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La technique ne produit-elle pas des besoins au lieu de se contenter d'y répondre ?

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« La technique, qui est une compétence fondamentale de l'homme (homo faber), est l'ensemble des moyens et des procédés permettant d'obtenir un résultat désiré.

Elle s'appuie sur l'expérience ou sur la science.

Mais le résultat désiré peut s'accompagner d'effets non désirés (effets pervers), et la technique peut être mise au service des projets les plus déraisonnables.

C'est pourquoi elle est perçue comme essentiellement ambivalente, autant bienfaitrice (technophilie) que dangereuse (technophobie).

Son défaut vient sans doute de ce qui lui manque : elle ne porte que sur les moyens, et non sur les fins. On peut définir le besoin, par ce qui manque à un être pour assumer sa vie organique.

Psychologiquement, le besoin se traduit par un état de conscience pénible qui accompagne la privation de ce qui est nécessaire à la vie ou considéré comme tel par le sujet.

Ainsi on peut distinguer les besoins naturels primaires indispensables à la survie immédiate, et secondaires dont la satisfaction peut être différée pour un temps et enfin, les besoins culturels c'està-dire acquis par le milieu social.

Il convient alors de se demander jusqu'à quel point la technique satisfait nos besoins. La technique vouée à l'efficacité : Originellement, technique est synonyme d'art.

Le mot grec tekhnê, dont l'équivalent latin est ars, désignait en effet tout savoir-faire traditionnel permettant d'obtenir à volonté un résultat donné.

La technique comprenait donc à la fois les pratiques utilitaires (les métiers, les habiletés) et les beaux-arts.

C'est toutefois à partir du XVIIIe siècle que le mot ne désigne plus que l'activité utilitaire.

La recherche de la technique ne porte ainsi que sur l'utilité et l'efficacité.

L'homme est un être technicien.

Dans un mythe rapporté par Platon (Protagoras, 320d-322b), la technique est le don du titan Prométhée à l'humanité, afin de la secourir de son originelle déficience face aux périls naturels.

La technique est donc ce par quoi l'homme se maintient dans l'existence et s'adapte à un environnement hostile.

Elle le sauve de son originelle impuissance. Si certains animaux sont, selon le vocable de l'éthologie (science du comportement) anglo-saxonne, des tool users (utilisateurs d'outils), seul l'homme est véritablement un tool maker (fabricateur d'outils).

Les paléontologues parlent donc de l'homo faber et considèrent l'usage de l'outil comme un critère de l'humanité. L'outil implique des capacités intellectuelles et linguistiques développées ("la main libère la parole", dira le paléontologue André Leroi-Gourhan).

Bergson affirme en ce sens que homo faber a précédé homo sapiens. L'intelligence est originellement technicienne, elle est l'aptitude à fabriquer des outils. L'anticipation ou le projet présents en toute technique impliquent un dépassement du présent immédiat, donc le sens du temps : le détour technique, c'est déjà la temporalité du délai instauré entre le besoin ou le désir et sa satisfaction, dès lors différée.

Fabriqués ou conçus en vue de la tâche à accomplir, les outils et les techniques sont aussi conservés une fois cette tâche accomplie ; ils sont perfectionnés et transmis aux générations suivantes.

Les techniques sont donc inscrites dans l'histoire et la culture. On sait que les grands singes utilisent ce qui semble avoir une fonction comparable à l'outil dans leur activité de chasse ou de protection contre les prédateurs.

Par exemple, un chimpanzé est capable de se servir d'une branche d'arbre qu'il aura pris soin d'effeuiller préalablement pour recueillir des termites ou des fourmis au fond de leur trou.

De la même manière, un castor est capable de fabriquer ce qui ressemble à nos barrages sur les rivières...

Pour Leroi-Gourhan, il y a une différence de nature et pas seulement de degré entre la capacité humaine à inventer des outils et ce qui s'apparente plutôt chez l'animal à un simple détournement d'objet: " La fabrication et l'usage du biface relèvent d'un mécanisme très différent, puisque les opérations de fabrication préexistent à l'occasion d'usage et puisque l'outil persiste en vue d'actions ultérieures.

" Le biface, c'est la pierre taillée la plus primitive que l'on connaisse en paléontologie.

Mais il révèle déjà une pensée et pas seulement un instinct.

Les opérations de fabrication préexistent à l'usage de l'objet : autrement dit, l'homme fabrique d'abord le biface dans sa tête avant de passer à l'acte avec le silex.

Par ailleurs, il y a conservation de cet outil, ce qui signifie que l'homme sait qu'il va pouvoir s'en servir ultérieurement. Grandeurs et misères de la technique : · Si l'intervention technique met à distance la nature, c'est pour s'en assurer une plus grande maîtrise.

Or celle-ci peut en être une grave agression et, pour l'homme, une transgression.

L'effroi technophobe trouvera son paroxysme dans la mythologie contemporaine, largement nourrie du roman de Mary Shelley, Frankenstein ou le Prométhée moderne (1818).

Le monstre y symbolise l'inquiétude d'une humanité dépassée par ses propres réalisations techniques, d'une technocratie (pouvoir technicien) incapable de maîtriser le produit de ses expériences.

Il est vrai que les avancées des biotechnologies (projet Génome, clonage, OGM...), la prolifération des armes bactériologiques, du nucléaire et des dérèglements écologiques ne laissent pas de nourrir nos inquiétudes... · Mais la technique nourrit également les plus grandes espérances, surtout depuis le début de l'époque moderne, où elle a fait de fulgurants progrès.

Parce que savoir c'est pouvoir, la technique (qui veut les effets) doit s'allier à la science (qui sait les causes) : on ne "commande à la nature qu'en lui obéissant" (Bacon, Novum Organum, 1620). RAPPEL: "On ne commande à la nature qu'en lui obéissant" BACON Cette phase signifie que, pour agir ou transformer la nature, il convient d'en connaître les mécanismes.

Ce. »

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