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La vertu peut-elle s'enseigner ?

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« La vertu est considérée comme une disposition qui porte à faire le bien, au détriment du mal.

Au premier rang des vertus, on place traditionnellement la sagesse, la justice, la piété, le courage et la tempérance, que l'on nomme « vertus cardinales » en référence à leur unicité et universalité supposées. La question est ici de savoir si, à la manière d'une science, la vertu est à considérer comme une discipline dont la connaissance ou la pratique peut être acquise ou inculquée de quelque manière que ce soit.

Autrement dit, existe-t-il une méthode pour être vertueux ? 1- Si tel est le cas, il doit exister un manuel de la vertu, ou des spécialistes de la vertu à même de dispenser leur savoir.

Est-ce vraiment le cas ? 2- Le problème qui se dessine alors, comme nous l'apprend Platon, est que nous manquons cruellement d'une définition de la vertu, ce qui rend son enseignement difficile voire impossible.

Cependant, chaque homme semble tout de même avoir une opinion sur la vertu : d'où vient ce paradoxe ? 3- Si la vertu ne souffre pas d'enseignement, on peut néanmoins juger certains actes vertueux.

La vertu serait-elle alors une manifestation spontanée de l'inclinaison au bien qui réside en chaque homme, indépendamment de tout enseignement ? Cela reste à vérifier. La vertu, une discipline comme une autre ? On peut commencer par évoquer l'école des Cyniques qui contrairement aux écoles de philosophie antiques qui proposaient un cheminement long et technique pour arriver à la sagesse - prétendait que la voie la plus courte vers la vertu résidait dans son enseignement.

Selon cette école, être vertueux revient à vivre le plus simplement possible, ni plus ni moins.

Cet enseignement ne justifie d'ailleurs pas forcément le recours à un maître, comme on le constate en lisant Diogène Laërce (Vie, doctrines et sentences des philosophes illustres, Livre VI « Diogène ») : « Un homme lui amena un jour son enfant, et le présenta comme très intelligent et d'excellentes mœurs.

« Il n'a donc pas besoin de moi » répondit-il.

» Cette méthode, certes louable, se révèle cependant être peu compatible avec l'évolution des sociétés. Celles-ci peuvent en effet difficilement se passer de la prise en charge systématique de l'éducation des individus qui la composent.

On a d'ailleurs longtemps cru que l'on pouvait inculquer la morale aux enfants, à la manière de n'importe quelle autre discipline scolaire.

La méthode employée procédait par injonctions du type « tu dois » ou « il faut », sans forcément plus de justification.

Par analogie, on peut penser à un professeur de mathématiques qui enseigne l'arithmétique à son élève en lui faisant répéter ses tables d'addition et de multiplication en lui disant : « c'est ainsi et pas autrement ».

Que faire ici du libre arbitre et de la capacité de jugement de l'élève ? Doit-on l'empêcher à tout prix de se manifester pour que l'enseignement aille à son terme ? De plus, si la vertu pouvait effectivement s'enseigner à la manière d'une science, il faudrait alors qu'il existe des personnes spécialistes de la vertu aptes à former les âmes à devenir vertueuses.

La question est alors de savoir si fréquenter un grande âme suffit pour reprendre à son compte ses qualités.

On peut trouver d'une certaine manière cette idée dans la formation des religieux, où les élèves qui souhaitent rentrer dans les « Ordres » doivent au départ accepter d'adopter de façon mimétique le comportement jugé exemplaire de leurs pères.

Dans ce cas, comme chez les Cyniques, la volonté ou l'adhésion totale du sujet pour devenir vertueux semble la clé de la réussite de l'enseignement. Mais en dehors de ces cas exceptionnels, la vertu peut-elle véritablement s'enseigner ? La difficulté à définir la vertu et donc à l'enseigner Dans l'antiquité grecque, Socrate a mis beaucoup d'énergie à tenter de déterminer ce qu'était la vertu, condition préalable pour pouvoir l'enseigner.

On trouve l'illustration de cette recherche dans deux dialogues de Platon : le Protagoras et le Ménon. Dans le premier, Socrate affirme contre le sophiste Protagoras que la vertu, par sa nature propre, ne peut s'enseigner.

D'une part car elle n'est pas une technique (comme la médecine), dont seuls les spécialistes peuvent discourir véritablement.

Au contraire, tout le monde peut en donner sa propre définition sans avoir eu aucun enseignement, ce qui rend évidemment le consensus difficile à trouver.

D'autre part, les grands hommes, aussi vertueux soient-ils, peinent à transmettre leur savoir ou leurs aptitudes à leur proche, comme Périclès par exemple, le plus grand homme politique d'Athènes.

A la fin du dialogue, avec l'exemple du courage, Socrate avance cependant que plus un homme est savant, plus il est vertueux.

Si les lâches ne sont pas courageux, c'est qu'ils n'ont pas la science de ce qui est réellement à craindre et de ce qui ne l'est pas. A défaut d'être une science qui s'enseigne, la vertu semble au moins requérir un savoir abouti pour se manifester. Reprenant cette analogie avec la science, Platon met en scène Socrate avec Ménon dans un dialogue paradoxal : avant de savoir si la vertu s'enseigne, il faudrait déjà en donner une définition, ce que les deux interlocuteurs peinent à formuler dans la première partie du dialogue.

Au moment où la recherche semble échouer, Socrate présente sa théorie de l'immortalité de l'âme et de la « réminiscence » (ressouvenir lié à l'immortalité) pour expliquer qu'à son sens, si on ne peut définir la vertu, on peut au moins émettre quelques opinions vraies à son. »

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