l'activité de l'artiste relève-t-elle du travail ou du jeu
Extrait du document
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UNE ANECDOTE POUR COMMENCER (Art & Utilité):
Platon raconte que Socrate, avant son exécution jouait de la flûte.
Un disciple étonné lui demande: "Socrate, pourquoi, joues-tu de la
flûte avant de mourir ?" A cela, le condamné à mort lui répondit: "Je joue de la flûte avant de mourir pour jouer de la flûte avant de
mourir."
Parties du programme abordées: L'art, le travail.
Analyse du sujet: L'activité de l'artiste - celui dont la tâche a pour but la création d'oeuvres belles - relève-t-elle d'un métier obéissant à
des règles déterminées et précises, ou bien d'un exercice spontané, réalisé par pur plaisir ludique ?
Conseils pratiques: Un sujet qui porte sur la création artistique.
Prenez bien en compte l'action de l'intelligence, du labeur et du travail,
même si l'élément ludique joue un rôle non négligeable.
Le thème de cet énoncé porte sur la nature du génie artistique.
Le terme de nature est ici à entendre au sens d'essence, c'est-à-dire de
ce qui constitue le génie artistique en tant que tel, de ce qui fait son être tel.
Ceci, qui est une question de type proprement socratique (le
ti estin ou la quiddité de la chose est la finalité constante et transversale des dialogues de Platon), se trouve indiqué par l'emploi du verbe
“ relever ” qui, sans faire explicitement appel au lexique de la dialectique hégélienne, suppose la possibilité d'élever la particularité (du
génie) à son fondement d'essence.
Mais u n e telle prétention à la définition d'essence (du génie artistique) s e trouve, dans le cadre d e cet énoncé, orienté selon une
alternative : “ jeu ” et “ travail ” apparaissent comme étant des propriétés d'essence exclusives et contradictoires en tant que le “ ou ”
constitue un opérateur de disjonction.
En effet, le problème majeur consiste en la tension existant entre les sens originaires respectifs,
autrement dit étymologiques, de “ génie ” et d' “ art ”.
Mais ne devrait-on pas pouvoir penser la complémentarité des opposés apparents
(jeu et travail) afin de définir dans la plénitude de son essence le génie artistique ?
Relativement à cette problématisation du sujet, deux enjeux structurent le développement du propos : premièrement, penser le génie
artistique dans sa dépendance définitionnelle à l'égard de la notion d'inspiration ; pour, dans un second temps, s'interroger sur l'acception
primitive du terme d'art comme technique (technè).
I.
L'inspiration
Puisqu'il est question d'une définition d'essence du “ génie artistique ”, posons en premier lieu le sens d u “ génie ”.
Génie signifie à
l'origine une instance divine avec laquelle l'individu est en relation directe (pensez au daîmon de Socrate).
Le génie est ainsi ce qui inspire,
le principe et l'origine de l'inspiration.
Une telle conception de la nature de l'artiste se trouve exemplifiée dans le Ion de Platon, dialogue
en lequel le poète prend la fonction d'être le médium du divin qui le transcende.
L'artiste est le mage ; l'artiste est le prophète (voir la
figure du poète romantique à ce propos).
Mais dans penser la nature du génie artistique c o m m e expression du jeu de l'inspiration conduit l'art à être conçu c o m m e expression
d'une finalité qui lui serait endogène.
Dans son libre jeu, hors de toutes contraintes et de toutes règles (puisqu'inspiré, l'artiste est en
totale déprise sur l'ordre de sa volonté, mais se révèle être l'élément diaphane de la procession du divin), l'inspiration est à elle-même sa
propre fin, ne trouvant son accomplissement que dans l'infinie itération de son jeu (le “ encore une fois ! ” de Zarathoustra).
Etant à luimême sa propre fin, et n'ayant pour fin que sa re-production, le jeu de l'inspiration ne produit rien d'extérieur à lui : le jeu de l'inspiration
pure n'est pas poïesis, autrement dit n'est pas poétique, ou encore n'est pas art – pour autant que l'art se définit par la production (poïein)
d'un objet extérieur à l'agent (Aristote).
En conséquence, définir l'essence du génie d e l'artiste par le jeu conduit, et telle est également l'aporie propre a u x romantiques
allemands (selon Hegel), à faire de l'extase mystique le terme absolu de l'(im-)productivité artistique, extase en lequel l'individu artiste
se réunit à la divinité du tout dont il procède (en tant qu'inspiré par le divin).
Le jeu de l'inspiration pèche par manque de rationalité, c'està-dire par son incapacité à saisir sa structure dans la nécessité de sa totalité.
Le jeu (compris comme itération de l'inspiration) échappe à
l'épreuve de la négativité concrète du réel qui seule lui permettrait d'incarner ce qu'il produirait – le jeu reste abstraction sans efficience.
Pour employer un lexique nietzschéen, il lui m a n q u e le marteau, qui n o n seulement détruit m a i s également sculpte, et permet à
l'innocence du jeu de l'enfance de devenir nécessité.
II.
Le formalisme
Etymologiquement, l'art signifie en premier lieu la technique.
En tant que technique, il se caractérise par la production exogène, autrement
dit par l'extériorisation-extraction d'objets différents de lui-même.
Ainsi seulement lui est-il possible de se réaliser.
Car c'est dans
l'épreuve de la négativité de la matière par l'idée que l'art impose sa forme à un contenu et devient chose, objet d'art (quel serait l'artiste
qui ne produirait pas – la performance étant elle-même toujours déjà production, c'est-à-dire extériorisation ?) – les poèmes ne se font
pas avec des idées, il faut des mots organisés par la maîtrise technique du langage, aurait-on rétorqué à Degas qui se sentait inspiré à
composer.
Mais le problème d'une définition de l'essence du génie artistique par la notion stricte de travail, autrement dit sa réduction à la maîtrise
technique acquise par l'exercice (de l'in-formation de la matière par l'idée), consiste en ce que tout travail procède d'un apprentissage
auquel chacun peut être initié.
Comment dès lors concilier une telle acception de la définition d'essence avec ce qui est supposé est un
trait fondamental du génie : l'unicité ?
Conclusion
-
En conséquence, ni le travail, ni le jeu ne suffit à définir exclusivement l'essence du génie de l'artiste.
L'alternative de l'énoncé doit
être dépassée pour penser la complémentarité des termes erronément opposés (jeu et travail).
Ainsi, le génie de l'artiste peut-il se
définir comme acte technique de transfiguration du réel révélant la nécessité universelle de l'idée ; le génie est le processus même
d'in-formation (mise en forme) de l'inspiration où alors se conjoignent le jeu et le travail.
Ainsi seulement l'indétermination de
l'inspiration sans forme peut-elle devenir nécessité, et le hasard vaincu mot à mot… (Mallarmé).
-
Tout jeu suppose des règles (Wittgenstein).
Les règles peuvent par définition être acquises – ainsi est rendue possible la maîtrise
(technique).
Tout jeu exige le travail.
Seconde correction.
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