Langage et vérité ?
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Le « tournant linguistique » de la philosophie contemporaine
Par rapport aux philosophes classiques de la connaissance (Descartes, Hume, Kant...), la philosophie du XXe siècle
opère un déplacement : pour comprendre comment nous pouvons connaître le monde, celles-là partaient de l'« idée
» ou des « facultés » de l'esprit ; la philosophie contemporaine, quant à elle, part du langage et se pose la question
suivante suivante : A quelles conditions le langage peut-il représenter adéquatement le monde ?
Le langage est une activité symbolique.
Il n'est pas le monde, il le représente.
En effet il ne faut pas confondre «
vérité » et « réalité », bien que la confusion soit souvent faite.
On parle d'or « faux », de « vrai » ami, etc.
Or, l'or
faux est réellement quelque chose (du cuivre par exemple).
Ce qui est faux, en l'occurrence, ce n'est pas l'objet
mais la proposition : « Ceci est de l'or », ou la croyance que cette proposition exprime.
La vérité est donc de l'ordre
du discours et c'est par l'analyse de ce dernier qu'on pourra dégager les conditions de la vérité.
Le « tournant linguistique » de la philosophie contemporaine fut amorcé, au début du xx' siècle, par deux grands
courants de pensée : d'une part, ce qu'on a appelé la philosophie analytique, courant philosophique né à Cambridge
et dont Bertrand Russell fut le représentant le plus éminent ; d'autre part, le cercle de Vienne, mouvement fondé
dans les années 1920 qui regroupait autour de Moritz Schlick des philosophes et des scientifiques allemands et
autrichiens, et dont Rudolph Carnap fut le penseur le plus marquant.
Langage et logique
Examiner le langage du point de vue de sa capacité à représenter le monde, et à nous le faire connaître, est une
tâche qui se heurte à une première difficulté : celle de l'imperfection cognitive des langues naturelles (français,
allemand, etc.).
Si celles-ci sont toutes parfaitement adaptées à la communication inter- ( humaine, elle le sont imparfaitement à la
connaissance, pour la raison même qui fait par ailleurs leur richesse : elles sont ambiguës.
Les mêmes mots peuvent
avoir plusieurs sens ; des constructions grammaticales identiques peuvent recouvrir des fonctions logiques
différentes...
Bref, il faut distinguer la syntaxe naturelle d'une langue et ce que Carnap appelait la « syntaxe logique du langage ».
La première peut ne pas correspondre à la seconde, la transgresser même, et pourtant seul un langage logiquement
bien construit peut avoir une chance de représenter correctement le monde.
D'où une double idée, commune à la philosophie analytique du début du siècle et au cercle de Vienne.
1 — La
logique formelle doit être un instrument au service de l'analyse philosophique.
Elle doit servir à reformuler
correctement les problèmes philosophiques ou bien à les dénoncer comme de faux problèmes, relevant d'une «
mauvaise grammaire », c'est-à-dire d'un usage non logiquement réglé du langage.
2 — Il est possible, grâce à l'outil
logique, de construire artificiellement une « langue bien faite », c'est-à-dire dépourvue d'ambiguïté et capable
d'exprimer rigoureusement tous les contenus de pensée.
Ce projet était déjà, au tout début du siècle, celui du logicien allemand Gottlob Frege dont les travaux ont beaucoup
marqué Russell.
Dès le XVIIe siècle, Leibniz avait souhaité construire une telle langue artificielle et exclusivement
écrite, qui serait à tous les contenus de connaissance ce que l'algèbre est aux mathématiques, autrement dit une «
algèbre de la pensée ».
Sens et vérité
Le projet d'une langue parfaitement signifiante doit beaucoup aux analyses du Tractatus logico-philosophicus (1921)
de Ludwig Wittgenstein, qui eut sur Russell et sur le cercle de Vienne une profonde influence.
Le Tractatus part du principe que le monde est composé de faits ou « états de choses » et que les propositions
sont des tableaux des faits.
Cela veut dire que, dans une proposition, les mots se comportent entre eux de la même
façon que les objets dans l'état de choses : telle est la condition pour qu'une proposition puisse représenter un fait,
c'est-à-dire avoir un sens.
Il faut alors distinguer le sens et la vérité d'une proposition.
Une proposition qui représente un fait possible — c'està-dire logiquement pensable — est douée de sens.
Pour qu'elle soit vraie, il faut et il suffit qu'elle corresponde à un
fait existant.
Par exemple : « Socrate est moldovalaque » est une proposition douée de sens mais fausse, alors que
« Socrate est athénien » est une proposition douée de sens mais vraie.
Le sens d'une proposition est donc la
condition de sa vérité, et on peut, avec Wittgenstein, le définir comme la possibilité pour une proposition d'être
vraie ou fausse..
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