La volonté de puissance est-elle le principe de toutes choses ?
Extrait du document
«
Introduction.
- Ce terme un peu mystérieux, volonté de puissance, revient
souvent dans les oeuvres de Nietzsche.
Ces mots devaient, servir de titre à l'ouvrage qu'il composa aux derniers mois
de sa vie consciente.
Que signifie exactement cette expression ? et quelle
importance a la tendance ainsi désignée ?
1re partie — Définition.
L'homme, ou même, plus généralement, l'être, tend à
déployer sa force, d'abord pour se dégager de l'influence d'autrui, ensuite pour
exercer son influence sur autrui, pour dominer autrui.
Par exemple, l'homme tend à dominer
A.
— les choses ;
B.
— les animaux ;
C.
— les autres hommes, soit matériellement, soit intellectuellement ou
sentimentalement.
2e partie.
— L'importance de cette tendance se révèle en dehors même de
l'humanité ; car:
A.
— les végétaux ;
B.
— les animaux aspirent non au bonheur (dont ils ne se font aucune idée),
mais EU déploiement de la puissance.
3e partie.
— En tout cas, chez l'homme, cette tendance explique un grand nombre de faits:
A.
— d'abord ceux qu'on attribue vaguement à l'égoïsme et que l'on constate à tous les âges (exemple : taquinerie
de l'enfant) ;
B.
— mais aussi ceux que l'on attribue à l'altruisme :
a) amour (il s'agit de posséder un autre être) ;
b) amour maternel et paternel ;
c) bonté, pitié ;
C.
— et aussi ceux que certains expliquent par l'amour
d'un idéal :
a) l'artiste et
b) le saint ne songent qu'à exercer sur autrui leur volonté de puissance.
4e partie.
— La vie sociale aussi révèle la volonté de puissance ; par exemple:
A.
— l'autoritarisme ;
B.
— les luttes de classes (problème de la propriété) ;
C.
— les conflits entre nations.
5e partie.
— Discussion.
Il est exact que cette tendance, fort bien nommée par Nietzsche, explique un grand
nombre de faits.
Cependant il serait exagéré de ramener à elle:
A.
— l'ensemble des tendances égoïstes : beaucoup s'expliquent par l'instinct de conservation, qui ne s'identifie pas
avec la volonté de puissance ; car il peut même s'opposer à elle;
B.
— les formes sincèrement désintéressées de l'altruisme
C.
— et de l'amour d'un idéal.
Conclusion.
— Ces réserves n'empêchent point de considérer la volonté de puissance comme une tendance
particulièrement importante.
En elle-même elle n'est moralement ni bonne ni mauvaise.
Elle peut se déployer contre
les autres ; elle peut aussi être mise à leur service.
Il n'est pas de vertu plus belle que le courage au service de la
bonté.
SUPPLEMENT:
La règle de conduite commune aux individus est la réciprocité, à la condition qu'ils appartiennent au même
corps social, avec les mêmes valeurs et les mêmes critères.
Chacun considère ainsi la volonté d'autrui comme
égale à la sienne, s'abstient par conséquent de commettre des actes de violence, d'offenser ou de voler, afin
qu'il ne lui soit pas fait de même.
Nous vivons d'ordinaire sous l'impératif de la moralité évangélique : "Ne fais
pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu'il te fasse." Cependant, il faut considérer que ce principe établi au
fondement de la vie sociale est une négation de la vie, un principe de décadence et de dissolution : "Vivre,
c'est essentiellement dépouiller, blesser, violenter le faible et l'étranger, l'opprimer, lui imposer durement ses
formes propres, l'assimiler, ou tout au moins, l'exploiter." L'essence de la vie est la volonté de puissance,
absolue et démesurée : elle vise la conquête, le déploiement de la force jusqu'à ses limites extrêmes, et ne
souffre ni pondération, ni mesure, ni limitations d'aucune sorte.
Si dans une société vivante les individus
s'abstiennent de faire le mal entre eux, c'est cette société elle-même qui exploitera ou tyrannisera une autre
société plus faible.
Si la moralité des moeurs est un principe de civilisation qui dompte la volonté vitale en ses
tendances barbares ou violentes, la vie reprend nécessairement le dessus, motivée par une volonté de
puissance par laquelle les forts dominent les faibles, et par laquelle le destin de toute force est d'aller jusqu'au
bout d'elle-même..
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