La volonté est-elle, à votre avis, la résultante de forces psychiques, le fruit de la discipline sociale ou un pouvoir spirituel autonome ?
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La volonté est-elle, à votre avis, la résultante de forces psychiques, le fruit de la discipline sociale ou un pouvoir spirituel autonome ?
(Sujet assez ordinairement traité dans les cours, mais que les mots « à votre avis » conseillent de développer de façon surtout personnelle.)
Il semble, au premier abord, que l'acte volontaire soit extrêmement complexe : mon choix final ne dépend-il pas souvent de mon état de santé.
de l'influence
du milieu où je me trouve ou de ceux que j'ai fréquentés P Ne dépend-il pas surtout de l'attrait des mobiles variés et de l'examen attentif et prolongé de
motifs parfois nombreux ?
Mais me voici au n'ornent de la décision : après la longue délibération, un acte net, bref, simple : le conflit est tranché en un sens ou en l'autre...
Devant ce double aspect, une question se pose d'elle-même, la volonté est-elle une simple résultante d'agents physiologiques, psychiques ou sociaux ? Ou
bien est-elle une force simple jouissant d'une certaine autonomie ?
Nous pouvons laisser de côté la conception biologique de la volonté envisagée par RIBOT : ce n'est qu'un aspect spécial de l'épiphénomisme : sa valeur
est ici à tout le moins aussi illusoire que celle des divers points du système, qui fait ordinairement l'objet d'une réfutation de base et d'ensemble : le choix
raisonné et motivé de la volonté est loin du réflexe, si perfectionné qu'on le dise.
Il reste à envisager les autres hypothèses.
I - La volonté et les agents psychiques.
Un jour de congé, à une date déjà proche de l'examen, un camarade vient m'inviter à une agréable partie de plaisir.
Je puis, évidemment, me décider à
l'acceptation de la promenade ou à la sauvegarde d'une soirée d'étude bien utile.
Si mon acte de volonté se résout définitivement à être le résultat d'agents d'ordre psychique, il ne peut y avoir que deux suppositions :
ou bien j'ai cédé à la voix de la sensibilité, au mobile du plaisir, à l'attrait du désir;
ou bien j'ai écouté la voix de la raison, obéi à un motif réfléchi et fait un acte d'intelligence, quel que soit d'ailleurs le sens de mon choix.
La première conception est celle du sensualiste C O N D I L L A C et se rapproche de celle des affectivistes WUNDT et RIGNANO ; la seconde est celle des
intellectualistes à tout degré (SOC RA TE, PLA T O N , D E S C A R T E S , S P I N O Z A , HERBA RT).
A .
Or, le désir et les tendances affectives nous apparaissent avec des caractères tout différents de ceux constatés dans l'analyse d'un acte volontaire.
Le désir, en effet, est spontané et fatal, irréfléchi; il naît en nous sans nous, souvent malgré nous et nous attire vers un objet concret envisagé comme tel : il
nous entraîne hors de nous; si nous y cédons, nous perdons plus ou moins notre autonomie.
Dans l'acte volontaire, nous sentons fort bien qu'il sort de nous, que nous en sommes les auteurs libres et responsables, parce que d'abord réfléchi.
C e qui
nous décide, c'est toujours la notion abstraite de bien et nous nous sentons, en le posant, en pleine possession de nous-mêmes : il exprime vraiment notre
« moi » qui se dompte ainsi pour ne pas céder à l'appel du désir; c'est ce que W.
JA MES appelle prendre « la ligne de plus grande résistance ».
B.
Ramener la volonté à un pouvoir d'ordre intellectuel ne satisfait pas davantage, si l'on veut aller au fond des choses.
Sans doute, la décision est précédée d'une délibération, puisque l'acte de volonté suppose la représentation rationnelle du but; sans doute aussi toute idée
a une force motrice.
Mais que de fois la délibération n'amène aucune décision; que de fois aussi nous jugeons d'une façon et agissons d'une autre.
La raison en est multiple : c'est qu'à côté des éléments intellectuels ou motifs interviennent les éléments affectifs ou mobiles.
C'est aussi que voir, juger,
même sur un terrain pratique, et agir sont deux actes et deux domaines différents.
C .
Resterait que le pouvoir d'action volontaire soit une résultante brutale des motifs et des mobiles, de l'esprit et du désir, allant jusqu'à s'annuler lorsqu'ils
se compensent en sens contraire, ce qui expliquerait bien les suspensions de décision.
Mais comment expliquer alors que deux personnes ayant les mêmes motifs et les mêmes mobiles se décident de façon diverse dans le même cas ? M oimême, en des circonstances semblables, je n'agirai pas toujours de la même manière.
Il faut donc chercher ailleurs.
II.
- LA VOLONTÉ ET LES DISCIPLINES SOCIALES.
A .
C 'est la thèse sociologique formulée par C harles BLO NDEL.
T out acte de volonté est obéissance et conformisme à un impératif collectif légal, moral ou
mondain.
Si je me décide pour la promenade et la partie de plaisir, c'est par politesse, influence de milieu, peut-être respect humain « pour faire comme les autres »;
si je décide de rester à mes livres, c'est encore pour obéir à la grande loi morale du travail et du devoir professionnel.
C 'est l'impératif le plus fort qui l'emporte et vient faire la discrimination entre les motifs et mobiles.
B.
Il est bien vrai que le milieu exerce sur nos décisions mille influences par l'éducation, la formation morale, la mode, le snobisme...
Mais qu'on le remarque
:
1° Bien des fois, je me décide volontairement sans aucun motif social.
2° C eux qui subissent l'influence du milieu, les moutons de Panurge, les esprits serfs de NIETZSCHE sont précisément les êtres les moins volontaires;
résister au conformisme, c'est, au contraire, faire preuve de volonté en même temps que de personnalité.
3° Et s'il y a conflit d'impératifs collectifs, qui choisira, sinon une réflexion et un pouvoir d'action personnels ?
4° C 'est ce qui explique que des personnes appartenant aux mêmes milieux réagissent de manières différentes dans les mêmes situations.
III — LA VOLONTÉ, POUVOIR SPIRITUEL AUTONOME.
La faculté de vouloir est donc un pouvoir personnel, et non social.
Il se distingue de l'intelligence, comme agir de connaître; et du désir, comme une
tendance rationnelle se distingue d'un appétit sensible.
Son objet propre, le bien raisonné et abstrait, en fait un pouvoir spirituel.
Mais ce pouvoir ne subit pas passivement les motifs et les mobiles ni les impératifs sociaux à la façon d'une résultante ou d'une balance.
Il les assimile, les
domine, tout en les faisant siens; enfin, il résout leur multiplicité et parfois leur opposition dans une synthèse personnelle et active qui diffère suivant les
individus.
En un mot, c'est une faculté originale et indépendante d'autodétermination et d'action « qui fait de l'homme l'auteur et le père de ses actes » (A risToT E);
une puissance de sélection et de direction, d'innovation aussi : « pouvoir que possède une conscience attentive de se modifier elle-même en surveillant le
jeu de ses représentations et en réglant la force de ses tendances.
» (W.
JA MES.)
A ce pouvoir directeur revient la maîtrise de nous-mêmes et la conduite de notre vie.
A insi est résolue l'antinomie apparente constatée au début : Si l'acte volontaire pris dans son ensemble est complexe au premier abord, c'est que les divers
agents biologiques, psychiques et sociaux y apportent leurs éléments multiples.
Mais l'acte de volonté proprement dit nous révèle et traduit par sa simplicité le caractère spirituel et autonome du pouvoir personnel qui le produit..
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