La technique nous éloigne-t-elle de la nature?
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«
Il peut s'agir d'une évidence dans la mesure où l'homme à chercher par le biais de la technique à s'éloigner de la nature, à l'aide de
celle-ci, il a cherché à s'éviter d'affronter directement la nature.
La technique ne peut recouvrir une définition unique et immuable,
entre le simple silex de l'homme préhistorique aux derniers robots de l'industrie, on serait tenté de voir une véritable différence de
concepts.
La modernité de la technique oblige donc à repenser le rapport de la technique à la nature dans une dimension inattendue.
1) La technique comme prolongement de la nature.
La technique ne nous éloigne pas forcément de la nature, elle peut en être sa prolongation.
Toute la technique ne se résume pas à la
technique moderne, elle peut être aussi la simple fabrication d'outils, la création d'appareillage pour soulager l'homme d'efforts
difficiles mais pourtant nécessaires.
A ce propos, La Physique d'Aristote dit : « La technè [...] parachève ce que la nature est dans
l'impossibilité d'élaborer jusqu'au bout ».
Mais si la technè effectue ce que la nature est dans l'impossibilité d'accomplir, c'est que cette
chose était déjà portée par, donc elle est actualisation non naturelle d'un possible qui ne peut pas ne pas être naturel, par
l'intermédiaire de cet agent particulier, l'homme, dont la physis propre contient précisément la virtualité d'actualiser le virtuel de la
physis en général.
La technique peut être imitation de la nature, elle peut magnifier celle-ci par des ouvrages, elle peut la rendre
accessible à l'homme, et simplement par le biais du travail, comme le pense Hegel, que l'homme s'approprie le monde qui l'entoure et
le fasse sien afin de s'y reconnaître.
2) La technique éloigne l'homme de la nature.
Selon Hans Jonas dans le Principe La technique a transformé en profondeur l'essence de l'agir humain.
La technique a
considérablement augmentée la portée de l'agir humain.
La portée causale déborde tout ce que l'on a connu autrefois.
La promesse
technique s'est transformée en menace, ce que l'homme pourra faire à l'avenir n'a pas d'équivalence par le passé.
Elle a fait
apparaître de nouveaux devoirs.
L'éthique antique est inopérante à l'heure de la technique.
Aujourd'hui, les conséquences de certains
actes ne seront visibles que dans quelques centaines d'années.
L'exemple de la pollution, de la surexploitation des ressources
forestières, des pêches abusives, de la disparition des déchets nucléaires) .Aussi tous nos pronostics à long terme sont incertains.
Le
principe responsabilité voudra donc que l'on favorise les hypothèses pessimistes au profit des hypothèses optimistes.
Le mal est
toujours certain.
Le principe responsabilité dit « Agis de telle façon que les effets de ton action soient compatible avec la permanence
d'une vie authentiquement humaine sur terre.
» Il s'agit d'un droit à l'existence d'une vie pas encore actuelle.
Ce principe est
programmatique, il vise quelque chose qui ne s'est pas encore produit.
L'homme s'est vu remettre une essence, il en est responsable.
Il faut donc une prescience, une anticipation.
Il faut une métaphysique que n'a pas encore la science.
Le principe responsabilité
pressent l'impossible, il veut le limiter.
Il doit aller au devant des abus.
Tous les possibles demeurent une fois que l'action s'est
produite.
Il faut que les conséquences des actions soient voulues.
Il faut pour cela que des principes soient voulus pour que les
conséquences soient voulues.
Il faut donner à l'agir humain une dimension de volonté et qu'elle soit au principe de ses réalisations.
Car
la réalité humaine correspond à quelque chose de non- voulu.
L'agir a pris des dimensions cosmologique.
La menace des civilisations
technologiques repose sur l'idée que la technologie domine aussi l'homme comme elle domine la nature.
C'est l'étant dans sa totalité
qui est menacé.
Dans ce cas la technique nous éloigne de la nature dans la mesure où elle est exploitée, parfois détruite.
Ce principe
de responsabilité vise en réalité à rapprocher l'homme de la nature, et à ne pas simplement s'intéresser au profit qu'il peut tirer pour
lui-même.
3) L'essence de la technique moderne éloigne l'homme de la nature.
Selon Martin Heidegger dans la question de la technique dans Essais et conférences : « Elle aussi
est un dévoilement.
C'est seulement lorsque nous arrêtons notre regard sur ce trait fondamental
que ce qu'il y a de nouveau dans la technique moderne se montre à nous.
Le dévoilement, cependant, qui régit la technique moderne ne se déploie pas en une production
au sens de la poiesis.
Le dévoilement qui régit la technique moderne est une provocation par
laquelle la nature est mise en demeure de livrer une énergie qui puisse comme telle être extraite
et accumulée.
» C'est ce qu'il appelle l'arraisonnement du monde.
Cet arraisonnement n'a rien en
vérité de technique.
Il fait la différence entre le commettre et le dévoilement.
Cet
arraisonnement entrave le véritable dévoilement qui n'est possible en définitive qu'avec l'art.
La
technique provoque la nature, Un paysan par exemple en labourant sa terre ne la provoque pas.
Il n'y a plus d'accord entre l'homme et la terre, il doit la transformer pour en tirer une énergie,
une matière qui ne se trouve pas comme telle disponible.
Construire un barrage, une carrière de
minerais, une centrale nucléaire est une provocation.
Aussi le travail du paysan sera dit proche
de la nature, et la technique moderne éloigne l'homme de la nature en vérité puisque l'homme
cherche à en outrepasser les limites, à la dépasser, à en retirer quelque chose qu'elle ne donne
pas naturellement.
Sciences & techniques obéissent à un destin commun qui est celui de la rationalité.
Le principe
fondateur de celle-ci est le principe de raison selon lequel l'homme doit rendre raison de tout ce
qui est.
L'homme se trouve soumis à un impératif dont il ne perçoit plus l'origine.
Il est alors
exposé à un danger suprême: celui de perdre toute possibilité d'entendre le sens d'être
autrement que dans son acception technique.
Pour la technique, le réel est un fonds destiné à l'arraisonnement.
La technique peut donc se retourner contre la nature après en être issue et constituer un danger pour elle, et ce en un
sens qui n'est pas exclusivement matériel, mais qui est aussi spirituel.
Dans son analyse de la technique, Heidegger, très
au-delà de la bonne conscience écologique, met en lumière une certaine relation d' « arraisonnement » : à force de vouloir
se rendre « maître et possesseur de la nature », comme le disait Descartes, l'homme met, selon la riche métaphore
heideggerienne, la nature « à la raison » : Heidegger parle aussi d' « arraisonnement » , comme si la technique abordait la
nature en pirate ; Qu'est-ce à dire ? Dans sa conférence titrée « La question de la technique », Heidegger part de la
question suivante : « quelle est donc l'essence de la technique moderne pour que celle-(ci puisse s'aviser d'utiliser les
sciences exactes de la nature ? » Pour répondre à cette question, il faut inverser le rapport traditionnel entre science et
technique.
En apparence, la technique suit les sciences exactes de la nature ; en réalité, la relation est presque inverse :
c'est l'application technique qui renforce un certain aspect de ces sciences naturelles : « La physique moderne n'est pas une
physique expérimentale parce qu'elle applique à la nature des appareils pour l'interroger, mais inversement : c'est parce
que la physique –et déjà comme pure théorie- met la nature en demeure de se montrer comme un complexe calculable et
prévisible de forces que l'expérimentation est commise à l'interroger », ajoute Heidegger.
Et peut-être en effet peut-on
aller jusqu'à dire que lorsque la science travaille, elle a déjà en vue les applications techniques, qui peut-être alors
l'orientent dans ses travaux : c'est bien ce que veut dire Heidegger quand il dit que c'est pour appliquer son
« questionnement », sa mise à la question, que la physique est expérimentale.
La technique humaine, explique-t-il plus largement, accomplit un destin remontant à la philosophie grecque et au nom.
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