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La technique est-elle une activité neutre ?

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« INTRODUCTION Définition des termes et problématisation : La technique a pour finalité de produire un résultat et pour ce faire utilise différents moyens.

La technique signifie donc la fabrication, la production, l'exécution et même la création.

Elle est une activité dans la mesure où elle est l'expression d'un savoir-faire.

En grec la technique se rapproche de la poiésis parce qu'à la différence de l'action elle produit quelque chose d'extérieur à l'agent.

En ce sens dés la formulation de sa définition le caractère utile, pratique, intéressé de la technique est souligné.

De ce fait la caractériser comme étant « une activité neutre » peut sembler périlleux et contradictoire.

Pour mieux comprendre cette tension entre la technique et la neutralité il faut définir à son tour ce que l'on entend par neutralité.

Être neutre peut signifier plusieurs choses : être objectif, impersonnel, être indifférent ou être désintéressé.

Selon que nous prenions telle acception plutôt que telle autre notre réponse à la question différera.

En effet si ce qui est essentiel dans la technique est le résultat, alors l'identité de l'agent importe peu et dans ce cas elle sera assimilée à la fabrication impersonnelle d'un objet.

Mais si la neutralité est prise dans le sens de désintéressement alors la technique ne peut être neutre parce qu'elle est portée par une finalité.

Il y a deux tensions essentielles au sein de cette problématique.

Tout d'abord se peut-il qu'une activité, comprise comme étant l'oeuvre d'un individu, soit neutre ou impersonnelle ? Pouvons-nous faire abstraction de l'agent et de sa singularité dans la production d'un objet ? Deux personnes peuvent exercer le même métier sans que pour cela elles l'exercent de manière identique.

A partir du moment où l'individu joue un rôle dans le processus de la technique il ne peut y avoir de neutralité.

La deuxième tension concerne l'absence de neutralité de la technique comprise comme activité utile, intéressée.

Si l'utilité est mise au premier plan nous remettons, certes, en question la neutralité de la technique mais nous soulignons de la même manière que, ce qui importe dans la technique, est moins l'activité en elle-même que son résultat et ce que l'homme peut en retirer.

Ces deux tensions interrogent donc le statut de l'agent au coeur de la technique. PLAN DETAILLE Première partie : La technique, comme production d'un objet en dehors de soi, met à distance l'agent et le résultat de son activité.

La technique est neutre parce qu'impersonnelle. 1.1 Le technicien, le fabricant, est guidé par l'usager. « Il y a trois arts qui répondent à chaque objet : ceux de l'usage, de la fabrication et de l'imitation [...] Par conséquent, il est de toute nécessité que l'usager d'une chose soit le plus expérimenté, et qu'il informe le fabricant des qualités, et des défauts de son ouvrage, par rapport à l'usage qu'il en fait.

Par exemple, le joueur de flûte renseignera le fabricant sur les flûtes qui pourront lui servir à jouer ; et il lui dira comment il doit les faire, et celui-ci obéira.

» PLATON, République, X 601d-e. Il y aurait donc une double extériorité qui fonderait la neutralité d e la technique, comprise comme impersonnalité, à savoir l'extériorité de l'objet produit et les directives extérieures que le fabricant doit suivre. 1.2 L'ouvrier selon Marx, avec les succès de la technique et les changements dans les méthodes de travail, se trouve dépossédé de son activité. « La dépossession de l'ouvrier au profit de son produit signifie non seulement que son travail devient objet, une existence extérieure, mais que son travail existe en dehors de lui, indépendamment de lui, étranger à lui, et qu'il devient une puissance autonome face à lui.

La vie qu'il a prêtée à l'objet s'oppose à lui, hostile et étrangère.

» MARX, Manuscrits de 1844. L'extériorité devient triple, elle concerne les consignes à l'origine de l'activité technique, son résultat et l'activité technique ellemême. Transition : Deux difficultés persistent à la fin de cette première partie.

Si la neutralité de la technique est avérée dans sa première acception (impersonnelle), ses autres acceptions doivent être étudiées.

D'autre part cette impersonnalité est-elle soutenable et jusqu'où dans la mesure où la technique va de pair avec l'inventivité humaine ? Si progrès technique il y a c'est grâce à la faculté d'invention d'un individu.

La technique ne peut être étrangère à la singularité de ses produits. Deuxième partie : La technique ne peut être neutre dans la mesure où elle poursuit une fin et est l'expression de la faculté d'invention humaine. 2.1 La technique est une activité accompagnée de raison et visant une finalité. « Puisque l'architecture est un art ; que cet art se définit par une disposition, accompagnée de raison, tournée vers la création, et que toute disposition de cette sorte est un art ; l'art et la disposition accompagnée de la raison conforme à la vérité se confondent. D'autre part, tout art a pour caractère de faire naître une oeuvre et recherche les moyens techniques et théoriques de créer une chose appartenant à la catégorie de possibles et dont le principe réside dans la personne qui exécute et non dans l'oeuvre exécutée.

» ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, VI 4. L'activité technique n'est pas neutre parce qu'elle vise une finalité. 2.2 La technique est parente de l'invention et c'est pourquoi elle n'est pas étrangère à la personnalité de l'agent. « En ce qui concerne l'intelligence humaine, on n'a pas assez remarqué que l'invention mécanique a d'abord été sa démarche essentielle, qu'aujourd'hui encore notre vie sociale gravite autour de la fabrication et de l'utilisation d'instruments artificiels, que les inventions qui jalonnent la route du progrès en ont aussi tracé la direction [...]Si nous pouvions nous dépouiller de tout orgueil, si, pour définir notre espèce, nous nous en tenions strictement à ce que l'histoire et la préhistoire nous présentent comme la caractéristique constante de l'homme et de l'intelligence, nous ne dirions peut-être pas Homo sapiens, mais Homo faber.

En définitive, l'intelligence, envisagée dans ce qui en paraît être la démarche originelle, est la faculté de fabriquer des objets artificiels, en particulier des outils à faire des outils et, d'en varier indéfiniment la fabrication.

» BERGSON, L'évolution créatrice, II. Transition : La neutralité de la technique a été récusée en deux sens parce que la technique est mue par une finalité et parce qu'elle est personnelle en tant qu'elle offre à l'homme un domaine dans lequel il peut exercer son inventivité.

Cependant l'utilité de la technique ne peut-elle pas porter préjudice à l'homme quand elle prend une importance excessive ?. »

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