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Lagneau: Peut-on connaître sans juger ?

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Analyse du jugement. - Cette idée de l'entendement que nous venons de déterminer, nous avons à la justifier par l'analyse de l'acte de la connaissance. L'acte de la connaître c'est le jugement. Connaître ce n'est pas se représenter, c'est affirmer ou nier (on affirme dans les deux cas). Quand je dis : la rose est odorante, je ne me borne pas à affirmer qu'il y a entre ces deux termes un rapport vrai ; je détermine ce rapport ; je dis qu'il est vrai que la rose est odorante. Il en est de même lorsque je dis que tout corps qui tombe dans le vide parcourt successivement des espaces proportionnels aux carrés des temps de sa chute. C'est comme si je disais qu'il existe un rapport vrai entre les espaces parcourus successivement et les temps pendant lesquels ces espaces ont été parcourus. Si je dis que dans une alternative il est nécessaire qu'on choisisse, par exemple qu'un Européen ne peut être que Français, Anglais, Allemand, Russe, etc., j'affirme qu'il est vrai que si l'une de ces déterminations ne convient pas à l'Européen, une autre lui convient. Enfin si j'affirme qu'entre deux grandeurs il existe un rapport, j'affirme par là même que j'ai devant l'esprit des déterminations abstraites des choses entre lesquelles j'aperçois un rapport d'identité ou de non-identité, comme deux et deux font quatre, deux et deux ne font pas cinq. Il en est de même si je dis que Paris est la même ville que la capitale de la France. Tous ces exemples prouvent qu'au fond de tout jugement se trouve cette assertion : il est vrai que... Le jugement, acte de l'entendement, est donc l'acte par lequel nous affirmons quelque chose comme vrai, qu'il s'agisse d'affirmer qu'un objet possède une qualité ou qu'un fait se passe suivant une certaine loi, ou qu'une certaine idée ne peut être réalisée dans une chose en possédant deux déterminations contraires, et qu'elle possède nécessairement l'une des deux, ou enfin que le jugement consiste à affirmer que nous saisissons un rapport d'identité, d'égalité ou d'inégalité entre deux représentations, le jugement consiste toujours à affirmer quelque chose comme vrai. La vérité affirmée ne peut n'être qu'apparente, mais elle est toujours affirmée comme vraie. Au contraire lorsque je me borne à n'avoir sous les yeux que des images, je ne détache pas dans mon esprit de cette image l'affirmation qu'un objet y est attaché. Tant que je me borne à me représenter cette image, je n'affirme pas cette proposition que l'image est un objet, que je ne juge pas. Je puis par habitude insinuer en quelque sorte un jugement confus dans la représentation ; mais la représentation ne consiste pas dans ce jugement. La preuve en est que lorsque nous supprimons ce jugement, nous n'en continuons pas moins à subir la représentation. Il arrive souvent en effet que la représentation persiste dans l'esprit en dépit des efforts que l'esprit fait pour s'en débarrasser. C'est cet acte d'affirmer quelque chose comme vrai que nous nous proposons d'étudier d'abord et qui est l'acte propre de l'entendement.

« Pour que la philosophie commence, il faut que l'opinion devienne une question pour elle-même.

Elle doit s'interroger, s'expliquer, devenir consciente de son propre contenu.

Ceci ne peut s'effectuer sans désagrément, sans douleur, puisque cela signifie que l'opinion cesse d'être elle-même, qu'elle accepte de s'effacer.

Sans quoi elle reste ignorante de ce qui la constitue, de ses origines, de son fondement. Doit alors se poser à l'opinion la question de la vérité, question qui, au lieu d'un vain jeu de la persuasion ou de la séduction, devient une véritable épreuve.

La vérité nous met mal à l'aise, nous tient en échec, nous ébranle dans notre être.

Nous souhaiterions presque ne pas penser, mais cette vérité fait partie de nous. Pour que l'opinion cesse d'adhérer infiniment à elle-même, il faut qu'elle cesse d'apparaître dans cette fausse transparence à soi, nommée d'ordinaire « évidence ; o u bien que cette évidence se fasse plus exigeante.

N'est-elle pas un problème, dans la mesure où chacun est obligé d'interpréter, à tort ou à raison, ce qu'il voit et entend ? L'opinion doit-elle se confronter à quelques normes rationnelles ? Doit-elle se calquer sur la pensée de philosophes patentés ? La liberté de penser peut-elle faire l'économie de la vérité ? Faut-il se taire pour entendre les autres ? Comment juger de la vérité ? Autant d'épreuves qui donnent à la certitude les fondements sans lesquels l'illusion s'installe et triomphe. On peut s e d e m a n d e r si le concept même de vérité est réellement indispensable, s'il ne s'agit pas d'une idée dont il vaudrait mieux se débarrasser.

En effet, elle ne semble pas s'imposer dans la pratique courante, dans l'expérience quotidienne d e la vie, où nous usons d'autres critères de réussite et d'efficacité. La perception sensorielle, l'expérience, sont-elles les garanties fiables ou exclusives de la vérité ? La vérité a-t-elle besoin de preuves pour être vérité ? Ne risque-t-on pas de confondre certitude et vérité ? La vérité intervient dans notre existence la plus quotidienne, même si elle reste en elle-même un sujet d'interrogations, m ê m e si elle semble parfois nous empêcher d'agir.

Nous ne pouvons en produire u n e définition rationnelle précise, néanmoins nous l'apercevons souvent au détour de préoccupations qui semblaient l'exclure. On s'accorde en général à définir la vérité comme une concordance ou une conformité : de la pensée avec elle-même, de la pensée avec les choses, du réel avec l'idéal, autant de rapports qui peuvent coïncider ou s'opposer. La problématique de la connaissance, quant à elle, met plus spécialement en jeu le rapport entre l'esprit et les choses.

Ce rapport est moins simple qu'il n'y paraît lorsque l'on prend conscience d e la diversité des éléments qu'une telle connaissance implique, en particulier des articulations complémentaires ou conflictuelles entre les concepts et les sensations, l'imagination et les sentiments.

Nous pouvons aimer, craindre, ou imaginer le réel.

Faut-il en tout cela valoriser plus particulièrement l'objectif par rapport au subjectif ? Le réel n'est pas le fondement unique d e toute connaissance, ainsi la seule présence des choses ne peut suffire pour définir la connaissance.

Ne produisons-nous pas nous-mêmes nos idées ? On peut donc se poser la question critique, celle du critère, grâce auquel on reconnaît la connaissance véritable.

Faut-il privilégier son caractère universel et abstrait, ou singulier et concret ? Serait-ce son utilité ou son efficacité pratiques ? O u est-ce plutôt s a valeur ? O u encore le rapport harmonieux qui peut s'instaurer entre nos facultés subjectives ? Diverses vérités ou formes de vérité, relativement arbitraires, guident notre existence ; ne sommes-nous pas obligés d'avouer leur fragilité, et de ce fait notre ignorance ? D'autant plus que chaque forme de savoir est limitée par sa nature même : elle ne sait que ce qu'elle peut savoir. agneau : Analyse du jugement.

- Cette idée de l'entendement que nous venons de déterminer, nous avons à la justifier par l'analyse de l'acte de la connaissance.

L'acte de la connaître c'est le jugement.

Connaître ce n'est pas se représenter, c'est affirmer ou nier (on affirme dans les deux cas).

Quand je dis : la rose est odorante, je ne me borne pas à affirmer qu'il y a entre ces deux termes un rapport vrai ; je détermine ce rapport ; je dis qu'il est vrai que la rose est odorante.

Il en est de même lorsque je dis que tout corps qui tombe dans le vide parcourt successivement des espaces proportionnels aux carrés des temps de sa chute.

C'est comme si je disais qu'il existe un rapport vrai entre les espaces parcourus successivement et les temps pendant lesquels ces espaces ont été parcourus.

Si je dis que dans une alternative il est nécessaire qu'on choisisse, par exemple qu'un Européen ne peut être que Français, Anglais, Allemand, Russe, etc., j'affirme qu'il est vrai que si l'une de ces déterminations ne convient pas à l'Européen, une autre lui convient.

Enfin si j'affirme qu'entre deux grandeurs il existe un rapport, j'affirme par là m ê m e que j'ai devant l'esprit des déterminations abstraites des choses entre lesquelles j'aperçois un rapport d'identité ou de non-identité, comme deux et deux font quatre, deux et deux ne font pas cinq.

Il en est de même si je dis que Paris est la même ville que la capitale de la France. Tous ces exemples prouvent qu'au fond de tout jugement se trouve cette assertion : il est vrai que... Le jugement, acte de l'entendement, est donc l'acte par lequel nous affirmons quelque chose comme vrai, qu'il s'agisse d'affirmer qu'un objet possède une qualité ou qu'un fait se passe suivant une certaine loi, ou qu'une certaine idée ne peut être réalisée dans une chose en possédant deux déterminations contraires, et qu'elle possède nécessairement l'une des deux, ou enfin que le jugement consiste à affirmer que nous saisissons un rapport d'identité, d'égalité ou d'inégalité entre d e u x représentations, le jugement consiste toujours à affirmer quelque chose comme vrai.

La vérité affirmée ne peut n'être qu'apparente, mais elle est toujours affirmée comme vraie.

Au contraire lorsque je me borne à n'avoir sous les yeux q u e d e s images, je ne détache p a s d a n s m o n esprit de cette image l'affirmation qu'un objet y est attaché.

Tant que je me borne à me représenter cette image, je n'affirme pas cette proposition que l'image est un objet, que je ne juge pas. Je puis par habitude insinuer en quelque sorte un jugement confus dans la représentation ; mais la représentation ne consiste pas dans ce jugement.

La preuve en est que lorsque nous supprimons ce jugement, nous n'en continuons pas moins à subir la représentation.

Il arrive souvent en effet q u e la représentation persiste dans l'esprit en dépit des efforts que l'esprit fait pour s'en débarrasser.

C'est cet acte d'affirmer quelque chose comme vrai que nous nous proposons d'étudier d'abord et qui est l'acte propre de l'entendement. Avez-vous compris l'essentiel ? 1 Qu'est-ce que juger ? 2 Toute connaissance suppose-t-elle un jugement ? 3 Une connaissance est-elle susceptible d'un jugement erroné ? Réponses: 1 - C'est affirmer que ce que je connais, positivement ou négativement, est vrai. 2 - Oui.

Connaître ne consiste pas seulement à se représenter des choses, mais à affirmer un rapport entre ces choses, et à déterminer la nature de ce rapport, son ordre : identité ou différence, égalité ou inégalité, etc. 3- Oui, si on appelle connaissance la simple représentation, qu'on ne parvient pas à juger ou que l'on juge confusément.

Nous ne faisons alors que subir ce que nous apprenons.

C'est au travers du jugement explicite que s'effectue le passage à l'acte de connaître.. »

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