L'accord entre les hommes est-il un critère suffisant de la vérité ?
Extrait du document
«
Définition des termes du sujet:
Vérité
La vérité concerne l'ordre du discours, et il faut en cela la distinguer de la réalité.
Elle se définit traditionnellement
comme l'adéquation entre le réel et le discours.
Qualité d'une proposition en accord avec son objet.
La vérité formelle, en logique, en mathématiques c'est l'accord
de l'esprit avec ses propres conventions.
La vérité expérimentale c'est la non-contradiction de mes jugements,
l'accord et l'identification de mes énoncés à propos d'un donné matériel.
On distinguera soigneusement la réalité qui
concerne un objet (ce cahier, cette lampe sont réels) et la vérité qui est une valeur qui concerne un jugement.
Ainsi le jugement : « ce cahier est vert » est un jugement vrai ou bien un jugement faux.
La vérité ou la fausseté
qualifient donc non l'objet lui-même mais la valeur de mon assertion.
La philosophie, parce qu'elle recherche la vérité, pose le problème de ses conditions d'accès et des critères du
jugement vrai.
Critère: du grec kritêrion, ce qui sert à juger.
C'est une norme qui permet de reconnaître les valeurs de bien ou
de mal, de vrai ou de faux.
Accord: état qui résulte d'une communauté ou d'une conformité de pensées, de sentiments; c'est une entente.
Être d'accord, c'est être du même avis, partager la même idée.
[Introduction]
Classiquement, la vérité consiste à réaliser l'accord de la pensée et du réel.
La notion de vérité renvoie au problème
de la connaissance.
Mais la définition de la vérité ne s'impose pas de manière évidente à l'esprit : elle n'est pas
observable, mesurable.
Peut-on trouver un critère universel de la vérité, applicable à tous les domaines –
scientifique, mathématique, moral, philosophique, historique ? Ce critère serait-il l'accord entre les hommes ?
[I.
S'accorder, est-ce un critère de vérité ?]
On peut s'accorder sur des objets dont la démonstrations répond aux critères logiques de la pensée.
Il est aisé de
s'accorder sur des propositions mathématiques, par exemple : il suffit de procéder par ordre et clarté, de suivre les
règles.
Si nous suivons les mêmes normes de raisonnement, nous nous accordons sur le théorème de Pythagore, ou
la relativité d'Einstein.
La vérité mathématique est une vérité formelle sur laquelle les hommes s'accordent.
D'ailleurs,
Descartes ne dit pas autre chose dans le Discours de la méthode : les quatre règles de sa méthode permettent de
parvenir à une idée claire, distincte, évidente et donc à une idée vraie.
Après avoir discuté, argumenté, on peut aussi s'accorder sur des domaines non vérifiables scientifiquement, comme
la politique, la vision du monde, etc.
Mais ces domaines étant de l'ordre de la subjectivité, il est impossible d'affirmer
leur vérité.
Car il s'agit ici d'une vérité éprouvée dans l'intimité de mon être, même si elle est partagée par des
millions d'autres hommes.
C'est le cas des croyances religieuses, par exemple.
N'oublions pas qu'il existe également des techniques sophistiquées de persuasion, voire de manipulation.
Dans ce
cas, l'accord entre les hommes peut être le résultat de cette manipulation.
Le langage est un instrument de
domination.
Un bon rhéteur n'est pas nécessairement
quelqu'un qui dit la vérité.
Les discours des sophistes prouvent qu'il est possible de défendre n'importe quelle cause,
de soutenir n'importe quelle thèse, à condition de manier l'art oratoire et les règles de la rhétorique.
[II.
S'accorder, est-ce un critère nécessaire de la vérité?]
Ce qui est clair c'est que, pour progresser, il est nécessaire de s'accorder.
Il faut donc obtenir un consensus : que
ce soit par la preuve logico-mathématique, l'argumentation, la persuasion, l'échange, etc., il est nécessaire de
s'accorder pour que nos connaissances progressent, se développent.
Il est par exemple nécessaire de s'accorder sur
la définition des mots si l'on veut communiquer.
Platon démontre dans ses Dialogues la nécessité de rencontrer la pensée de l'autre pour
s'élever vers la vérité.
Il est indispensable de confronter ses opinions avec celles des
autres pour les approfondir, les critiquer, les remplacer par d'autres mieux fondées.
Le
dialogue stimule les esprits et ouvre de nouveaux horizons.
Les scientifiques ne
progressent que de cette façon.
La vérité qu'ils découvrent est le résultat de
confrontations, de vérifications, pour aboutir à une vérité admise par tous, jusqu'à ce
qu'elle soit à son tour dépassée.
Car toute vérité scientifique est une opinion partagée
par tous les spécialistes.
L'accord avec autrui est donc un critère nécessaire de vérité : penser, c'est toujours
communiquer sa pensée à autrui.
La vérité ne peut donc se fonder que sur la
communication et la reconnaissance de cette vérité par tous.
En effet : ou le vrai est
quelque chose d'indicible, d'incommunicable, et dans ce cas il n'y a rien à en dire, ni
personne à convaincre ; ou le vrai est ce qui se démontre et se discute, ce dont on
peut rendre raison grâce à l'argumentation, et alors il peut être l'objet d'une élaboration
commune, d'un consensus.
[III.
L'accord entre les hommes n'est pas un critère suffisant de vérité].
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