
sensibilité, lorsqu'il porte sur le beau il doit être pur.
C elui qui juge un objet comme beau et qui a conscience que sa satisfaction est indépendante de tout intérêt sensible et privé,
suppose que cela plaît à tous, et que l'objet contient un principe de satisfaction pour tous.
C et objet, cet art est désintéressé, car il
ne fait pas appel à notre sensibilité et à notre intérêt.
● Si le rapport à l'œuvre d oit être désintéressé pour que celle-ci le soit, il n'en faut p as moins que l'oeuvre elle-mê me soit d ésintéres sée.
A insi, une
oeuvre d'art ne peut pas avoir de finalité, elle ne peut pas avoir été produite en vue de quelque chose d'autre que d'ellemême (comme la célébrité, le beau…), sinon elle est liée à un intérêt.
Le beau doit apparaître comme une « finalité sans
fin », il est une finalité en tant qu'il dérive de la volonté (nous avons besoin pour expliquer la possibilité de la forme,
d'invoquer la volonté), mais cette finalité est sans but, la volonté ne cherchait pas à atteindre une fin précise.
P our que
l'on puisse parler de beau, de désintéressement et de liberté de l'art, il faut que seule la forme de l'œuvre nous donne
satisfaction, et non pas ce en vue de quoi l'objet aurait été fait (il ne serait dans ce cas plus beau et libre, mais utile ou
agréable.) P réfigurant l'abstraction, Kant explique que l'œuvre et l'art désintéressés par excellence, seraient ceux qui ne
représenteraient rien de concret ou de précis, rien qui ne renvoie directement au réel.
« Des dessins libres et des
entrelacs tracés sans intention précise comme les rinceaux, toutes ces choses ne signifient rien, ne dépendent d'aucun
concept déterminé, et pourtant elles plaisent.
» C FJ, I, §4
III/ L'art et la vie :
● Reste à savoir maintenant comment on décide de définir l'art.
Doit-il être pour être réellement art
désintéressé ? Doit-il au contraire véhiculer certaines valeurs et se faire le témoin d'une époque ou d'une manière de
concevoir le monde ? Nous nous retrouvons à nouveau devant la difficulté de définir l'art.
● Peut-être, serait -il possible de dire que l'art, n'a cessé – au cours de son év olution – à chercher sa propre
définition.
A utrement dit, il aurait tenté au départ de se déterminer selon ses fonctions, et c'est la raison pour laquelle on
trouve un art qui n'est pas désintéressé, mais qui cherche plutôt à rendre des portraits, des événements historiques,…
Puis, cherchant toujours à se rapprocher au plus près de la définition de l'art, les artistes ont tenté d'éliminer tout ce qui
n'était pas nécessaire à l'art.
A insi, l'art a donc tenté d'exister pour lui-même, de manière désintéressée, sans rapport à
l'extérieur, ni aucune fonction.
● Mais il est possib le de repousser les limites à l'infini, et il semble que l'art ne se laisse pas aussi facilement cerner.
Lorsqu'il est désintéressé, l'art est
une certaine manière de se saisir lui-même.
Une certaine manière de se définir, mais cette définition eut sans cesse être remise en cause.
C 'est ce qu'ont
fait les artistes contemporains, pour lesquels une complète extériorité de l'art par rapport à la vie ne se justifiait pas.
A insi, des artistes comme Robert
Filliou, A rman, Beuys, ont choisi de créer des œuvres qui se relient directement avec la vie.
● Un art désintéressé est donc une ce rtaine manière qu'a l'art de se saisir, et si cela peut tenter de le définir, cette d éfinition n'est ni exhaustive, ni
inconditionnelle.
[1] Citation de Leconte de Lisle, poète Réunionnais..
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