l'art constitue-t-il un refuge ?
Extrait du document
«
Le thème de cet énoncé porte sur la nature de l'art.
Ainsi est-ce par la détermination de son statut ontologique que
peut s'éclaircir la question de sa fonction : réfugier.
Une ambiguïté doit alors être soulignée : le refuge comme
refuge de (quelque) ou contre (quelque chose).
La polysémie de l'art (technique ou beaux-arts) se restreint ici à
son acception esthétique.
Le problème consiste donc à penser l'art en termes de fonction et de virtualité ; il s'agit d'interroger le pouvoir-être
de l'art en tant que potentialité ou puissance afin d'invalider ou de reconnaître sa fonction de refuge – où refuge est
à entendre dans sa double acception.
A cette fin doit premièrement être déterminé le caractère ontique de l'art, sa nature d'être en tant que chose dans
le monde, pour, dans un second temps du développement, en questionner le pouvoir, c'est-à-dire la virtualité
relativement à l'alternative dans la compréhension de la notion de “ refuge ”.
I.
Le refuge de l'illusion
L'ontologie platonicienne est hiérarchique (République), autrement dit ordonnée selon une valeur représentant la
plénitude d'être ou de réalité dont les choses ne sont ensuite que les dérivés : l'idée.
L'idée étant le modèle de
toute chose, ce en quoi une chose fonde sa réalité par la participation, tout n'est que dénivellation ontologique au
regard de l'idée.
L'art, qui déjà imite le réel donné dans la chose, se trouve ainsi être doublement éloigné de la
réalité ultime, ou par excellence, qu'est l'idée : l'art est imitation d'imitation (de la chose) – imitation du second
degré.
Une telle dévaluation ontologique du statut de l'art le réduit à l'impuissance : l'art ne peut rien par lui-même puisque,
étant reproduction de reproduction, sa réalité n'est pensée que par privation ou dérivation.
Son être même est
négativité en tant qu'il est représentation mensongère prétendant à la vérité de la chose.
L'art est l'être du faux,
parce que différant de son modèle, qui comme illusion se pare des atours de la vérité.
N'étant pas réalité, il ne peut
rien, est impotent, impuissant.
Car il est ce qui n'est pas vrai, voire : ce qui n'est pas (Le sophiste).
La virtualité strictement négative de l'art en fait le refuge propre à l'illusion – une illusion aspirant à se faire passer
pour vérité.
L'art comme refuge de l'illusion indique d'une la tromperie sur le plan épistémologique, mais également lé
dépravation éthique de ce qui se sait leurre mais prétend à la rectitude – l'art mensonger.
Si l'art est refuge de
l'illusion et du mensonge délibéré, c'est en tant qu'ontologiquement dépravé, fondé sur l'impression sensible et hors
concept : imposteur, l'art charme et égare les sens – comme le refuge abrite sans dévoiler les intentions de l'illusion
(la manipulation).
La philosophie de l'art commence avec Platon par une condamnation.
Il faut
renvoyer les poètes hors des murs de la Cité.
Socrate rejette les discours
écrits pour privilégier la parole, et la peinture n'est tenue que pour une
imitation dégradée et inférieure d'une réalité par ailleurs déjà imitée des Idées.
Par ailleurs, poésie, peinture et musique ne sont pas sensées exprimer la
beauté.
Si l'art est condamnable, c'est qu'il est fondé sur la mimêsis,
l'imitation.
Les choses sont, et elles sont ce qu'elles sont par l'Idée qu'elles
incarnent, qu'elles matérialisent.
L'Idée est l'essence ou l'être vrai de chaque
chose.
L'artisan fabrique des ustensiles en vue d'une Idée, il imite le modèle
idéal pour en faire une chose.
Pour tout produire de la sorte, il suffirait de
promener un miroir tout autour de nous pour restituer l'image exacte des
choses.
La "production" artistique se dit poiein : rendre présent.
Le tableau
est un miroir, il ne produit pas les choses dans leur être mais dans leur
apparence.
L'artisan quant à lui ne produit pas non plus l'être véritable qui est
l'Idée, mais un analogon.
Il y a donc trois degrés à considérer : l'Idée, vraie,
naturelle, unique, immuable, parfaite et identique à soi ; les choses ou les
objets fabriqués par l'artisan, demiourgos qui incarne l'Idée en de multiples
exemplaires ; la peinture des choses qui les reproduit dans leur apparence.
L'artiste est donc plus éloigné de la vérité que l'artisan.
L'art est une imitation
du réel, non pas en ce qu'il est, mais en ce qu'il apparaît.
Il n'est capable de
produire que des simulacres ou des idoles.
"Cet artisan dont je parle n'est pas seulement capable de faire toutes sortes de meubles, mais il
produit encore tout ce qui pousse de la terre [...], tout ce qu'il y a dans le ciel, et tout ce qu'il y a
sous la terre, dans l'Hadès.
Voilà un sophiste tout à fait merveilleux l [...] Si tu veux prendre un
miroir et le présenter de tous côtés ; tu feras vite le soleil et les astres du ciel, la terre, toimême, et tous les êtres vivants, et les meubles, et les plantes, et tout ce dont nous parlions à
l'instant.
Oui mais ce seront des apparences et non des réalités [...] Mais tu me diras, je pense que ce que
fait [le peintre, plus que tous les artisans] n'a point de réalité, n'est-ce pas ? et pourtant, d'une
certaine manière, le peintre lui aussi fait un lit.
Ou bien non ?
Si, répondit-il, du moins un lit apparent.
Et le menuisier ? N'as-tu pas dit tout à l'heure qu'il ne faisait point la Forme (eidos), ou, d'après
nous, ce qui est le lit, mais un lit particulier ?.
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