L'action politique peut-elle trouver son sens et sa justification dans l'histoire ?
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Analyse du sujet :
Trois éléments doivent être analysés : l'action politique, la notion de sens et justification, et la notion d'histoire.
L'action politique : l'action peut se définir comme tout évènement s'il a pour cause un ou plusieurs hommes.
L'action
se distingue d'un simple mouvement en ce qu'elle est intentionnelle (elle contient une représentation de la fin visée,
cette fin étant ce vers quoi l'on tend, en latin : in-tendere).
Elle est politique dans la mesure où elle porte sur le
politique (la cité : les rapports des hommes entre eux par des liens de justice et de droit), mais aussi dans la mesure
ou elle est d'essence politique (impliquant une multiplicité d'individu), s'opposant ainsi à l'action individuelle (qui a
pour objet et pour source l'individu).
La sphère du politique peut être caractérisée comme sphère du public, par
opposition à la sphère du privé.
L'action politique vise donc toujours, en premier lieu, à régler les rapports entre les
hommes ; mais si on admet que l'homme est d'essence politique, en ce sens qu'il ne pourrait se réaliser qu'au sein
d'une cité, alors elle a également pour tâche l'accomplissement des individus à travers leurs relations réciproques.
L'action politique est donc le propre de l'Etat dans sa triple dimension judiciaire (les magistrats), exécutive (le
gouvernement) et législative (le peuple dans les démocraties).
Le sens : c'est la direction (le but, la fin) mais aussi la signification (l'intelligibilité, la compréhension, la possibilité
d'expliquer).
La justification : c'est ce qui rend raison = explique, fait comprendre, mais aussi légitime (au point de
vue du droit).
L'histoire : soit la recherche historique (l'histoire-discours) soit les évènements historiques (l'histoireréalité).
1.
Si on entend l'expression "dans l'histoire" au premier sens, la question est celle de savoir si l'action politique est
explicable / justifiable par l'histoire, auquel cas elle n'est pas ce qui explique mais ce qui est expliqué.
Dans ce
cadre, si elle peut trouver un sens, il est difficile de la justifier : à moins que l'action ait été effectuée dans le but
d'être rapportée par les historiens (auquel cas l'action politique serait explicable par l'amour propre : on agit parce
que l'on veut "rester dans l'histoire"), il semble que l'histoire n'est pas le but de l'action politique mais bien une
réécriture de cette action qui cherche à en comprendre les motifs.
Or, il y a peu de chance que cette recherche des motifs soit le motif même de l'action que l'on veut expliquer.
D'un
autre côté, si l'action politique fait l'histoire-discours alors il semble qu'elle ne puisse trouver en cela son sens et sa
justification : l'histoire devient propagande (exemple littéraire de réécritures de l'histoire : cf.
Orwell 1984 : le "Parti"
n'a de cesse de réécrire son passé afin de le mettre en accord avec le présent.
Mais aussi toutes les falsifications
historiques, le négationnisme etc.).
En ce dernier sens, et à nouveau, c'est l'histoire (ce que l'on écrit) qui est
"justifié" par l'action politique (autre exemple : comme le montre Gellner dans Nations et nationalismes, l'idée de
nation peut être considérée comme une reconstruction a posteriori.
Ainsi avant la colonisation de l'Algérie par la
France, il n'y avait pas de nation algérienne mais cette notion fut construite par les indépendantistes pour
rassembler).
2.
Si on l'entend au second sens : si l'action politique est justifiée et trouve son sens dans l'histoire-réalité, alors,
l'action politique paraît bien être une réaction et s'insère toujours au sein d'un ensemble plus vaste de conditions
historiques (par exemple économiques, culturelles, sociales) données.
Par exemple : une révolution serait justifiée et
trouverait son sens dans la pauvreté et la misère.
La thèse sous jacente à cette position est que l'action politique
n'est pas le moteur de l'histoire-réalité.
La question est donc d'identifier ce moteur (l'économie, le bien vivre, la
Providence etc.) qui joue derrière les actions politiques.
Au contraire si c'est l'action politique qui donne son sens et
sa justification à l'histoire, alors le sens de l'histoire doit toujours être rapporté à des acteurs ou des groupes
d'acteurs dont il faut rechercher les motifs : altruisme, intérêts égoïstes, etc.
Si l'action politique trouve son sens et sa justification dans la l'histoire, cela peut donc signifier deux chose : que
l'histoire lui donne sens et la justifie comme sa fin.
Mais alors il faudra s'interroger sur le sens de l'histoire lui-même,
car c'est ce sens qui déterminera alors le sens de l'action politique.
Ou bien cela peut signifier qu'elle la justifie et lui
donne sens comme cause efficiente, en ce sens que le passé (ce qui est historique) détermine le futur (le sens de
l'action politique).
En outre, si l'action politique ne trouve pas son sens et sa justification dans l'histoire, alors il faut
examiner la possibilité que ce soit parce que l'essence de l'histoire est l'action politique, en ce sens que l'histoire
n'est que la conséquence de l'action politique.
Il faut également analyser le "peut-elle" : soit empiriquement (de fait)
soit théoriquement (de droit).
Problème
L'action politique est l'action qui caractérise en propre l'action de l'Etat.
Elle a pour fin le bien public ou général par
opposition aux intérêts privés, en visant à construire une communauté d'hommes vivant en des rapports pacifiques
et profitables à chacun.
De ce point de vue, le but de l'action politique est sa propre fin, au sens de son
achèvement : la paix et l'unité politique.
De ce point de vue, l'action politique n'a pas tant pour sens (direction et
motivation) l'histoire que la fin de l'histoire : si l'histoire est bien cet ensemble d'évènements qui se succèdent en
d'imprévisibles nouveautés et révolutions, alors elle implique des ruptures et donc, un inachèvement et une
imperfection de l'action politique.
Dans cette logique, néanmoins, l'histoire reste la condition de possibilité de l'action
politique, car toute action n'a de sens que sur fond d'inachèvement.
Ainsi, l'action politique aurait pour sens la fin de
l'histoire, et pour justification l'histoire.
C'est "parce que" l'histoire n'est pas achevée ("tout n'est pas encore joué")
que l'action politique garde un sens (une finalité) et est donc
justifiée (rendue possible, voire nécessaire).
Mais d'un autre côté, y aurait-il histoire sans actes politiques ? N'estce pas l'acte politique par excellence (l'établissement d'une nouvelle constitution, par exemple) qui "ouvre" l'histoire,
loin que ce soit l'histoire qui permette à l'action politique d'exister ? En ce dernier sens, l'action.
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