La vérité est-elle différente de la réalité ?
Extrait du document
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Introduction.
Celui qui s'ouvre à la connaissance rencontre d'abord le problème de savoir quel sera son objet.
C'était déjà le problème de la philosophie antique : d'une
part la multiplicité changeante du réel, d'autre part l'unité que l'entendement peut découvrir sous le mouvement et l'altération de ce réel; d'une part une
réalité toujours riche et personnelle, d'autre part une vérité, universelle et simple.
Le problème se circonscrit dans les rapports entre la V érité et la Réalité.
1ire PARTIE
Une des premières démarches de la réflexion philosophique aboutit à nier un des deux termes et à dire que la Vérité est la seule réalité.
1° Il y a deux sens du mot « réalité » dans la plupart des doctrines classiques : une réalité « vraie », et l'autre, qualifiée d'illusoire ou de vaine apparence.
En cela, la philosophie rejoint le sens commun, qui exige du réel, pour être tel, autre chose que l'illusion perceptive.
Si une tour carrée paraît ronde de loin,
on dira que « réellement » elle est ronde.
2° En généralisant ce procédé, on aboutit rapidement à dire que tout ce qui est seulement perception est suspect d'erreur, et que la « réalité » qui seule
mérite ce nom est la « vérité », qui est « au-delà du perçu et accessible à l'intelligence ».
C'est la thèse célèbre de Platon qui distingue deux mondes : « le
monde sensible » et « le monde intelligible ».
Le premier (ombres de la caverne) est un monde d'illusion auquel nous
croyons spontanément parce que nous n'avons jamais « tourné la tête vers la lumière »; tout y est subjectif et marqué
par le Devenir.
L'autre, le monde des idées, monde de la science, des mathématiques et de la logique, est le seul « réel
», parce qu'il est le seul vrai.
Plus exactement, le second est « plus réel » que le premier.
3° La Science, qui se propose de découvrir et de décrire la structure « réelle » des choses, fait la même opération.
Elle
élimine certains aspects du réel (par exemple le temps vécu, l'historicité, ou la subjectivité des qualités) pour trouver
le schéma quantitatif « vrai ».
Ainsi les sciences se partagent le réel en secteurs et nous proposent des « vérités ».
Exemples tirés de la physique ou de la chimie.
4° Quels sont les caractères de cette vérité et de cette réalité? Ces vérités, même lorsqu'elles se donnent pour
provisoires (cas des vérités scientifiques modernes), visent à atteindre un certain type de vérité, définissable par
l'universalité, l'objectivité, l'intelligibilité, l'éternité.
Par opposition, la « réalité », qui est le «résidu » de cette opération,
est particulière, subjective, inintelligible et historique.
Conclusion.
L'erreur est sur le plan de la conscience et des qualités sensibles ; la vérité, c'est-à-dire la Vraie réalité (« verae seu
reaies » Spinoza) est sur le plan de l'intelligible et du nécessaire.
2e PARTIE
On pourrait se demander si cette opération qui nous fait passer du plan de la réalité au plan de la vérité, ne «perd » pas quelque chose d'essentiel.
1° Tout ce qui est éliminé de la vérité, tout ce qui dans la thèse précédente était appelé illusoire et accessoire, peut-être aussi bien considéré comme étant
la vérité.
Dans cette perspective, l'antinomie des deux termes Vérité-Réalité est encore niée, et la réalité est considérée comme la seule vérité.
Tout ce qui « dépasse » le réel immédiat, toutes les « idées » et tout le « monde intelligible », est considéré comme autant d'abstractions, qui ne sont ni
vraies, ni réelles.
2° La nouvelle vérité est caractérisée par sa singularité, son mode qualitatif, son vécu et son historicité.
Aristote, contre Platon, accorde la «réalité» véritable à l'individuel concret; Berkeley, contre Newton et Descartes,
cherche à débarrasser la représentation du monde des pseudo-vérités abstraites ou scientifiques pour retrouver les
qualités pures; Bergson, contre la science de son époque, réhabilite le Temps vécu; l'existentialisme contemporain
donne le primat à l'existence sur l'essence, c'est-à-dire à la réalité-vécue sur la vérité-pensée.
3° Il faut reconnaître que notre idée de la vérité est postérieure à la reconnaissance de la réalité.
Le réel perçu ou
perceptible est la première intuition et la première évidence; il représente l'expérience élémentaire sur laquelle tout se
construit, même l'idée de vérité, et même la science.
La « réalité » signifiera donc l'ensemble du donné, l' « existant ».
4° La « vérité » pourrait, semble-t-il, perdre sa prétention à l'objectivité sans pour cela disparaître.
La vérité est
d'abord un « esprit de vérité », c'est-à-dire une certaine attitude en face du monde et d'autrui qui consiste à essayer de
les percevoir dans « leur » réalité et non pas en fonction de la nôtre.
En ce sens, comme dit Heidegger, « l'essence de la
vérité est la liberté », ou comme dit Gabriel Marcel : « la vérité n'a aucune commune mesure avec les vérités ».
Conclusion.
L'opposition de vérité et de réalité, proche parente de l'opposition classique de l'Essence et de l'Existence, est une
opposition dialectique.
En fait les deux termes sont liés et même solidaires : il n'y a de vérité que du point de vue de la
réalité, et il n'y a de réalité que du point de vue de la vérité..
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