L'apparence est-elle mensonge ?
Extrait du document
«
Vocabulaire:
MENSONGE (n.
m.) 1.
— Assertion qui indique un fait auquel le locuteur ne croit pas, ou exprime une opinion qui
n'est pas la sienne ; par ext., assertion contraire à la vérité.
2.
— Menteur (paradoxe du ) : argument sceptique
contre la raison et paradoxe logique (auquel la théorie des types* donne une solution) : Épiménide le Crétois dit que
les Crétois sont menteurs, donc il ment, mais alors les Crétois ne sont pas menteurs, donc il ne ment pas, mais alors
il ment, etc.
Apparence: Aspect extérieur d'une chose; façon dont elle se manifeste à nous.
Aspect trompeur des choses, par opposition à ce qu'elles sont réellement.
Problématique:
Il est bien connu que "les apparences sont trompeuses" et qu' "il ne faut pas se lier aux apparences".
Ces préceptes
de prudence contiennent l'idée que l'apparence est une puissance, puissance d'erreur: non pas simplement que je
me trompe sur les apparences, mais que c'est l'apparence qui est « responsable » de l'erreur que je commets sur
elle.
Si tel est bien le cas, je serai fondé à parler de "mensonge" (= tromperie).
dais quel que soit le type
d'apparence concerné (apparence sensible.
par exemple).
ne m'appartient-il pas aussi de veiller à n'être point
trompé? En plaçant l'erreur dans le jugement.
Descartes innocente les apparences.
D'un autre point de vue, Spinoza
(et Alain après lui) montre qu'on ne peut accuser de mensonge une apparence qui ne peut m'apparaître - en vertu
des lois naturelles - que telle qu'elle m'apparaît effectivement.
D'où la nécessité de penser les rapports entre
apparence, erreur et illusion.
L'apparence s'oppose à l'être.
Platon nous met en garde contre l'art qui n'est qu'une copie de la réalité.
Reste toutefois que, grâce à l'art, la copie demeure alors même que le modèle
a disparu.
Mais si le prétendu modèle n'existe plus, n'est-ce pas parce qu'il
était lui aussi la copie d'une réalité supérieure, éternelle, immuable? C'est, en
tous cas, ce qu'affirme Platon au livre VII de La République : l'homme qui
prend ce monde sensible pour la vraie réalité est semblable à ces prisonniers
qui, depuis leur enfance, sont enchaînés dans une caverne et prennent les
ombres projetées sur la paroi pour la vraie réalité.
Ainsi, selon Platon, il existe
un autre monde, le monde des Idées par rapport auquel ce monde sensible n'a
pas plus de consistance qu'une ombre.
La vérité est du côté des Idées et
notre âme ne peut la contempler que si elle se détourne des objets sensibles
qui la lient au corps.
Dans la célèbre allégorie de la caverne (République, VII), Platon présente
dans un schéma simplifié le statut de l'homme dans le monde : la duperie du
nigaud qui prend des vessies pour des lanternes.
Il faut imaginer une caverne
profonde dans laquelle les hommes sont enchaînés face à la paroi du fond.
Ne
pouvant tourner la tête, la réalité est pour eux ce mur sur lequel se déploient
des jeux d'ombres.
A l'entrée de la caverne brûle un feu qui dispense une
lumière suffisante pour découper sur ce mur les silhouettes des figurines que
manipulent des montreurs de marionnettes, interposés entre le feu et la
cloison.
Lorsqu'ils parlent, l'écho produit donne l'illusion aux captifs que ce
sont les ombres projetées qui prononcent ces paroles.
L'illusion est parfaite et peut ainsi durer toute une vie.
Mais si
on en débarrasse un de ses chaînes - et c'est la mission du philosophe que de délivrer l'homme de l'erreur pour le
conduire à la vérité -, qu'on le force à tourner la tête pour découvrir le stratagème, il sera frappé d'étourdissement.
Par la force de l'habitude, les ombres de la paroi lui paraîtront plus réelles que cette nouvelle vision des figurines
manipulées devant le feu.
Il lui faudra un certain temps pour s'accoutumer à l'éblouissement du feu et convenir qu'il
ne voyait que l'ombre projetée des silhouettes qu'il voit désormais en réalité.
Si maintenant on conduit cet affranchi
hors de la caverne, l'éblouissement sera encore plus grand, et il faudra encore plus de temps pour voir les vrais
hommes et les vrais objets, dont les figurines n'étaient que les imitations.
Plus grande encore sera la volonté de
retourner dans le confort ténébreux de sa caverne.
A l'extérieur, il ne pourra d'abord observer que les ombres
naturelles tant l'éclat est grand, puis les reflets des choses dans l'eau, puis les choses et les êtres en eux-mêmes.
C'est à la faveur de la nuit qu'il pourra lever la tête aux cieux pour contempler les astres, et après une longue et
patiente éducation regarder ce dont quoi toute réalité procède, ce qui donne l'être et la vie, la lumière solaire.
Le peu de réalité auquel il avait accès dans la caverne procédait donc de cela : cette réalité unique et lumineuse,
cause universelle de toute consistance et de toute réalité.
Ce sera alors son tour de descendre dans la caverne pour en avertir ses camarades.
Sous l'éblouissement du soleil, il
est plongé de nouveau dans les ténèbres, il passera pour un maladroit, un égaré ou un fou, tant il est vrai que nous
préférons nos chimères et nos faux-semblants à l'effort pénible d'ouvrir les yeux et de nous retourner pour gravir la
pente qui nous achemine vers la vérité à laquelle nous ne sommes pas préparés.
Cette allégorie illustre parfaitement la métaphysique platonicienne.
Nous sommes plongés, par nos habitudes qui
sont celles du commun des mortels, dans un monde de l'apparence et du faux-semblant.
Ce monde n'est pas
entièrement faux (il suffirait alors d'en prendre le contre-pied pour accéder à la vérité), mais illusoire.
L'illusion n'est.
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