Aide en Philo

L’altérité de l’infini ou de Dieu ?

Extrait du document

« La conscience solitaire. Je ne suis pas seul.

Mon sentiment d'existence est un sentiment de coexistence.

Mon corps fait partie du monde des choses, c'est par lui que je sais être dans le monde et c'est par lui que je sais être dans le monde et c'est par lui que je me perçois parmi les autres.

L'accession à autrui en tant qu'autre que moi m'est donné directement à travers son corps.

Par suite rien ne s'oppose à ce que « analogiquement », les autres corps que je perçois semblables n'aient une conscience.

Mais si autrui m'apparaît comme « analogue » à moi-même, c'est seulement la compréhension d'autrui qui rend possible la saisie de moi-même en tant qu'humain.

Ce qui signifie qu'un échange s'établit entre moi et autrui.

Je sais que j'ai un extérieur pour autrui, que je suis un « autre » pour lui comme j'ai senti par intropathie qu'il y a un intérieur « là-bas » dans ce corps qui s'offre à mon regard. Cette reconnaissance immédiate de l'existence d'une pluralité de consciences semble être pour la pensée contemporaine d'une terrible banalité.

Pourtant l'idée de l'isolement de la conscience a longtemps persisté.

Chez Descartes, la vérité première, celle qui résiste à tous les efforts du doute le plus extravagant qu'il soit, c'est le cogito.

Je ne suis, au fond, assuré que de la propre existence de ma conscience.

Tout le reste est plus qu'incertain.

Si je regarde d'une fenêtre des hommes qui passent dans la rue, que vois-je dit Descartes, « sinon des chapeaux et des manteaux qui peuvent couvrir des spectres ou des hommes feints qui ne se remuent que par ressorts ? » (« Méditation seconde »). • Le doute méthodique qui mène Descartes à remettre en cause l'existence même du monde extérieur permet de bien comprendre la distance qui me sépare d'autrui.

Qu'est-ce qui me prouve, en effet, que je ne suis pas le seul être doué d'une véritable subjectivité, et que les autres ne sont pas tous des automates, ou même des rêves? • Si radicale et paranoïaque qu'une telle hypothèse puisse sembler, c'est bien souvent comme un automate - ou comme un objet, et non comme un sujet digne de ce nom - que je traite autrui lorsque je l'instrumentalise à mes propres fins ou que je le considère comme d'une dignité inférieure à la mienne. Seule la certitude que Dieu existe, qu'il est « vérace », peut lever l'hypothèse d'un Dieu trompeur ou d'un malin génie et me garantir que cette forte propension que j'ai à croire en l'existence du monde et d'autrui n'est pas illusoire. RAPPEL: LA MONADE CHEZ LEIBNIZ Ce terme renvoie à l'unité spirituelle élémentaire dont tout ce qui existe est composé.

La monade est à la métaphysique ce que le point est à la géométrie à la fois unique et en nombre infini.

Il n'y a pas chez Leibniz de dualisme (d'un côté l'âme et de l'autre l'esprit). Mêmes les minéraux ou les végétaux possèdent une dimension spirituelle ! Il y a des monades douées de mémoire chez les animaux, des monades douées de raison comme chez les hommes.

Aucune monade ne ressemble à une autre.

Chacune d'elles représente le monde de manière toujours particulière et plus ou moins claire, à la manière de miroirs plus ou moins bien polis.

A la faveur de la bonté et de l'omniscience divines, toutes les monades constituent un tout harmonieux, car chacune est comme un monde fermé, sans portes ni fenêtres, cad sans communication. Chez Leibniz, chaque « monade » n'a ni porte ni fenêtre.

Chaque conscience est une substance transparente à elle-même et fermée sur elle-même, un monde clos, une intériorité privée, à laquelle les autres n'ont pas accès. Si autrui est, en quelque sorte, absent, c'est parce que le champ de la réflexion philosophique est alors occupé par le problème de la recherche de la vérité.

D'où l'opposition entre, d'un côté, le sujet connaissant et, de l'autre, le monde à connaître.

Cette confrontation exclut la présence d'un tiers, à l'exception cependant de Dieu. Le cogito cartésien est ce qui permet en philosophie une nouvelle position du problème d'autrui.

Dans ses « Méditations », Descartes ne veut reconnaître comme vrai que ce dont il ne peut absolument pas douter.

C'est ainsi qu'il met en cause l'existence du monde extérieur et les vérités mathématiques. Décidément, la seule chose dont je ne puisse douter c'est de ceci : que je suis, en tant que je pense.

La première certitude, la plus claire des évidences est donc la simple conscience que j'ai d'être et de penser.

Mais si je suis sûr de mon existence comme être pensant, comment pourrais-je jamais me convaincre de l'existence des autres ? En effet, je n'ai une intuition immédiate que de moi-même, je ne pourrai jamais penser l'autre comme je me pense moi-même : c'est ce qui fonde mon intériorité et l'extériorité de l'autre.

Dans le droit fil cartésien, Berkeley peut écrire : « La connaissance que j'ai des autres esprits n'est pas immédiate comme l'est la connaissance que j'ai de mes propres idées.

» L'idéalisme subjectif[1] pour lequel une chose n'est qu'en tant que je la connais, aura désormais à rendre compte de ce qui fonde ma certitude de l'existence des autres.

Cette question du fondement est d'autant plus importante qu'on a souvent reproché à l'idéalisme subjectif de conduire au solipsisme[2] (toutes les choses extérieures ne seraient en fait que des modifications de mes pensées et je serais seul au monde), lequel fait d'autrui une illusion de ma représentation et ruine même la notion de vérité comme accord des esprits. La médiateté de la rencontre d'autrui. Le monde extérieur nous est donné dans la perception : les bruits, les parfums, les couleurs... Autrui est bien présent d'abord comme un des éléments de mon entourage : il est un objet parmi d'autres, de ma perception. Qui m'assure d'ailleurs qu'il n'est pas lui-même une chose ? Car après tout, ce qui je vois, et que j'identifie comme un homme, n'est peut-être qu'un merveilleux automate aux rouages bien huilés.

Ce soupçon semble légitime à Descartes : c'est pourquoi selon lui, je ne fais jamais l'épreuve authentique d'autrui au niveau de la simple perception ; il y faut un échange de paroles. Dans la conversation, j'interroge ce qui n'est peut-être qu'un pantin : on me répond ; je relance le débat dans une autre direction : mon interlocuteur me suit.

Nulle mécanique ne pourrait s'adapter de cette manière à la liberté d'un dialogue dont les propos sont toujours imprévisibles : je suis sûr de communiquer avec un autre esprit.

C'est dans la dimension d'une parole sensée, créatrice, dialoguante que s'opère pour Descartes la rencontre des consciences. [1] Thèse philosophique selon laquelle une chose n'a d'être qu'en tant qu'elle est l'objet pour le sujet connaissant (lui-même fondement de toutes les déterminations) : une chose n'existe pas si je ne la connais pas. [2] Le solipsisme est généralement présenté comme la conséquence logique de l'idéalisme subjectif.

Il est l'affirmation de la solitude radicale d'un moi (je suis seul au monde) qui constitue toute la réalité, le monde extérieur et les autres n'étant jamais que des modifications de ma représentation (rien n'existe que par moi).. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles