L'amélioration des structures sociales est-elle une condition nécessaire et suffisante de l'amélioration de la moralité ?
Extrait du document
«
L'amélioration des structures sociales est-elle une condition nécessaire et suffisante de l'amélioration de
la moralité ?
introduction.
— On parle beaucoup de réformes de structure.
Nombre de ceux qui les réclament n'ont en vue que le
bien-être matériel des moins favorisés de la fortune.
Mais certains manifestent des visées d'un autre ordre : de
bonnes structures sociales, à leur sens, rendraient les hommes plus moraux.
Une bonne constitution, pensent-ils, un
statut de la famille conforme aux exigences du droit naturel, un judicieux régime de la propriété, une équitable
distribution des revenus et des charges, une atmosphère générale saine, seraient autrement moralisateurs que les
leçons de morale et les homélies.
Que faut-ii penser de cette conception ? L'amélioration des structures sociales est-elle une condition nécessaire de
l'amélioration de la moralité ? En est-elle la condition suffisante ?
I.
— CONDITION NÉCESSAIRE
Il est des âmes héroïques qui restent fidèles à leur devoir dans les circonstances les plus difficiles et dans le
désordre général.
Actuellement, en particulier, malgré l'imperfection de l'organisme social, i! ne manque pas
d'individus qui font honneur à l'humanité.
De bonnes structures sociales ne sont donc pas indispensables à la vie
morale.
Mais, on ne saurait le nier, elles seraient un facteur puissant de progrès moral.
Aussi répondrons-nous par
l'affirmative à la première partie de la question : l'amélioration des structures sociales est une condition nécessaire
de l'amélioration de la moralité.
A.
Point de vue économique.
— Une augmentation de bien-être n'entraîne pas automatiquement une élévation du
niveau moral.
Bien plus, au-delà d'un certain degré, la facilité de la vie et l'abondance des plaisirs débilitent et
détourent de l'idéal.
Il n'en reste pas moins qu'un certain bien-être, en règle générale, est favorable ou même
nécessaire à la moralité.
Quand le ventre crie famine, quand on a froid ou qu'on est anxieux du lendemain, ou encore quand on est pris par un
travail épuisant et qui ne laisse aucun instant de liberté, il n'est pas facile de s'élever aux belles considérations que
nous proposent les moralistes.
Ensuite, dans des circonstances inhumaines d'existence, l'individu est naturellement porté à satisfaire ses besoins
par des moyens que condamne la morale : il vole, il ment.
Trop constamment frustré, le désir prend une puissance
qui le rend invincible : n'avons-nous pas là l'explication de la conduite de certains travailleurs qui, lorsqu'ils ont
touché leur semaine, ne peuvent résister à l'attirance du café, d'où ils sortiront complètement ivres ?
Enfin, la vie de famille ne peut guère être moralisatrice sans un minimum d'aisance.
Le foyer doit être attrayant pour
que l'homme ne soit pas tenté de chercher ailleurs des compensations.
Le coeur à coeur de la lune de miel fait place
facilement à d'aigres discussions quand, le porte-monnaie vide, on n'a plus de quoi assurer les besoins essentiels et
s'offrir un peu de superflu.
L'éducation des enfants, elle aussi, demande un certain standing de vie : les haillons, par
exemple, ne portent guère au respect.
B.
Point de vue social.
— Cependant, la question matérielle, en particulier la question des salaires, qui assurent à
la majorité des travailleurs leurs moyens de subsistance, n'est peut-être pas la plus importante, surtout du point de
vue moral.
Les salaires dépasseraient-ils largement le minimum vital, la vie morale resterait encore difficile si les
structures sociales restaient inadaptées aux aspirations et aux exigences de l'homme moderne.
Il faut avant tout assurer la justice, qui consiste à rendre à chacun ce qui lui est dû, non seulement en argent ou
autres avantages matériels, mais aussi en estime et en considération.
L'ouvrier peut toucher un salaire qui lui
permette un large train de vie : s'il a le sentiment que d'autres, en travaillant beaucoup moins ou beaucoup plus
mal, sont plus favorisés, il lui sera difficile d'avoir l'amour du métier et la conscience professionnelle, élément
essentiel de sa moralité.
L'homme moderne est aussi féru d'égalité.
Il n'admet plus qu'il y ait deux classes d'hommes dont les uns arrivent bien
nantis dans la vie et, parce que riches, occupent, comme de droit naturel, les postes de commande dans les
organismes d'Etat comme dans les entreprises privées.
Il veut que chacun soit traité suivant sa valeur et suivant les
services qu'il rend à la collectivité.
Tant que la structure de la société ne sera pas modifiée, on assistera à une lutte
de classes diamétralement opposée à l'amour universel des hommes, qui est un point essentiel de la morale.
C.
Point de vue moral.
— Enfin, nous avons supposé jusqu'ici que la moralité était affaire exclusivement
individuelle.
Or, cette supposition est manifestement erronée.
L'individu n'est qu'une abstraction.
Il n'est ce qu'il est
que par les liens qui le rattachent au milieu dont il fait partie.
Moralisez le milieu et vous verrez sa moralité s'élever.
Sans doute la valeur morale du milieu est une résultante de la valeur morale de ses membres.
Mais celle-ci est
grandement influencée par l'action des cadres et des militants qui l'animent.
Il est difficile de déterminer quelles
mesures il conviendrait de prendre de nos jours pour assurer une atmosphère morale dans laquelle la moralité
individuelle serait préservée et stimulée.
Il n'en est pas moins vrai que, dans ce domaine aussi, une amélioration des
structures sociales contribuerait à l'amélioration de la moralité..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Bachelard: L'erreur comme condition nécessaire de la vérité
- Rousseau écrit: l'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite est liberté. Cette liberté vous paraît-elle être la condition de la moralité ?
- Bachelard: L'erreur comme condition nécessaire de la vérité
- L'expérience est-elle la condition nécessaire, est-elle la condition suffisante du plein exercice de la pensée rationnelle ?
- l'expérience est-elle la condition nécessaire, est-elle la condi¬tion suffisante du plein exercice de la pensée rationnelle ?