La vie en communauté met-elle en péril la personnalité de chacun ?
Extrait du document
«
Introduction : L'antagonisme présent ici concerne principalement les deux notions de communauté et de personnalité.
Par communauté, il
nous faut a priori entendre une union d'individus qui partagent entre eux quelque chose d e commun, le plus souvent des valeurs
identiques.
Nous pourrons ainsi parler d'une communauté religieuse, par exemple, lorsqu'il est question de moines d'un ordre particulier.
Mais, la communauté ne se limite pas à la religion.
Ainsi, la société dans laquelle nous vivons, le cercle de nos amis…peuvent former une
communauté.
Le critère principal est donc que nous nous reconnaissions dans une identité culturelle, et que nous soyons proches des
personnes qui partagent cette même identité.
Ainsi, nous pouvons dire qu'en nous regroupant dans l'adoption d e valeurs partagées,
nous formons un tout dont chacun des membres est une partie.
Se profile alors ce qui peut nous amener à nous poser la question du
sujet.
La personne à elle seule n'est-elle pas également un tout, une entité libre d e toute contrainte extérieure ? Comment peut se
former une personnalité propre si elle n'est que la partie d'un tout ? En effet, la personnalité renvoie à l'identité singulière d'un individu,
qui a en lui-même et par lui-même la possibilité de choisir les valeurs qui régiront son existence.
Dès lors, comment ces valeurs que
l'individu s e poserait lui-même librement peuvent-elles encore subsister si d'autres valeurs lui sont imposées de l'extérieur et qu'ils
doivent les adopter eu point de renier les siennes ? Le péril, ici, repose donc sur le fait que la communauté pourrait, en réduisant la
personnalité à une partie, en arriver à détruire la singularité de chacun et son identité propre.
L'individu perdrait alors sa personnalité et
sa liberté.
I/ L'homme a besoin d'une communauté pour vivre
Si nous voulons commencer par établir ce qu'il y a d'essentiel dans l'individu, nous ne pouvons que remarquer…sa dépendance à
l'égard d'autrui.
De fait, si l'individu veut exister tout à fait pleinement et librement, nous pouvons nous demander ce que vaudrait cette
existence hors de tout rapport commun avec d'autres personnes ? La liberté elle-même semble difficilement concevable pour quelqu'un
qui serait entièrement isolé.
(Cet isolement même est quasi-inconcevable).
Ne pouvant rien échanger, devant se passer de tout dialogue,
de toute civilité, l'homme perdrait ce qu'il y a de social en lui.
Hors, qui nous dit que l'homme n'est pas un être essentiellement social, un
« être-avec » qui ne pourrait s e passer d'autrui pour être homme lui-même ? Ainsi, la construction d e la personnalité repose
nécessairement sur le fait d'avoir conscience d'être un individu.
Or, cette conscience ne peut apparaître que dans une communauté où
l'homme partage quelque chose avec ses semblables (ne serait-ce que la langue, les repères…) Nous parlerons d'ailleurs de marginalité
lorsque ce rapport social n'a pas lieu.
Etablir une communauté, au sens de partager quelque chose de commun avec d'autres que soi, est
pleinement indispensable au développement d e la personnalité.
En reprenant Marx dans son Introduction à la critique d e l'économie
politique, nous pouvons admettre que « l'homme est, au sens le plus littéral, un animal politique, non seulement un animal sociable,
mais un animal qui ne peut s'isoler que dans la société.
La production réalisée en dehors de la société par l'individu isolé-fait exceptionnel
qui peut bien arriver à un civilisé transporté par hasard dans un lieu désert et qui possède déjà en puissance les forces propres de la
société-est chose aussi absurde que le serait le développement du langage sans la présence d'individus vivants et parlants ensemble.
».
L'homme est donc essentiellement un être qui a besoin de vivre en communauté avec ses semblables.
Rien ne l'empêche alors par la
suite d e former au sein de cette communauté, une autre communauté avec les personnes qu'il reconnaîtra comme lui étant les plus
proches.
Ce mouvement semble naturel et spontané.
II/ La communauté conduit l'individu à se fuir lui-même
Si ce regroupement en communauté semble rempli de spontanéité, ne peut-il pas être comparé à une fuite ? En effet, lorsqu'un
individu se trouve devant quelque chose qu'il ne connaît pas, dans un contexte dont il ignore tout et où il ne se sent pas pleinement en
sécurité (et tel est bien l'état des premiers hommes au milieu de la nature), il a une tendance naturelle à fuir.
Ceci afin de trouver une
protection, un abri, au milieu de ce qu'il connaît et de ce qui constitue ses repères les plus fondamentaux.
Seulement, cela n'en reste pas
moins une fuite.
Une fuite qui, au lieu d e ramener l'individu à lui-même, le conduit à abolir s e perdre dans la masse pour se sentir
protégé.
Cette protection, malheureusement, apparaît bien nuisible à sa liberté, à ce qu'il a de plus individuel en lui : sa capacité à se
distinguer par sa personnalité.
La communauté, en effet, l'identifie entièrement à chacun de ses membres, et par ce biais, tout ce qu'il y a
en lui de différent est aboli.
Or, cette différence peut notamment s e manifester dans le fait de franchir les limites d e sa propre
communauté, de s'ouvrir aux autres, mais aussi d'assumer sa propre responsabilité.
L'extrait du Point de vue explicatif sur mon œuvre
d'écrivain de Kierkegaard, insiste notamment sur ce fait que l'individu dans la foule perd toute responsabilité : « La foule, non celle-ci ou
celle-là, actuelle ou de jadis (…) mais la foule envisagée dans son concept, c'est le mensonge : elle donne une totale absence de repentir
et de responsabilité de chacun.
(…) Le mensonge, c'est d'abord que « la foule » ferait, soit ce que fait seul l'Individu au sein de la foule,
soit en tous cas ce que fait chacun pris isolément.
Car la foule est une abstraction et n'a pas de mains ; par contre, tout homme en a
ordinairement deux, et quand isolément, il les porte sur Caius Marius, ce sont bien les siennes et non celles du voisin et encore moins
celles de la foule qui n'en a pas.
Le mensonge, c'est ensuite de prétendre que la foule aurait le « courage » de le faire, puisque même le
plus lâche de tous les lâches pris individuellement ne l'est comme l'est toujours la foule.
» La personnalité est donc mise en danger dans
une communauté au sens où elle se perd, se noie dans une absence de responsabilité totale.
III/ La communauté doit former la personnalité
Dès lors, comment la personnalité d'un individu peut-elle prétendre à se développer dans la mesure ou nous avons défini l'homme
comme un animal essentiellement politique ? (qui ne peut se passer de partager quelque chose de commun avec ses semblables).
La
communauté, indispensable, pourrait alors être vécue sous l'œil du communautarisme, c'est à dire, faire croire que les valeurs qu'elle
respecte et qui lui serve de repères sont les seules valables.
Dans ce cas, toute personne qui n'appartiendrait pas à cette communauté
serait considérée comme un adversaire ou comme un être méprisable.
Il nous semble donc impératif de renforcer la personnalité pour
pouvoir reconnaître à la fois la nécessité et la limite de la notion de communauté.
Dans un premier temps, l'individu doit se soucier d'une
communauté…universelle.
Comme le dirait Kant, en effet, c'est cette prise en compte de l'universel qui peut conduire l'individu à la liberté
et qui l'amène également à se libérer lui-même d'un égoïsme naturel.
Ensuite, personne ne choisit quand il vient au monde, où il vient au
monde et pourquoi il hérite ses racines de tel peuple et non de tel autre.
Il est donc indispensable de comprendre cette donnée comme
quelque chose de non-choisi, qui ne repose sur aucun mérite personnel.
Cependant, il n'est pas besoin non plus de vouloir oublier cela ou
le cacher a u n o m de l'universalité.
En suivant Heidegger dans la seconde partie d'Etre et temps , nous pourrions dire que c'est par la
connaissance de ses racines, de sa provenance, de l'héritage de sa tradition, qu'un individu (Dasein) parvient à se connaître.
Il est alors
en mesure de prendre en main ce destin (entendez « héritage culturel ») qui lui a été légué, en formant sa personnalité à la liberté, au
sein même d e s a communauté.
De plus, rajoute Heidegger dans u n Entretien avec u n Japonais, ce n'est que dans cette mesure que
l'individu peut s'ouvrir aux autres cultures et traditions, rompant ainsi toute limite communautaire, en cherchant à connaître qui est
l'homme avec qui il dialogue, avec qui il partage…la parole, lien universel parmi les hommes.
Conclusion :
-L'homme ne peut vivre absolument comme un individu isolé : il perdrait par là même son statut d'individu.
-Néanmoins, la communauté peut également lui faire perdre sa personnalité propre.
-Vivre en communauté ne doit être qu'un moyen garantissant l'ouverture à l'universel.
La vie en communauté peut nuire à celui qui pense qu'elle constitue toute la vie..
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