La vérité doit-elle se méfier de l'opinion ?
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Introduction
La tâche que l'on assigne communément à la philosophie est la recherche de la vérité.
Pour autant celle-ci s'attache
à réfléchir et discuter, en premier lieu, sur ce que l'opinion commune considère comme des vérités.
C'est sans doute
ici une problématique majeure qui se pose à la philosophie : la nature du rapport entre opinion et vérité.
Le plus
souvent l' « amour de la sagesse » pose la doxa (« opinion » en grec) pour mieux, en dernier lieu, la réfuter.
La
philosophie, de fait, ne nie pas l'opinion mais la reprend pour la disputer.
Une question se pose alors : la vérité doit-elle se méfier de l'opinion ?
Pour y répondre, deux questions sous-jacentes doivent être posées et résolues :
Une définition successive de la vérité puis de l'opinion nous éclaire-t-elle sur la distinction de ces deux notions
?
Ne peut-on pas parler d' « opinion vraie » ?
I.
Distinction vérité/opinion
La philosophie n'est pas la vérité ; elle est plutôt, dans sa définition socratique, l'art de questionner et de discuter
les opinions et croyances particulières en vue d'établir une vérité advenue par l'activité même de cette discussion
(rigoureusement comprise).
La vérité, selon Socrate, ne peut être reconnue que par la « dialectique »
(contradictions surmontées dans et par le dialogue) et au travers de la « maïeutique » (art d'accoucher les esprits).
L'art socratique du dialogue repose sur une certitude.
Le savoir, la vérité, ne peuvent consister en des exposés
doctrinaux, comme c'est le cas chez les « sophistes » et leur utilisation de la « rhétorique » ; ceux-ci ne cherchent
qu'à donner une illusion de vérité en utilisant tous les artifices du langage.
Leur but est donc de persuader un
auditoire et non de chercher la vérité elle-même.
Selon Socrate, le dialogue a une vertu « heuristique » (capacité à
transmettre un savoir) qui contredit cet art illusoire des sophistes.
Le dialogue socratique repose sur une conception
de la vérité comme intériorité : le savoir est essentiellement réflexif, action de se tourner vers soi et d'y découvrir
l'universel qui est en nous.
Ainsi doit-on comprendre sa célèbre formule « Connais-toi toi-même », indiquant que la
vérité ne peut être transmise ou enseignée du dehors.
Elle est déjà en germe au fond de chaque être humain et
celle-ci ne pourra se révéler qu'au travers de la discussion (« maïeutique ») des opinions et des croyances.
C'est
donc sur un possible ressouvenir de la vérité oubliée (dans les vies antérieures) que se fonde la discussion.
La vérité
est universalité qui dépasse donc la particularité des opinions et des croyances.
La vérité s'oppose à l'ignorance,
elle est donc savoir de l'universel ou « logos ».
C'est donc un sens philosophique classique que Socrate donne alors
au vrai : il est le caractère des jugements (finalité de la discussion) et des propositions qui les expriment, capables
de fonder un accord universel entre les esprits.
L'opinion quant à elle, est donc soit ignorance, soit illusion du savoir.
Elle est cette particularité qui s'oppose donc à
la vérité comme universalité.
Cependant la philosophie ne s'exerce pas indépendamment de l'opinion.
En termes de
connaissance, l'opinion a certes été définie très tôt par la philosophie comme une croyance ou une représentation
de l'imagination qui, malgré son influence sur nous, reste le plus bas degré du savoir.
Mais degré quand même et
toujours au commencement de chaque pensée philosophique comme point d'appui.
La meilleure image que l'on peut
se faire de l'opinion est inscrite dans La République de Platon (livre VII), dans ce que l'on appelle l' « allégorie de la
caverne ».
L'opinion est, dans cette métaphore, la situation initiale des hommes (prisonniers de la caverne).
Celle-ci
est symbolisée, par Platon, par les ombres projetées sur le mur de la caverne (par le biais du feu se trouvant
derrière les prisonniers) que les hommes enchaînés sont forcés de voir en face d'eux.
Mais ces ombres, qui ne sont
pas la vérité, sont cependant des simulacres (projections) de cette vérité qui se trouve derrière les hommes, à la
sortie de la caverne.
Le philosophe sera celui qui, se libérant de ses chaînes, remontera la pente caverneuse pour
accéder enfin à la vérité, symbolisée par la nature éclairée par le soleil.
En ce sens la philosophie ne doit pas se
méfier de l'opinion, mais plutôt prendre appui sur elle pour se mouvoir vers la vérité plus haute.
II.
Le vraisemblable
Le problème reste cependant entier.
En effet, si une définition claire de ce qu'est la vérité puis de ce qu'est l'opinion
doit nous permettre de distinguer ces deux notions, rien ne peut cependant, aujourd'hui encore, nous permettre de
manière certaine de trancher entre ce qui est vrai et ce qui est vraisemblable.
La science – ou plutôt les sciences –
ne sont toujours pas parvenues à établir « la vérité ».
Elles cherchent toujours et ne semblent pas devoir parvenir
un jour à ce degré paroxystique d'une Vérité « une et même pour tous ».
Un consensus existe cependant sur
certains faits ou hypothèses probables, mais l'ambiguïté entre vrai et vraisemblable est toujours prégnante.
Une
opinion scientifique sera appelée « hypothèse », la science cherchant alors à vérifier, prouver cette opinion ou
théorie hypothétique..
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