La vérité est-elle un idéal inaccessible ?
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«
• Un idéal
Quand il s'agit de science physique ou mathématique, la pensée tente d'être en accord avec tout ce qu'elle voit et elle s'évertue à rendre le mieux possible
la réalité qu'elle observe.
En revanche, la vérité ambitionne un accord de la pensée avec elle-même, une sorte de cohérence logique.
Car il ne peut plus
s'agir de dire la réalité puisque l'esprit exige de la rendre intelligible.
Un discours logique se constitue.
Il peut parfois m'égarer et je surveille le langage,
puisqu'il constitue les liens de la vérité.
Il y a une aventure même de cette démarche.
• Vérité et mensonge
En morale, il serait commode de présenter le mensonge comme le territoire du menteur, de déclarer que le menteur connaît donc la vérité, mais qu'il la
dissimule.
En revanche, je me demande si le mensonge n'existerait pas en moi et en soi.
Et la boutade de Cocteau : « Je suis un mensonge qui dit toujours
la vérité » ne m'interroge-t-elle pas ? Ces deux territoires abstraits de la vérité et du mensonge ne sont pas aussi facilement délimités.
Nous avons des
formules banales, comme «A chacun sa vérité», pour signifier la difficulté d'en parler.
Mais nous nous fixons de dire la vérité.
• Dialectique et vérité
Je me demande de produire la vérité.
Je déclare que je la juge parfaite, pure, extrême, au moment même où je la ressens comme une simple possibilité, voire
une différence et il faudrait donc que je m'explique comment j'en suis arrivé à cette anomalie.
Socrate déclarait : « L'un ne saurait sans cloute être plus
raisonnable que l'autre, si les opinions de chacun sont pour chacun la vérité.
» En effet, j'utilise mon langage et ma forme rhétorique de discours et j'établis
ainsi une certaine vérité.
En revanche, ce mot de raisonnement subjectif et cette allusion à la rhétorique laissent planer un doute, comme si je me séduisais
quand j'établis la vérité.
Imaginons donc les dangers de la rhétorique, créatrice de mots et capable de supercherie.
Nous savons l'illusion et les dangers.
Le philosophe veille à
apprendre le chemin de la vérité.
Imaginons encore que la vérité existe et qu'elle se dévoile» par une certaine forme et que nos expériences pourraient en
rendre raison.
Nous aurions l'arsenal des principes logiques et nous pourrions cerner ce territoire de la vérité.
A insi, le principe de contradiction et toutes
ses implications autorisent une démarche aisée et normale de toutes les vérifications expérimentales.
Nous avons posé le vrai et il existe.
L'empirisme
permettra plus tard à l'esprit d'envisager une recherche.
Mais l'axiomatique se fonde ainsi, et tout de suite.
L'exemple des mathématiques souligne bien ce
type de vérité.
Euclide affirme que la somme des angles d'un triangle est égale à deux droits et, sur cette base, je peux établir des chaînes de
raisonnements.
• une méthode et donc des règles
La démarche de Descartes reste actuelle.
Car il combine la logique, l'analyse des anciens et l'algèbre.
Et il commence par s'irriter de l'immense désordre et
de l'invraisemblable méli-mélo.
«Il est presque aussi difficile de séparer le bon sens du mauvais que de tirer une Diane ou une Minerve hors d'un bloc de
marbre qui n'est point encore ébauché.
» Descartes, après dix ans de voyages et de recherches constantes, ambitionne de trouver quelque chose de
rigoureux, de moderne et surtout de simple.
Grâce à son expérience politique, il pose qu'il faut chercher un petit nombre de préceptes.
C ar il sera toujours
plus facile de les observer, et que nous pouvons l'exiger de nous-mêmes.
Il s'en propose quatre.
Et c'est à l'âge de 41 ans qu'il estime pouvoir établir ces longues chaînes de raison, analogues aux chaînes des arpenteurs.
Il faut
découvrir et garder l'intime conviction que toutes les connaissances des hommes s'enchaînent rigoureusement, et donc qu'elles se déduisent à partir de
principes clairs.
Tout le lointain, tout le caché et tout le complexe sont à la portée de celui qui se met en marche vers la vérité.
• Technique de l'épistémologie
Il faut apprendre à se régler sur les objets.
L'empirique constitue cela comme un axiome indestructible.
Mais l'expérience et ses résultats ne rassemblent
jamais les opinions différentes des individus.
Donc il faut apprendre à se réunir et à s'accorder ensuite sur les capacités de l'esprit.
C'est là que Kant
propose à l'universel humain un système possible.
Admettons une connaissance a priori qui permet à tous de se comprendre et de parler, au moment
d'établir l'expérience.
Donc avant que nous établissions les règles, nous tenterions de les fixer communes.
Les concepts a priori « sur lesquels tous les
objets doivent nécessairement se régler, et avec lesquels ils doivent s'accorder », voilà l'idéal pratique.
L'homme essaie de quitter les illusions, celles du rêve ou de ses choix, et il pose calmement des règles de l'objectivité.
Einstein concluait : « Les concepts
physiques sont des créations libres de l'esprit humain.
Elles ne sont pas uniquement déterminées par le monde extérieur.
»
a.
Enjeu
S'il n'y a pas de définition objective, ou s'il n'y a pas possibilité d'établir la vérité sur quelque chose, on obtient une situation dans laquelle aucune vérité ne
s'impose à nous, et où toutes les opinions se valent.
Chacun est mesure de ce qui est, selon ce qu'il juge.
Les sophistes vont dans ce sens.
Protagoras,
dans le Théétète, apporte cependant une précision : en l'absence d'objectivité pure, au moins peut-on jouer sur l'effet produit par le jugement, selon qu'il
procure une sensation agréable ou non.
Certaines opinions sont donc meilleures que d'autres, et non pas plus vraies, et certains individus, les sophistes,
sont plus savants que d'autres pour faire apparaître de bonnes opinions à leur auditoire.
C'est le relativisme et l'intérêt qui l'emportent sur la vérité.
b.
Exigence de la définition
Face à cette menace, Platon applique le principe de la définition.
Une définition donne l'essence de ce qu'elle définit.
Socrate, dans ses dialogues, tente de
répondre à des questions comme « qu'est-ce que la beauté ? », «qu'est-ce que le courage ? », c'est-à-dire trouver l'essence.
Un homme est juste dans
certains de ses actes, il ne l'est pas toujours, il ne l'est pas de la même façon selon les circonstances, mais l'essence de la justice est, elle, immuable et
éternelle, elle est pure et parfaite : elle n'est que justice et toute justice.
Les faits, les hommes sont ensuite qualifiés de justes du fait qu'ils possèdent une
part de cette essence, même si c'est une forme particulière et parfois éphémère de cette dernière.
c.
Existence de l'Idée
On ne peut connaître ce qui n'existe pas.
On ne peut appeler vérité ce qui ne correspond pas à une réalité.
Donc, en poursuivant la logique jusqu'au bout,
l'essence existe réellement.
Platon appelle ces essences des Idées, ou des Formes.
L'Idée est immatérielle du fait de ses caractéristiques : éternelle,
immuable, non soumise aux circonstances changeantes de la réalité vécue.
Si l'on reconnaît la bonne définition d'une chose, c'est donc parce que notre
esprit a déjà contemplé ces Idées par lui-même, et qu'il identifie à nouveau leur nature quand elles viennent à se présenter, à travers l'exigence de la
définition..
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