l'amitié est-elle une forme privilégiée de la connaissance. ?
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«
INTRODUCTION
La connaissance d'autrui est un problème classique de la philosophie: cet autrui vient-il contester, en intrus, mon
intégrité, ou constitue-t-il à l'inverse une chance de mieux réaliser cette dernière? Mais quel que soit son statut,
autrui demande à être authentiquement connu.
L'amitié favorise-t-elle cette connaissance? En est-elle une forme
privilégiée?
I.
COMMENT ABORDER AUTRUI?
— Si j'en reste à une connaissance extérieure (« objective »), je risque de méconnaître sa singularité: je ne vois
autrui que comme figure anonyme, à peu près semblable à moi, partageant avec moi les caractères généraux de
l'humanité.
— Cf.
Hegel: le moment abstrait » de la Mêmeté dans la dialectique du maître et de l'esclave.
— Mais autrui, en tant qu'il n'est pas moi, revendique la reconnaissance de ce qui le distingue ou le différencie: tel
autrui n'est pas l'équivalent de tel autre, ni de moi-même.
— Dans le schéma théorique de la Dialectique du maître et de l'esclave, cette exigence de « reconnaissance »,
parce qu'elle implique le mouvement d'affirmation de la liberté pour soi, mène à un conflit, et à la «lutte à mort»
entre deux consciences.
Parallèlement à cette tension, l'amitié offre-t-elle, non seulement une issue plus pacifique à
cette tension qu'implique la co-présence, mais de surcroît une chance de connaître autrui pour ce qu'il est, c'est-àdire dans sa différence radicale par rapport à moi?
II.
AMITIÉ ET ALTÉRITÉ
— L'amitié authentique recherche moins le semblable (l'ami comme miroir narcissique) que le différent.
Cf.
le Parce
que c'était lui, parce que c'était moi » de Montaigne à propos de La Boétie.
- Elle se fonde traditionnellement (cf.
Aristote) sur trois qualités: utilité, plaisir et vertu.
Mais il faut que ces qualités soient partagées, vécues réciproquement (l'ami doit m'être utile — mais il faut aussi que
je lui sois utile).
— L'amitié vient ainsi compléter l'amour que l'on se porte à soi-même — mais non comme amour-propre ou égoïsme:
comme amour de soi qui désire pour l'autre ce qu'il désire pour lui-même.
— Dès lors, elle est structure de discussion et d'enrichissement réciproque.
Cf.
ce que dit Socrate, dans les
dialogues de Platon, de la «discussion entre amis»: elle n'a de réalité qu'avec l'assurance que l'interlocuteur a bien
accompli le même parcours intellectuel que soi, même s'il part de principes différents.
— Dans cette optique, l'amitié vertueuse, plus haut degré de l'amitié qui englobe l'utilité et le plaisir, signifie une
élaboration commune de la vertu à partager: chacun a besoin de l'autre pour découvrir la vertu comme horizon
ultime de l'existence.
III.
L'HUMANITÉ DANS LE VISAGE DE L'AMI
Pour Lévinas, l'éthique est la « voie royale vers l'absolument autre » (Préface).
En effet, le désir d'infini n'est pas un
désir au sens habituel et négatif de manque mais une expérience sans retour possible de soi vers l'autre, du familier
vers l'étranger.
Car « l'absolument autre, c'est autrui » (Rupture de la totalité), autrui n'est donc pas la négation de
moi-même, ce qui impliquerait encore une relation d'identité, mais il est positivement « l'absolument autre ».
Autrui
me révèle le sens de l'éthique comme « rapport non allergique du Même et de l'Autre » (L'Être comme bonté).
L'éthique trouvant son sens premier dans la relation de face à face, elle présuppose une ouverture à « l'absolument
autre » que seul le visage d'autrui permet d'entrevoir.
L'éthique est bien originellement une « optique » mais sans
image, car la vision est encore une totalisation.
Or le visage empêche le regard de se fixer, il nous tourne vers un
au-delà, un ailleurs ; il figure « l'infiniment autre » qu'on ne parviendra jamais à totaliser.
Le visage d'autrui se donne
à voir comme « révélation » de l'Autre dans sa nudité et sa fragilité.
Il m'appelle alors à la responsabilité infinie
devant lui.
— Si l'ami reste bien autre, c'est-à-dire si la relation d'amitié n'est pas fictivement conçue ou vécue comme
«fusion», il est connu par ce qu'il peut m'apporter (que je n'aurais pu découvrir seul).
— Lorsqu'au contraire l'amitié prétend à la fusion, ou à la communion (par rapport à une « valeur », à un
engagement), l'un et l'autre des deux amis s'effacent au profit d'un troisième terme: l'autre est aussi méconnu que
moi-même par cette posture d'obéissance commune qui risque d'être «aliénante» (cf.
Lévinas).
— L'altérité se révèle immédiatement dans le visage de l'ami — dont la signification est morale (« Tu ne tueras pas
») selon Lévinas.
Cette signification est d'autant plus présente que l'ami choisi ou élu, c'est précisément celui qui ne
se fond pas dans l'anonymat.
— Le dévouement entre amis illustre dès lors, non une cause, mais l'horizon d'affectivité et d'intersubjectivité dans
lequel l'existence singulière doit se déployer.
Ce qui transparaît dans le visage de l'ami comme autre, c'est la
possibilité de l'humanité comme ensemble d'altérités.
CONCLUSION
L'amitié ne garantit pas nécessairement que je saurai mieux que quiconque qui est véritablement mon ami.
Mais
l'autre auquel elle m'ouvre, et dont elle m'apporte la connaissance en tant qu'autrui proche, c'est l'humanité dans
son ensemble..
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