L'art est-il apparence ou illusion ?
Extrait du document
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Analyse du sujet :
-L'apparence d'une chose, c'est ce qui s'oppose à son essence.
L'apparence, c'est la forme que prend la chose pour
apparaître, se donner à voir ou à ressentir par les sens de l'observateur.
L'essence d'une chose est ce qui la fonde
dans son être, dans son identité ; l'apparence est, par opposition, l'image par laquelle l'essence d'une chose se
donne à voir.
En ce sens, l'apparence nous éloigne de la vérité des choses et des essences, en nous éloignant de leur réalité
(réalité vient de « res, rei » qui, en latin, signifie « la chose », l'essence).
-L'art, c'est, dans son sens étymologique, la technique par laquelle l'artisan façonne des objets ou l'artiste donne à
voir sa vision de la réalité.
L'art est donc à la fois un « savoir-faire », celui de façonner selon une technique ; et ce
que l'on appelait autrefois les « beaux-arts », c'est-à-dire, la technique visant non pas à construire mais à donner à
voir ce qui, dans le monde réel, est beau.
-Une illusion est une entité : chose ou phénomène, qui se donne comme réelle et véritable, mais qui n'a de réalité
que son apparence.
L'illusion est le résultat d'un jugement humain erroné sur l'existence d'une chose perçue.
Or, les
sens peuvent induire en erreur, et par mes sens je ne perçois que des apparences, pas des réalités.
Pour que
l'apparence devienne réalité, il faut avoir écarté la possibilité que l'apparence soit une illusion, fruit de l'erreur de
jugement de mes sens.
Problématique :
L'art, dans le sens de « beaux-arts », nous donne à percevoir par la sensibilité un certain nombre de phénomènes,
visuels ou auditifs pour la plupart.
Ces phénomènes sont la production d'un artiste, qui donne à voir ou à entendre la
façon dont lui-même perçoit le monde, avec sa subjectivité propre.
Dès lors, l'art passe par le filtre de deux subjectivités ; ces subjectivités ne sont pas rationnelles, mais bien au
contraire elles sont sensibles.
Dès lors, on pourrait reprocher à l'art de nous induire en erreur puisqu'il ne nous donne à voir qu'une réalité déformée
par le filtre de deux subjectivités sensibles ; l'art serait illusion de réalité.
Or, certes l'illusion peut découler de la
présence seulement apparente d'une chose ; mais l'apparence, propre à l'objet d'art, ne peut-elle nous mener vers
l'essence des choses ?
Esquisse de plan :
1.
En tant que technique des apparences, l'art verse dans le faux et nous induit en erreur :
Cet artisan je parle n'est pas seulement capable de faire toutes sortes de meubles, mais il produit encore tout ce
qui pousse de la terre [...], tout ce qu'il y a dans le ciel, et tout ce qu'il y a sous la terre, dans l'Hadès.
Voilà un
sophiste tout à fait merveilleux ! [...] Si tu veux prendre un miroir et le présenter de tous côtés tu feras vite le soleil
et les astres du ciel, la terre, toi-même, et tous les êtres vivants, et les meubles, et les plantes, et tout ce dont
nous parlions à l'instant.
Oui mais ce seront des apparences et non des réalités [...] Mais tu me diras, je pense que
ce que fait [le peintre, plus que tous les artisans] n'a point de réalité, n'est-ce pas ? et pourtant, d'une certaine
manière, le peintre lui aussi fait un lit.
Ou bien non ? Si, répondit-il, du moins un lit apparent.
Et le menuisier ? N'astu pas dit tout à l'heure qu'il ne faisait point la Forme (eidos), ou, d'après nous, ce qui est le lit, mais un lit
particulier ? Je l'ai dit en effet.
Or donc, s'il ne fait point ce qui est, il ne fait point l'objet réel, mais un objet qui
ressemble à ce dernier, sans en avoir la réalité [...] Maintenant, considère ce point : lequel de ces deux buts se
propose la peinture relativement à chaque objet : est-ce de représenter ce qui est tel qu'il est, ou ce qui paraît, tel
qu'il paraît ? Est-elle l'imitation de l'apparence ou de la réalité ? De l'apparence.
L'imitation est donc loin du vrai, et si
elle façonne tous les objets, c'est, semble-t-il, parce qu'elle ne touche qu'à une petite partie de chacun, laquelle
n'est d'ailleurs qu'un simulacre (eidôlon)...
Lorsque quelqu'un vient nous annoncer qu'il a trouvé un homme instruit de
tous les métiers, qui connaît tout ce que chacun connaît dans sa partie [...], il faut lui répondre qu'il est un naïf, et
qu'apparemment il a rencontré un charlatan et un imitateur.
PLATON
Dans La « République » (X 597b-598c - cf.
texte), Platon montre que le peintre est « l'auteur d'une production
éloignée de la nature de trois degrés ».
En effet, il y a trois degrés de réalité.
·
La première, celle qui est vraiment et pleinement, est la réalité intelligible ou Idée.
Pour Platon les
Idées ne sont pas des produits de notre intelligence, constitutives de cette dernière (rationalisme) ou formées au
contact de l'expérience (empirisme).
Elles existent indépendamment de notre pensée.
L'Etre est l'intelligible ou
monde des Idées.
Cette thèse rend compte et de la connaissance, la réalité est intelligible, objet d'une
connaissance, et de l'ordre du monde.
C'est parce que le monde est en lui-même intelligible que nous pouvons le
connaître.
·
La seconde, ensemble des êtres naturels ou artificiels, est seconde, sa réalité est moindre, dans la
mesure où elle est imitation de la première.
Les êtres naturels doivent leur existence à un Démiurge qui a façonné
la matière en contemplant le monde des Idées (« Timée » ).
De même le bon artisan fabrique son objet en se
réglant sur son Idée.
Ces êtres ont moins de réalité que les Idées puisqu'ils se contentent de les imiter.
· La troisième, la plus éloignée de la réalité telle qu'elle est en elle-même, est celle produite par le peintre puisqu'il
imite ce qui est déjà une imitation.
Elle est donc un presque rien, n'a pas plus de réalité que notre reflet dans le
miroir.
Elle est le reflet d'une apparence.
En fait, il n'y a rien à voir.
Au nom de la vérité Platon critique l'art.
Les fondements de cette critique sont: la définition de l'art comme
imitation, reproduction de la réalité sensible et à la définition de la réalité sensible comme apparence, apparence
trompeuse, apparence du vrai.
Non seulement l'artiste ne produit que des apparences et en accentue la puissance.
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