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La volonté n'est-elle rien de plus que la force de nos sentiments

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« La volonté n'est-elle rien de plus que la force de nos sentiments et de nos idées ? INTRODUCTION.

— A la différence des animaux et des choses qui sont déterminés, l'homme peut se déterminer lui-même : c'est en cela que consiste la volonté.

Mais comment se détermine-t-il ? Une psychologie simpliste fait de la volonté un absolu qu'exprime bien la formule de ceux qui se trouvent à court de raisons : « Je veux parce que je veux.

» Au moins, dans ce cas, le vouloir constituerait un commencement absolu, indépendant de la force des représentations ou de celle des sentiments. Or, nous le savons suffisamment par expérience, celui qui se trouve réduit à expliquer ses décisions par un « je veux » qu'il prétend suffire peut bien croire faire acte de volonté, mais ceux qui l'observent sentent ou savent bien que ce « je veux » est passionné; quand j'ai recours à cette justification, ne me détermine pas; je suis déterminé. D'ailleurs, un acte qui procéderait du seul vouloir manquerait de raison suffisante; il serait irrationnel, alors que la volonté consiste dans le pouvoir de se déterminer rationnellement.

Le « je veux » sans raison de vouloir cache l'action de forces qui s'imposent et font de la décision prétendue volontaire un acte passif qu'on ne saurait attribuer à la volonté. Il n'y a donc pas de détermination volontaire sans des forces d'ordre affectif qui portent à l'action et sans des lumières intellectuelles qui dirigent le choix.

Dans ces conditions, on peut se demander si la volonté, qu'une psychologie simpliste considérait comme l'explication suffisante de l'activité dite volontaire, reste nécessaire et si elle ne se réduit pas à la force de nos sentiments et de nos idées. I.

— ELLE EST AU MOINS LE POUVOIR DE RÉSISTER A LA FORCE DES SENTIMENTS ET DES IDÉES Si la volonté n'était rien de plus que la force des sentiments et des idées, cette force entraînerait spontanément l'action.

Or, une autre force intervient souvent qui freine cette spontanéité. A.

— Le fait de l'inhibition. Souvent, en effet, bien que nous éprouvions de désirs très vifs et estimions raisonnable d'agir, nous ajournons la réponse définitive (exemple).

Condition nécessaire de la décision volontaire, les mobiles d'ordre affectif et les motifs d'ordre intellectuel n'en sont donc pas la condition suffisante : il faut, de plus, un « je veux » qui vient d'ailleurs.

La volition est si peu réductible aux sentiments et aux idées que celui qui agit d'après les sentiments, et les idées de l'instant est considéré comme un impulsif.

Or, l'impulsivité est une forme d'aboulie et non de volonté. B.

— L'explication de ce fait. Mais, en reconnaissant à l'homme le pouvoir d'inhiber la pression des forces qui le poussent à agir, ne retombons-nous pas dans la conception simpliste rejetée au départ : ce refus de l'action immédiate n'est-il pas une forme négative du « je veux parce que je veux » (« je ne veux pas parce que je ne veux pas ») et ne s'explique-t-il pas par l'action des sentiments et des idées ou de quelque autre force inconsciente ? Par des sentiments et des idées.

— Effectivement, ai nous subissons l'attrait de la perspective présente, celle-ci ne comble pas tous nos voeux car nous aspirons à beaucoup plus : cette aspiration ne suffit-elle pas à expliquer la remise de la décision ou même le refus d'un bien désirable mais dont l'obtention pourrait nous priver de plus grands biens ? Une expérience répétée nous l'a appris : pour avoir suivi l'impulsion immédiate, nous nous sommes bien souvent engagés sur une mauvaise route et nous avons regretté la hâte de notre choix : aussi nous sommes-nous fait, plus ou moins consciemment, un principe de sagesse pratique de ne pas céder au premier mouvement et de prendre le temps de la réflexion. L'acte volontaire ne résulte donc pas des forces affectives et représentatives de chaque instant : nous pouvons freiner le jeu de ces forces.

Mais pour cela nous mobilisons d'autres forces affectives et représentatives.

Il semble donc légitime de répondre affirmativement à la question posée : la volonté n'est rien de plus que la force de nos sentiments et de nos idées. Par une autre force.

— L'analyse à laquelle nous venons de procéder semble indiscutable, mais la conclusion ne dépasse-t-elle pas les données ? Cette intervention de puissances virtuelles qui s'opposent au déclenchement spontané de l'action n'est-elle pas précisément l'effet du vouloir ? Nous avons parlé de mobilisation.

Or, on ne mobilise pas des forces sans une certaine force préalable : il faut une certaine énergie pour déposer l'explosif dans le fourneau de mine, puis pour y mettre le feu.

La volonté ne consisterait-elle pas dans le pouvoir de manoeuvrer sentiments et idées ? Cette manoeuvre s'avère, il est vrai, bien difficile.

Nous le savons par expérience, nous ne sommes pas pour grand-chose dans, la naissance de nos sentiments et de nos idées; ils se présentent spontanément et échappent aux efforts que nous tentons pour les réprimer.

Il n'y a cependant pas de volonté sans une certaine maîtrise de notre vie psychique : l'obsédé et le scrupuleux, chez qui les puissances d'inhibition empêchent tout engagement, manquent de volonté tout comme l'impulsif incapable de résister à l'impression immédiate. Qu'il s'agisse des forces spontanées ou de celles que suscite la réflexion, l'homme possède dans une certaine mesure le pouvoir de les accepter ou de les refuser.

L'acceptation et le refus se traduiront par le comportement; car si je ne manie pas mes sentiments et mes idées comme je le veux, je reste maître de mes muscles et, par eux, je maîtrise indirectement ma pensée et ma vie affective.

Dans les mouvements volontaires du corps nous avons bien conscience, semble-t-il, de l'intervention d"une force autre que les sentiments et les idées. Mais comment expliquer cette autre force ? — Reste néanmoins la difficulté essentielle que nous pouvons ramener à cette alternative : ou bien ces mouvements volontaires grâce auxquels nous maîtrisons le jeu du psychisme sont un résultat du seul vouloir, d'un de ces « je veux parce que je veux » que nous avons rejetés comme irrationnels et illusoires; ou bien ils s'expliquent par la mise en jeu de mobiles ou de motifs nouveaux, et dans ce cas encore la volonté se réduirait à la force des sentiments et des idées. Ainsi nous piétinons sur place.

Ce n'est pas en réduisant la volonté à un pouvoir d'inhibition que nous pouvons résoudre le problème posé.. »

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