L'accord des esprits ?
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INTRODUCTION
Le désaccord entre interlocuteurs est une situation fréquente, mais toute discussion vise peut-être à trouver
un terrain d'entente.
Si l'accord se fait entre des esprits, sur quoi peut-il porter? Est-ce seulement sur des
principes généraux, indépendamment des moyens — ou l'accord doit-il être plus complet, et concerner aussi
bien les contenus de pensée que les fins et les moyens?
I.
Conditions d'un accord
— Rappel historique: le modèle socratique souligne qu'il n'y a d'accord possible qu'à deux conditions:
• définir un protocole du dialogue,
• s'entendre sur le sens des mots qu'on utilise.
— En effet, le vocabulaire ordinaire est généralement ambigu: il véhicule des présupposés implicites, des sens
sous-entendus et confus.
— Par ailleurs, l'accord ne peut survenir qu'au terme d'une argumentation: une position intellectuelle, un
contenu de pensée peut se substituer à une opinion s'il est démontré rationnellement que cette substitution
est nécessaire, mais encore faut-il que l'interlocuteur reconnaisse la valeur de la démonstration: l'accord est,
par exemple, impossible, entre un passionné et un raisonneur.
II.
L'accord sur les vérités
— Les conditions d'un accord sont réalisées le plus rigoureusement dans les démarches scientifiques :
• tout particulièrement dans le domaine mathématique, puisque l'esprit y définit ses objets en même temps que
les règles de leur emploi,
• de façon plus générale par la rationalité scientifique, qui suppose la définition d'un vocabulaire débarrassé de
toute ambiguïté, et des règles de
formation des énoncés qui sont pratiquées par tous les membres de la communauté scientifique.
— Toutefois, il n'est jamais absolument garanti que les discours scientifiques eux-mêmes soient totalement
débarrassés d'implications passionnelles.
Lorsque ces dernières y demeurent, l'accord n'est, au mieux,
qu'apparent: il masque la réalité des conflits d'intérêts.
III.
L'accord sur les valeurs
— D'un point de vue kantien, l'existence d'une loi morale dont chaque sujet est le législateur (pour lui en même
temps que pour l'ensemble de l'humanité) doit garantir un accord de tous sur la nature du Bien.
Mais:
— 1.
une vision plus brutale ou «réaliste» des situations fait valoir que ce repérage du Bien se heurte lui-même
au jeu des passions (d'où l'écart constant entre la morale kantienne et la réalité quotidienne, politique, sociale,
etc.).
— 2.
La différence, chez Kant lui-même, entre l'action simplement conforme à la loi et l'action accomplie pour
la loi montre qu'un éventuel accord sur les buts à poursuivre peut être ambigu, et maintient la possibilité d'une
divergence sur les moyens (exemples historiques : toutes les grandes religions monothéistes sont d'accord pour
préparer le salut des âmes, mais dans leurs pratiques, elles se retrouvent dans des situations conflictuelles).
CONCLUSION
L'accord entre les esprits reste un pari.
Mais il n'a de chance d'être gagné que si se trouvent définies en
priorité ses conditions, c'est-à-dire les règles de formulation des discours, tant dans leur vocabulaire que dans
leur forme logique..
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