La vertu, pour être morale, doit-elle être absolument désintéressée ?
Extrait du document
«
A.
— Opinion de certains philosophes qui, à la suite de Kant, et même plus rigoureux que lui (théorie des postulats),
prétendent que la vertu doit être absolument désintéressée : l'espoir d'une récompense ou la crainte d'un châtiment
enlèveraient au devoir son caractère absolu pour en faire un impératif hypothétique.
La moralité consiste à agir
uniquement par devoir, sans considérer autre chose.
« Agis uniquement d'après la maxime qui fait que tu puisses vouloir en
même temps qu'elle devienne loi universelle.
»
Les plus anciens travaux de KANT portent la marque de son intérêt pour la
morale.
Devenu professeur ordinaire de métaphysique et de logique le 31 mars
1770, Kant projette d'achever, au cours de l'hiver, ses recherches sur la
morale.
Cependant, les deux années suivante, il ne réussit qu'à rassembler
des matériaux et à esquisser un plan.
Absorbé par la mise au point de la «
Critique de la raison pure » qui ne sera publiée qu'en 1781, Kant ajourne son
projet.
Ce n'est qu'en avril 1785 que paraît, à Riga, « Fondements de la
métaphysique des moeurs ».
C'est le premier ouvrage dans lequel Kant traite
de manière directe de la morale.
Un exposé plus élaboré, plus philosophique,
cad authentiquement critique, paraîtra en 1788 : la « Critique de la raison
pratique ».
La réflexion morale se prolongera dans la « Critique de la faculté
de juger » (1790), « La religion dans les limites de la simple raison » (1790,
jusqu'à l' « Anthropologie » (1798).
Dans « Fondements de la métaphysique des moeurs », Kant cherche à donner
à la moralité son véritable fondement.
Dans cette perspective, il récuse
toutes les doctrines de l'Antiquité qui rattachent la morale au principe du
bonheur..
Lié à la satisfaction d'inclinations sensibles (besoins, désirs,
passions, tendances), aux possibilités qu'offrent la nature et la société, le
bonheur dépend de conditions qui sont relatives et ne peut donc servir de loi universelle ni être le principe
déterminant de la morale.
Plus généralement, Kant rejette la prétention de l'empirisme moral qui veut que l'homme ne
puisse agir qu'en fonction de principes relatifs à l'expérience, de telle sorte qu'il n'y aurait que des morales relatives,
variant suivant les moeurs, les lieux, les époques.
Selon lui, il n'y a de morale que du devoir.
Et comme l'homme, n'ayant pas une volonté sainte, n'agit pas nécessairement par devoir, la loi morale ne peut
prendre que l'aspect d'un commandement.
D'où l'impératif absolu & inconditionnel que Kant formule dans la deuxième
section de son ouvrage : « Agis uniquement d'après la maxime qui fait que tu puisses vouloir en même temps qu'elle
devienne loi universelle.
»
L'intelligence, la vivacité, le jugement (talents de l'esprit) ; le courage, la décision, la persévérance dans les
desseins (qualités du tempérament) ; le pouvoir, la richesse, la considération et même la santé (dons de la fortune)
– rien de tout cela n'est bon moralement sans réserve.
Toutes ces dispositions permettent, en effet, aussi bien un
usage souhaitable qu'un usage critiquable: le courage peut être mis au service du crime.
C'est précisément la
volonté qui en décide, en tant qu'elle est bonne ou mauvaise.
Qu'est-ce qui est bon sans restriction, cad de façon
inconditionnelle ?
« De tout ce qu‘il est possible de concevoir dans le monde, et même en général hors du monde, il n'est rien qui
puisse sans restriction être tenu pour bon, si ce n'est seulement une BONNE VOLONTE.
»
La bonne volonté est bonne, non pas d'abord par ses oeuvres ou ses succès, mais déjà en elle-même et pour ellemême : « Ce qui fait que la volonté est telle, ce ne sont pas ses oeuvres ou ses succès, ce n'est pas son aptitude
à atteindre tel ou tel but proposé, mais seulement à le vouloir ; autrement dit, c'est en soi qu'elle est bonne.
»
En quoi consiste donc la moralité d'une action ? Kant avance trois propositions :
• Premièrement, l'action qui a une valeur morale est celle qui est accompli par devoir.
Sont ainsi éliminées toutes les
actions contraires au devoir (le vol, le mensonge, etc.) et toutes celles qui, bien que conformes au devoir, sont
accomplies soit par intérêt personnel, soit avec une inclination immédiate pour le devoir.
Supposons un commerçant
qui fasse le juste prix à un enfant, mais par peur de perdre sa clientèle : son action est certes conforme
extérieurement au devoir, mais elle n'a aucune valeur morale car elle accomplit par intérêt.
Supposons maintenant
un homme joyeux, porté naturellement à répandre le bien autour de lui : son action est légalement bonne, mais n'a
aucune valeur morale car elle est accompli par inclination.
En revanche si ce même homme, un jour qu'il est assombri
par un chagrin continue néanmoins à faire le bien alors son action aura peut-être une véritable valeur morale.
La
simple conformité extérieure au devoir (ou légalité ne suffit donc pas.
En tant qu'il est acte par devoir, l'acte moral
est d'abord un acte conforme au devoir qui, de plus, a précisément ce devoir pour principe de détermination.
• Deuxièmement, une action accomplie par devoir tire sa valeur morale, non pas du but qui doit être atteint par elle,
mais de la maxime d'après laquelle elle est décidée.
Le succès de l'action ne peut servir de mesure à la moralité
puisqu'il dépend parfois de talents, de facultés qui sont hors de la portée de l'agent.
La moralité s'établit donc à
partir de la qualité de la volonté ou de l'intention qui sous-tend l'action.
• Troisièmement le devoir est la nécessité d'accomplir une action par respect de la loi.
Quelle peut donc être cette loi dont la représentation doit déterminer la volonté pour que celle-ci puisse être
appelée bonne absolument ? Un devoir est défini par le caractère d'une maxime ou d'une règle (principe qui
détermine la volonté).
La maxime est subjective si elle est et reste individuelle.
Elle deviendrait objective, nécessaire
(semblable à une loi de la nature) si tous les êtres raisonnables y subordonnaient toujours entièrement leur faculté.
»
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