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"L'art de faire attention, qui est le grand art, suppose l'art de ne pas faire attention, qui est l'art royal" Alain ?

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« Définition des termes du sujet : Le mot « art » n'est pas ici à prendre dans son sens lié à l'idée de création, de recherche de la beauté ou de la force artistiques, mais dans son sens plus ancien, traduisant le grec « technê », de technique, de savoir-faire éventuellement sous-tendu par une attitude plus générale, par une certaine éthique par exemple.

L'une des difficultés de cette citation est qu'elle emploie à quatre reprises ce mot « art », dans son sens de « technê », mais, à deux reprises, dans des expressions figées : « grand art » et « art royal ».

Il y a une hiérarchie entre ces deux expressions, l' « art royal » étant supérieur au « grand art » : le roi est celui qui ne se préoccupe de l'essentiel et doit donc ne pas faire attention à toutes les petites contingences qu'il rencontre, son esprit doit immédiatement distinguer l'essentiel de l'inessentiel, sans avoir besoin de fixer son attention sur toutes les choses. « Faire attention » est également une expression figée.

Elle correspond à une certaine attitude d'éveil et d'écoute par rapport au monde, qui demande d'avoir l'esprit concentré sur tout ce qui arrive, y compris sur les moindres détails, fussent-ils inutiles ; « ne pas faire attention » peut signifier être distrait, mais aussi, et c'est plus probablement le cas ici, être détaché du monde, avoir une attitude de distance, qui n'implique pas forcément une inconscience du monde mais laisse simplement supposer que l'on en se trouve pas continuellement dans un état de tension attentive, ce qui peut libérer l'esprit pour d'autres choses. Comment enfin comprendre le verbe « supposer » ? Il met en place ici un lien entre l'art de ne pas faire attention et l'art de faire attention, comme si l'un n'était pas le contraire de l'autre.

L'art de faire attention contient l'art de ne pas faire attention.

C'est paradoxal et surprenant, et il faudra interroger cette surprise. Que révèle cette citation ? Quel est son intérêt, et quelles questions philosophiques pose-t-elle ? C'est ce à quoi il faut répondre en premier. Ce qui est concerné ici, c'est la conduite de notre vie, c'est l'attitude générale et le rapport au monde que l'on a.

La portée de la citation est pratique plus que spéculative.

Alain définit une bonne manière de se rapporter au monde, composée d'attention et de non attention, comme si le bon usage de l'attention supposait de pouvoir se passer de l'attention.

Comment parvenir à cette double aptitude ? Faut-il s'éduquer, s'entraîner ? Il faudrait envisager les modalités d'une pareille éducation.

Et qu'implique, pour la compréhension du rapport au monde, le caractère double de cette citation ? Elle implique une grande complexité de ce rapport.

Or cette complexité peut être remise en cause : l'attention ne pourrait-elle p as comprise comme la base de toute connaissance, et son usage comme ce qui doit être le plus instinctif et le moins élaboré ? On peut alors critiquer le fait qu'Alain considère ce qui a rapport à la manière dont doit s'exercer l'attention comme relevant d'un « art ». Références utiles : Bergson, Essai sur les données immédiates de la conscience Descartes, Méditations métaphysiques Textes à utiliser Kant « Ainsi, chronologiquement, aucune connaissance ne précède en nous l'expérience et c'est avec elle que toutes commencent.

Mais si toute notre connaissance débute AVEC l'expérience, cela ne prouve pas qu'elle dérive toute DE l'expérience, car il se pourrait bien que même notre connaissance par expérience fût un composé de ce que nous recevons des impressions sensibles et de ce que notre propre pouvoir de connaître (simplement excité par des impressions sensibles) produit de lui-même : addition que nous ne distinguons pas de la matière première jusqu'à ce que notre attention y ait été portée par un long exercice qui nous ait appris à l'en séparer.

» Leibniz « L'origine de toutes les erreurs est, en un certain sens, la même que celle des erreurs de calcul, qui arrivent aux arithméticiens.

En effet, il arrive souvent qu'à défaut d'attention ou de mémoire, nous faisons ce qu'il ne faut pas faire ou que nous omettons ce qu'il faut faire, ou bien que nous croyons avoir fait ce que nous n'avons pas fait, ou que nous avons fait ce que nous croyons n'avoir pas fait.

Ainsi, il arrive que, dans le calcul (auquel correspond le raisonnement dans l'esprit), on oublie de poser certains signes nécessaires ou qu'on en mette qu'il ne faut pas ; qu'on néglige un des éléments du calcul en les rassemblant, ou qu'on opère contre la règle.

Lorsque notre esprit est fatigué ou distrait, il ne fait pas suffisamment attention aux opérations qu'il est en train de faire, ou bien, par une erreur de mémoire, il accepte comme déjà prouvé ce qui s'est seulement profondément enraciné en nous par l'effet de répétitions fréquentes, ou d'un examen prolongé, ou d'un désir ardent.

». »

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