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l'amitié est-elle une passion comme les autres ?

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« Le thème de cet énoncé porte sur la notion d'amitié dans sa relation aux autres types d'affections.

Les affections ou impressions sont ici employées comme synonymes du terme de passion afin d'en signaler la communauté d'origine sémantique qui, précisément, s'inscrit dans un rapport réglé à l'extérieur compris comme altérité.

Parler d'altérité dans le cadre d'une réflexion dont l'objet est l'amitié est particulièrement indicatif de ce que l'amitié elle-même se constitue dans, ou est constituée par une relation à l'autre défini par son statut d'ami. En outre, poser philosophiquement la question de la spécificité de la passion de l'amitié ne peut que se revêtir une tonalité particulière, c'est-à-dire susciter une attention exceptionnelle tenant à la définition même de la philosophie par sa disposition d' ‘amitié de la sagesse' (philein).

Alors doit-on se demander quelle est la spécificité philosophique de l'amitié définie comme passion ; ou encore quelle est la teneur propre du philein dans la philia de la philosophie. Ainsi exposé, le problème peut être organisé selon deux enjeux principaux qui forment l'architecture du développement du propos : questionner dans un premier temps en direction de l'essence de l'amitié, afin de définir ce qu'elle est mais encore, par la description, d'en saisir le statut (dans sa relation à la philosophie) ; puis, dans un second mouvement du propos, tenter d'en déterminer la fonction en vue d'en saisir la valeur qui en fait une passion toute particulière – et ceci doit se faire par sa compréhension dans la notion de virtualité, autrement dit relativement à ce que l'amitié effectue et permet à la philosophie comme activité se réalisant dans et par l'homme. I.

L'essence de l'amitié L'amitié est une relation entre humains dans un espace social conçu comme lieu de médiation. Cet espace de sociabilité est un trait constitutif et définitionnel de l'animal rationnel qu'est l'homme.

Ainsi l'homme se trouve réaliser son essence dans la vie de la collectivité, elle-même conditionnant la possibilité de l'amitié.

L'amitié est donc une relation entrant dans le cadre de l'activité vitale de l'homme.

Mais plus encore dans la question du bonheur.

Avec Aristote (Ethique à Nicomaque, IX), le mouvement de la vie humaine comme energeia se définit par la poursuite du bonheur.

La vie se caractérise dès lors par sa dynamique, et le fait d'être une activité en devenir permanent.

En outre toute vie est un processus de réflexivité (non-nécessairement conscient), activité s'affectant ainsi toujours implicitement soi-même.

L'amitié est précisément ce qui rend possible la prise de conscience de la réflexivité constitutive de toute activité vitale, et plus particulièrement de la pensée. En conséquence, la nature spécifique de l'amitié comprise comme passion consiste à être l'opération constitutive de la prise de conscience (de sa propre pensée) par le rapport à l'autre. Autrui est celui qui, dans l'amitié, conduit l'acte de vivre à son accomplissement en ce qu'il assure, dans la réflexivité du percevoir et du penser, la co-conscience de l'existence par le partage ou la communauté des discours et pensées.

L'amitié est ainsi indispensable même à l'existence heureuse du sage.

En elle peut se constituer l'achèvement de l'activité de la pensée, de la philosophie. Mais en plus de ce privilège d'ordre épistémique, l'amitié, dans son processus dynamique de prise de conscience de la réflexivité, conditionne également la possibilité de l'appropriation de soi (con-science) par l'ami défini en tant qu'autre soi-même (alter ego).

L'ambivalence éthicoépistémique de l'amitié confère ainsi à son essence une dignité singulière dans l'ordre de la pensée qu'est l'exercice philosophique. II.

Fonction de l'amitié L'ambiguïté constitutive de la réflexivité du mouvement propre à l'amitié se concrétise dans la notion de conscience.

De cet anachronisme (au regard des Anciens), juste usage peut être fait dès lors que la conscience est référée à la teneur philosophique du mouvement de l'eros, principe scindé lui-même du beau et du bien.

Car l'ultime réalisation de l'amitié, autrement dit sa fonction absolument spécifique, se trouve exemplifié dans l'Alcibiade de Platon où l'appropriation de soi-même comme sujet éthique est médiatisée par la pupille de l'autre (voir l'œil propre dans la pupille de l'alter ego), et doit par-là conduire au principe même de la vision qu'est le divin. L'amitié est la voie d'accès à la fin de la philosophie. Mais telle poursuite de l'ultime principe du savoir (sophia) risque de se retourner en asservissement du sujet à la nécessité du vrai-beau-bien.

L'amour ( philia), également moteur dans la pensée d'Augustin, prescrit ainsi la soumission à l'autre de soi qu'est le divin : renoncement de l'amour propre au profit de l'amour de ce qui en la créature est marque de l'infinitude du créateur.

L'appropriation première de soi risque ainsi l'aliénation. Conclusion L'amitié est une passion absolument singulière parce que susceptible d'engendrer à ellemême sa propre négation dans la poursuite par la philosophie de sa finalité la plus haute.

En l'amitié se met en jeu le rapport complexe du sujet à la vérité (connaissance), mais également à sa propre vérité (dimension éthique de la prise de conscience).

Dans l'amitié, le sujet s'actualise comme producteur de (sa propre) vérité (Foucault) : il se risque à dire vrai, à dire la vrai, voire au dire vrai – et met alors (la valeur de) son existence en jeu.. »

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