l'art donne-t-il tout les droits ?
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Ce sujet pose la question fort intéressante et problématique du statut de l'art par rapport à la société sous l'angle
de la loi.
1) Les lois sont universelles, et l'art est affaire humaine.
Le principe de la loi est incompatible avec une exception.
Ce qui fonde la loi, dans le contexte de l'Etat moderne,
c'est la volonté de chacun de déposer une partie de sa liberté, contre la certitude de ne pas subir celle d'autrui.
Pour que ce contrat soit valable, il faut qu'aucune exception à l'engagement universel de respecter la loi ne soit
tolérée.
Lorsqu'une loi convient de punir absolument toute injure à caractère raciste, le fait de permettre à
certains de le faire n'est pas un affaiblissement de la loi, mais la fin de sa valeur universelle, et donc la fin de sa
valeur de loi.
L'art étant une forme d'expression, une activité humaine, elle est soumise à la loi de la même façon.
Lorsque Sade, dans ses écrits, glorifiait le meurtre et le viol, blasphémait sans limite, il était criminel envers la
société et a été puni par la monarchie absolue comme par le pouvoir révolutionnaire.
2) L'art est une démarche individuelle et esthétique, elle n'a rien à faire avec les lois.
Proust, dans "Contre Sainte-Beuve", considère que l'on ne comprend rien à l'art si l'on ne sépare pas le moi créateur
du moi vivant dans le monde.
En effet, l'art vise un but très différent de l'individu social.
Alors que le savant ou le
philosophe a pour objectif le vrai, alors que le citoyen traite avec ses semblables des moyens de mieux vivre
ensemble, et a donc pour objectif le bien, l'artiste, lui, se situe sur un plan très différent, puisqu'il est tout à sa
recherche du beau.
Si l'on considère que l'humain est un individu avant d'être un membre de la société, l'art peutêtre défendu comme une activité plus fondamentale que le respect des lois.
Le cartésianisme est une manière de
faire primer l'individu et sa subjectivité à tout autre référentiel.
3) L'art est une tension avec la vie sociale.
Pourtant, l'art n'est jamais dans une bulle narcissique, mais au contraire toujours en interaction avec autrui et avec
son temps.
L'art n'ignore jamais tout à fait la société dans laquelle vit l'artiste.
Souvent, des oeuvres artistiques
sont à contre-courant des lois de leur époque, et pourtant défendent des thèses reconnues officiellement
aujourd'hui.
Une saison en
Enfer d'Arthur Rimbaud, racontant ses expériences homosexuelles avec
Verlaine, était un texte hautement
scandaleux, l'homosexualité étant punie par la loi.
Aujourd'hui, on considère ces textes comme visionnaires et
ayant permis une évolution positive des moeurs et des lois.
L'art se situe ainsi toujours en tension entre les
aspirations de l'individu et les valeurs morales de son époque.
L'art n'est donc pas une sphère séparée du social,
mais un moyen, parfois légal, parfois illégal (mais considéré par l'auteur comme légitime), de reconsidérer nos
valeurs, pour éventuellement modifier les lois qui régissent la vie collective.
Cette idée de la possibilité d'un art illégal mais légitimé par des valeurs plus importantes que les lois en vigueur est
à rapprocher des thèses pour la désobéissance civique de Thoreau, reprises par Hannah Arendt..
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